C’est une histoire simple, écrite avec simplicité, le récit des derniers jours de liberté d’une famille tsigane dans la France occupée ; une famille broyée par la guerre, la politique de collaboration, le racisme et la haine depuis longtemps ancrés chez beaucoup de Français. C’est aussi un hommage à ceux qui voulurent défendre la fraternité et le respect de l’autre, les droits de l’homme et la République, ceux qui firent ce qu’ils pensaient devoir faire, ce qu’ils crurent pouvoir faire, jusqu’à la Résistance.
Une famille tsigane dans la France de Vichy
Nous sommes en 1943 quelque part dans la campagne, dans la zone occupée de la France de Vichy. Une famille tsigane s’approche d’un village où, comme chaque année elle veut s’installer le temps des vendanges, avant de repartir car ses membres ne conçoivent pas la vie autrement que sur la route, toujours vers de nouveaux horizons. Théodore est vétérinaire et maire du village. Il s’efforce de leur faire comprendre que les temps ont changé, que désormais c’est la guerre et que les lois sont encore plus dures qu’elles ne l’étaient pour les Tsiganes. Avec l’aide de la jeune institutrice il veut leur faire accepter une sédentarisation temporaire qui pourrait les sauver.
La famille dans un premier temps n’échappe pas à un internement dans un camp ouvert et administré par l’État français. Théodore les en fait sortir en les rendant propriétaires de la maison de ses ancêtres et des terres qui l’entourent, malgré eux et malgré l’opposition brutale de quelques voisins furieux. Thédore et Lise iront jusqu’au bout du possible, mais la violence conjuguée de la politique de Vichy, de la Gestapo et de la Milice triompheront.
Les états d’âme de l’historien
Ce petit livre n’est ni une étude historique sur la déportation des Tsiganes, ni même un roman historique. C’est un roman et c’est presque un scénario. Les personnages sont assez stéréotypés : l’institutrice agent de liaison, le milicien, le maire écrasé entre l’État et ses administrés, le salopard milicien, les brutes de la Gestapo, les Tsiganes idéalisés épris de liberté.
L’historien souffre un peu de l’imprécision du contexte et s’étonne de voir intervenir dans des attributions mal délimitées la gendarmerie de l’État français, la Milice et la Gestapo. L’épilogue évoque le sort des Tsiganes « vivant en Europe » dont beaucoup furent exterminés dans les camps nazis, mais ne dit rien de ceux qui vécurent en France. Or les Tsiganes français ne furent pas déportés, sauf ceux des départements du Nord et du Pas-de-Calais rattachés au gouvernement militaire de Bruxelles. C’est d’ailleurs d’une famille tsigane internée à Mâlines en Belgique avant d’être déportée à Auschwitz que s’est inspiré Tony Gatlif. Il est vrai que l’arrestation de la famille dans le roman a lieu près de la frontière belge qu’elle voulait absolument franchir et qui était le but de son voyage.
Ces précisions risquent de passer inaperçues et le lecteur ou le spectateur ne saura pas que les Tsiganes restèrent internés dans des camps français, et qu’ils y demeurèrent des mois encore après la fin de la guerre, détenus cette fois par les autorités qui avaient restauré la légalité républicaine.
On admettra que ces précisions ne soient pas la préoccupation des auteurs et on attendra le 24 février pour voir vivre et mourir les personnages du roman.
© Joël Drogland