C’est toujours avec beaucoup d’impatience que nous attendons l’arrivée dans les bacs du dernier numéro de la documentation photographique, publiée désormais par les éditions du CNRS.
Cette publication qui accompagne les professeurs du second degré, mais aussi les candidats aux concours d’enseignement, permet une mise au point, sous un format parfaitement accessible, des grandes questions, qui sont le plus souvent en relation directe avec les programmes scolaires.
Dans le contexte particulier de la sortie pour la rentrée scolaire 2019/ 2020, avec de nouveaux programmes d’histoire pour les lycées, ce numéro consacré aux « lieux et symboles de la république », vient à point nommé, puisqu’il est en relation directe avec l’ouverture du programme de première, pour le tronc commun. La lecture du sommaire permet de s’en rendre compte puisque que l’un des « points de passage » du programme d’histoire de ce niveau s’intitule : « les funérailles de Victor Hugo ».
Conformément à la présentation des numéros de toute la collection, la première partie est consacrée à un point scientifique d’une douzaine de pages, rédigé par Mathilde Larrère, dont le dernier ouvrage, « Révolutions, quand les peuples font l’histoire », paru en 2013, a été présenté sur la Cliothèque. On se souvient aussi des polémiques dont elle a pu être partie prenante à diverses occasions. Le décryptage, on pourrait dire aussi le détricotage de l’histoire, fait également partie des engagements de l’historienne, notamment par une forte présence sur Twitter.
La première partie est consacrée à l’invention des symboles sous la première République, dans les conditions particulières de sa naissance, à partir de 1792. Les documents officiels postérieurs à la date du 21 septembre 1792 sont alors datés de l’an un de la république.
La République remit les compteurs à zéro, dit-elle, avec l’adoption du calendrier républicain, mais aussi et surtout l’utilisation d’allégories qui remplacent la figure du roi. La République est du genre féminin, pour trancher avec la représentation masculine, du fait de la loi salique, la figure du roi.
Les références qui entourent le personnage féminin, drapé à l’antique, tenant une lance, la tête recouverte du bonnet phrygien, sont évidemment issues de la perception de l’antiquité romaine. Le faisceau de licteurs, des verges liées autour d’une hache, est ainsi réinterprété comme représentant l’union et la force des citoyens au service de la liberté.
La République se décline ainsi, au fil des évolutions de la période 1792–1804. Coiffée du casque de Minerve, en référence aux guerres du Directoire, elle est alors accompagnée par le peuple souverain, représenté en Hercule. Ce dernier s’efface peu à peu, note l’historienne, sous le Directoire.
Cette République, incarnée par une femme, n’a pas forcément de prénom au départ. Elle semble avoir été baptisée « Marianne », dans un périmètre plutôt délimité, celui du Sud-Ouest. À partir du Languedoc, l’usage se répand au reste du territoire, même si c’est davantage en terres occitanes que l’on parle, à propos de la statue, le plus souvent construite après 1870, de « la Marianne », présente dans de très nombreuses cités.
On trouvera également une explication peut-être plus précise que ce que l’on évoque habituellement, à propos du drapeau tricolore. Le bleu et le rouge, couleurs de Paris qui encadrent le blanc royal, fait partie des grands classiques. Mais il semblerait que cela s’inscrive dans une reprise de codes visuels plus anciens, comme les rayures, associées au Moyen Âge au diable, aux jongleurs ou bourreaux. Cela fait donc référence à une forme de transgression sociale repris par les cultures révolutionnaires à partir du XVIIe siècle. Les vêtements à rayures de couleurs auraient représenté sous la révolution anglaise une rupture avec les étoffes sombres et uniformes des puritains.
Les trois couleurs se retrouvent dans la lutte des néerlandais contre la domination espagnole, avec un passage de l’orange, de Guillaume d’Orange justement, au rouge. La couleur elle-même a une charge symbolique.
Les changements de régime de la fin du XVIIIe se traduisent souvent par le passage de la bichromie, héritée de l’héraldique des familles royales et princières, à la trichromie.
Cette représentation se retrouve dans les tenues officielles, des signes de reconnaissance, comme dans les pavillons, mais aussi portée par la population sous forme de cocardes ou de rubans. Il s’agit là aussi d’une appropriation, à vocation égalitaire, d’un symbole commun. C’est la Convention qui, en 1794, fixe l’orientation verticale et l’ordre des bandes de couleurs du drapeau actuel.
La devise
La devise de la république, liberté, égalité fraternité, prend corps avec la Révolution Française. Ces deux références se trouvent dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, même si, note Mathilde Larrère, « seule la liberté fait partie des droits de l’homme, l’égalité n’étant qu’une condition ». On peut sans doute s’interroger à ce propos, puisque l’article un stipule « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
La devise a d’ailleurs largement évolué, puisque l’on a pu voir apposer sur les documents officiels, liberté et égalité, seulement, ou encore liberté–égalité–justice, unité, indivisibilité de la république, la liberté ou la mort.
Les attributs de la République, et en particulier le sein nu qui a conduit l’historienne à prendre à partie un premier ministre, sont présentés comme une incarnation de la fraternité, pour la poitrine féminine, tandis que le niveau ou le triangle équilatéral comme des symboles de l’égalité.
On pourrait largement débattre du sein nu, d’autant plus qu’il s’agissait, pour le premier ministre, de s’opposer à une forme de culture prétendant voiler le corps des femmes.
La Marseillaise
On rappelle également que c’est la convention « thermidorienne », qui choisit la marseillaise comme hymne national le 14 juillet 1795. La république est alors en guerre, et le chant de marche de l’armée du Rhin composé par Rouget de Lisle en 1792, apparaît comme une évidence. On s’étonnera d’ailleurs que l’on aborde les quelques réserves à propos des références guerrières qui resurgissent périodiquement. « Le sang impur qui abreuve nos sillons » étant davantage celui du peuple, que celui des ennemis, mais il semble que presque tout a été dit sur la question.
À partir de 1799, le régime du consulat issu du coup d’état du 18 brumaire aurait commencé une forme de remise en cause progressive de la République. Les symboles sont progressivement écartés, au profit de colonnes nationales, des allégories de la victoire ou de la gloire. À partir de 1803, les bonnets phrygiens sont effacés, par décret, de l’espace public, tandis que sur le franc germinal, la face porte le profil du premier consul. Les assemblées dénuées de pouvoir qui persistent sous le consulat et l’empire sont d’ailleurs installées dans deux palais, le Palais-Bourbon est celui du Luxembourg. Le Panthéon accueille les dépouilles des soutiens éminents du régime.
La Restauration parachève le travail avec le retour du drapeau blanc, l’interdiction de la marseillaise, le Panthéon rendu au culte tandis que l’on met en avant les symboles négatifs de la guillotine, de la guerre, de la terreur. D’après l’historienne, cette volonté d’interdire permet aux symboles républicains de retrouver un caractère subversif.
La monarchie de juillet est ainsi présentée comme plus complexe. Le drapeau tricolore redevient le drapeau national, le tableau de Delacroix sur la liberté guidant le peuple renoue avec la république, du moins, selon Mathilde Larrère, en apparence. On trouvera avec bonheur la formule utilisée par La Fayette à propos du nouveau régime : « ce trône entouré d’institutions républicaines est la meilleure des républiques ».
Les républicains mènent alors ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui la bataille des idées, avec la publication des discours de Robespierre ou les cours de Michelet au collège de France. On notera que la liberté guidant le peuple de Delacroix se trouve remisée dans les réserves du Louvre avant d’être rendue à son auteur. La colonne qui rappelle les trois glorieuses est tourner en son sommet par un génie de la liberté, tandis que la marseillaise est de moins en moins chantée.
La république en blouse
Les républicains, qui s’affirment comme clairement dans l’opposition dès 1831, se rapprochent clairement de ce qu’ils vont appeler « le peuple », mais aussi les exploités, et même les prolétaires. La révolte des canuts, selon l’historienne, serait alors interprétée comme la rencontre d’un monde ouvrier en construction et une république sociale. On associe alors la République aux termes démocratique et sociale, tandis que le drapeau rouge remplace le drapeau tricolore usurpé par la monarchie de juillet.
1848, deux conceptions de la République
La révolution de février 1848 oppose deux conceptions de la République. Celle des libéraux qui peuvent s’accommoder du régime débarrassé du trône, et celle des républicains les plus révolutionnaires qui portent un projet de république démocratique et sociale. Le 25 février 1848, le débat est particulièrement vif et l’on retrouve l’opposition à propos du drapeau, lorsque, au sein du gouvernement provisoire réuni à l’hôtel de ville, Lamartine parvint à faire accepter le drapeau tricolore. Pendant quelques jours, l’ordre des couleurs a même été inversé, avec le rouge en premier, à partir de la hampe.
Au sein du gouvernement, Louis Blanc parvient également à faire accepter le retour de la devise de la révolution, liberté, égalité, fraternité. Le dernier terme apportant une consonance sociale.
La représentation de Marianne, assise, aux cheveux liés, poitrine couverte, s’oppose à cette combattante au bonnet phrygien, cheveux lâchés, seins dénudés, debout dans l’action. Les deux images coexistent mais traduisent bien les rapports de force qui s’expriment entre républicains modérés et libéraux, et ceux que l’on pourrait alors qualifier de radicaux.
L’esprit de février, pour reprendre la formule de Maurice Agulhon, se retrouve également dans la célébration du nouveau régime avec la plantation d’arbres de la liberté, tandis que l’on essaie de concilier le message social de l’Évangile et le nouveau régime. Pour autant, cette recherche de concorde ne résiste pas aux événements de juin 1848. Le nouveau régime qui a maté l’insurrection s’inscrit clairement dans une approche conservatrice, traquant les symboles les plus subversifs de l’imagerie républicaine, comme le niveau, synonyme d’égalité, ou les mains jointes, représentant la fraternité.
À partir de 1851 et le coup d’état du 2 décembre, le bonnet phrygien est remplacé par l’aigle impérial, et les bustes du prince président puis de l’empereur, remplacent très vite ceux de Marianne.
C’est d’ailleurs de cette époque que date l’extension, au-delà de son terroir d’origine, de l’appellation Marianne pour désigner la république. Sur tout le territoire, Marianne est alors appelée « la sociale », ou encore « la belle ».
LE TRIOMPHE DE LA RÉPUBLIQUE
On appréciera cette partie qui montre avec de nombreuses références l’installation de la République, une composante du nouveau programme qui n’est pas évidente à faire partager dans le second degré. On rappellera évidemment qu’il faut pratiquement dix ans pour que la république s’installe, entre sa proclamation du 4 septembre 1870, et sa véritable implantation en dix-huit cent soixante-dix-neuf. Les lois constitutionnelles de 1875 peuvent être considérées comme une solution provisoire, dans l’attente d’un prétendant au trône qui fasse consensus entre les deux familles monarchistes. L’ordre moral s’accommode finalement d’une République dont on essaie de limiter au maximum les prétentions sociales. La République semble s’assagir, même si dans le sud-ouest, en terre radicale avec les républicains démocrates–sociaux, les bustes de Marianne, cheveux lâchés avec le bonnet phrygien, rentrent dans les mairies.
La Marianne se voit alors affichée partout, y compris de façon monumentale, avec des fontaines agrémentées de vertus, comme la Liberté, la Justice, ou la Concorde. Le tout complété par quelques allégories, comme l’agriculture, l’art, la corne d’abondance, etc.
La mairie devient un véritable bâtiment, souvent associé à l’école. Les instructions à leur propos datent de la monarchie de juillet, avec la loi Guizot de 1833, mais c’est avec les lois Ferry de 1881-82, la loi municipale de 1884, que la fièvre de construction se développe. Les mairies–écoles portent la devise, avec si possible, la statue de Marianne en bas-relief.
L’affaire Dreyfus marqua à cet égard un tournant, les antidreyfusards s’affichant comme clairement antisémites, antiparlementaires, et finalement antirépublicains. Du coup, la gauche, plutôt réticente au départ, à l’idée de défendre un officier issu de la bourgeoisie, juif de surcroît, se retrouve, notamment avec l’influence de Jean Jaurès, en position de défendre les valeurs de vérité, de justice, de droits de l’individu contre la raison d’État.
C’est face à la menace contre la République que représentent les antidreyfusards que l’on parle alors de « défense républicaine ». La république devient symbole de lumière, de vérité et de justice, et elle prépare d’ailleurs des approches plus radicales, comme la loi de séparation de l’église de l’État qui n’est pas abordée dans cette partie.
On pourrait également préciser que du fait de l’affaire Dreyfus, le patriotisme, valeur de gauche, clairement républicaine, semble pouvoir s’effacer devant un nationalisme ombrageux, marqué par l’esprit de revanche, et qui s’inscrit dans une « France éternelle » qui saute par-dessus l’épisode révolutionnaire pour remonter jusqu’au sacre de Reims.
La guerre de 14-18 accentue cette confusion entre la République et la Nation, tandis que la droite antirépublicaine peut alors en récupérer les symboles. On s’étonnera d’ailleurs de cette formule à propos de la gauche qui aurait « abandonné » les références nationales et patriotiques. Si le drapeau tricolore et la Marseillaise ont pu « sentir le soufre » pour une partie de l’extrême gauche, cela est loin d’être le cas pour la gauche que l’on qualifiera de réformiste, et même pour le parti communiste qui, à partir de 1935, tourne la page de l’antimilitarisme.
On fait d’ailleurs référence à Maurice Thorez qui, suivant en cela la ligne de l’internationale communiste avec le rapport Dimitrov, en rajoute parfois sur une forme de patriotisme cocardier.
Pendant l’occupation, alors que l’on passe plutôt rapidement sur la reprise des symboles nationaux sous le régime de Vichy, les références à la république ressurgissent autour de la résistance. D’après l’historienne, il semblerait, qu’après 1944, le général De Gaulle ait souhaité intégrer la croix de Lorraine dans le patrimoine républicain. Il serait sans doute utile d’en connaître les sources exactes. (Au passage, et pour aller dans le sens de l’historienne, on aurait pu rappeler que l’actuel locataire de l’Elysée a fait rajouter la croix de Lorraine dans le sceau présidentiel).
On retrouve, sous la IVe République, une forme de diffusion généralisée du drapeau tricolore que les partisans du maintien de la IVe République et les gaullistes qui la renversent, utilisent quasiment de la même façon. Pour la gauche, la République est une façon de s’opposer au bonapartisme, tandis que pour les gaullistes, il s’agit de « la libérer du système ». On fait alors référence au système des partis.
À l’ombre du président
Sous la Ve République, on assisterait à une masculinisation de la représentation, de par le rôle central que le président, toujours un homme jusqu’à présent, représenterait. Sur les pièces de monnaie, la semeuse de 1897 cède la place au génie de la Bastille, ou un arbre stylisé. Sur le médailler des présidents de la république, à partir de Charles De Gaulle, une figure choisie par le locataire de l’Élysée remplace celle de Marianne sur l’avers de la médaille.
Marianne dans les mairies qui était incarnée par une figure féminine « générique », prend alors le visage de stars du cinéma ou de la chanson comme Brigitte Bardot, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve ou Laetitia Casta. Le portrait du président de la république, qui est devenu un point de fixation, avec le mouvement des décrocheurs tout récemment, aurait même tendance, d’après l’historienne, à davantage incarner la république que les bustes de Marianne. En réalité, cela est très variable d’une mairie à l’autre, et dans les terres languedociennes, c’est les plus souvent les bustes de Marianne qui occupent la meilleure place dans la grande salle du conseil municipal ou dans la salle des mariages.
Les fêtes électorales qui suivent l’annonce des résultats de l’élection du président de la république, sont également situées dans des lieux à fort enjeu. La Bastille pour la gauche, à partir de 1981, la Concorde pour la droite, la république pour Jacques Chirac, vainqueur de Jean-Marie Le Pen en 2002, le Louvre pour Emmanuel Macron, qui entend se situer ni à droite ni à gauche.
La conclusion s’opère sur la symbolique forte que l’on a pu observer au moment de la crise dite des « gilets jaunes ». Les dégradations, à l’Arc de Triomphe, du moulage en plâtre de la marseillaise de Rudé sont présentées par les medias comme une forme de profanation de la république, tandis que les gilets jaunes se coiffent de bonnets phrygiens. Les symboles de la république s’invitent, selon Mathilde Larrère, dans un conflit politique qui oppose deux conceptions de la République, la libérale et la sociale. On peut d’ailleurs émettre quelques réserves à propos de cette série de références au mouvement des gilets jaunes que l’on trouve dans la publication. L’interprétation qui en est faite serait de considérer qu’il s’agit d’un mouvement profond du peuple, qui reprendrait à son compte les aspirations d’une république démocratique et sociale. Cela peut être très largement discuté, et l’on pourrait tout aussi bien considérer que l’atomisation des revendications de ce mouvement issu des réseaux sociaux constituerait une remise en cause des principes de la République. Il suffit de se rappeler les multiples références antisémites que l’on a pu y relever, notamment avec l’évocation de Rothschild et des revendications multiples et contradictoires qui relèvent davantage du registre populiste.
On peut trouver de très nombreuses références intéressantes dans cette mise au point, même si l’on peut sentir en filigrane les prises de position de l’auteur dans le débat public. Toute la question sera de savoir si les lecteurs auront le recul critique pour introduire, sur ce sujet sensible, les nuances nécessaires. Juste en forme de clin d’œil, on peut se demander pourquoi, dans cette reprise multiforme des références républicaines, l’historienne, et / où la militante, n’a pas repris à son compte cette formule de Jean-Luc Mélenchon lors d’une perquisition mouvementée : « la République, c’est moi ». Il faudra penser à lui poser la question.
La partie thèmes et documents de ce numéro de la documentation photographique examine donc successivement les symboles, les célébrations, l’espace public et la République au quotidien.
Les symboles
Une bonne partie des explications données pour la partie iconographique se trouve déjà dans la mise au point. De ce point de vue, c’est peut-être sur le choix des représentations qu’il faudrait exercer un regard critique.
De ce point de vue, il n’y a pas de grande surprise, tant les références sont connues par la plupart, du moins faut-il l’espérer, des professeurs d’histoire. On appréciera par exemple la couverture du journal le grelot qui oppose les deux républiques, le 28 janvier 1872.
On sera d’ailleurs surpris par l’utilisation, pour présenter « les fausses Marianne », du tableau de Delacroix. S’il est vrai que Louis-Philippe a fait décrocher cette toile en 1833, et si Delacroix ne se considère pas lui-même comme républicain, il n’en reste pas moins que cette « déesse liberté », devient peu à peu, comme le dit l’historienne elle-même, l’allégorie de la république dans une version radicale et insurrectionnelle de Marianne. On s’interroge par contre, à propos de cette insistance sur la volonté de « détricoter » la confusion entretenue à propos de la dégradation du moulage en plâtre de la Marseillaise de Rudé; un peu comme si on souhaitait « laver les gilets jaunes » de l’accusation d’avoir « profané la République ». En réalité, à moins d’être un spécialiste de l’histoire de l’art, particulièrement pointilleux sur les appellations, comment ne pas reconnaître dans cette partie du bas-relief de l’Arc de Triomphe, une Marianne en armes, qui est, il est vrai, surmontée d’un aigle que l’on peut trouver impérial ?
La référence à la marseillaise permet de donner quelques éléments d’explication sur le couplet régulièrement présenté comme particulièrement raciste et clairement sanguinaire. L’interprétation suscite toujours débat, et l’on peut trouver dans ce sang impur qui abreuve les sillons, une référence peut-être à celui des aristocrates, – c’est la thèse de Mathilde Larrère – ou plutôt un détournement, par le peuple lui-même, de la pureté du sang dont la noblesse se targue.
Pour le drapeau comme pour la devise, il ne faut pas attendre de révélation, si ce n’est la partie consacrée au coq, symbole d’avant la France, tourné en dérision au Moyen Âge, incarnation de la vigilance pour l’église catholique, sur les clochers des églises, et la République.
On passera rapidement sur les portraits présidentiels, exercices largement connus, sur lesquels beaucoup de choses sont dites. Étonnamment, les actions des décrocheurs ou des renverseurs du portrait de l’actuel président ne sont pas abordées dans cette partie mais dans le détournement des symboles républicains.
L’énumération des lieux de la République, de l’Élysée, en passant par le palais du Luxembourg, le Palais-Bourbon, le Panthéon ne contient pas d’information particulièrement originale. Beaucoup de choses ont pu être écrites dans les lieux de mémoire par Pierre Nora et on s’étonnera d’ailleurs qu’il soit seulement cité dans la bibliographie.
Considérées comme un point de passage, sinon obligatoire, du moins fortement recommandé, dans le programme du tronc commun de première générale, les funérailles de Victor Hugo sont abordées, tout comme celle d’Adolphe Thiers. Les funérailles de Victor Hugo ont été présentées comme une « fête des fous », par la presse royaliste catholique. La République souhaitait faire un triomphe devant servir le nouveau régime; l’objectif a été, de ce point de vue, largement atteint.
On retrouve également la présentation du 14 juillet, avec évidemment le choix complexe de la date pour célébrer la fête nationale. On notera d’ailleurs que les trois symboles, le drapeau, l’hymne et la fête nationale, se déroulent pendant la monarchie. Le 14 juillet, après plusieurs hésitations entre la réunion des États généraux du 5 mai, le serment du jeu de paume du 20 juin. La victoire de Valmy, le 21 septembre, pose problème en raison de son caractère proche d’épisodes insurrectionnels. (Massacres de septembre). Finalement, le 14 juillet fait consensus.
Le basculement de la fête nationale vers le défilé militaire en 1880 est présenté de façon très opportune, comme une façon, pour le général Boulanger, alors considéré comme républicain, d’attacher l’armée à la République, ce qui n’était pas forcément évident. On ne voit pas vraiment l’intérêt par contre de rappeler la sortie à propos du défilé militaire, effectivement inopportune, à mon sens, d’ Eva Joly, candidate écologiste pour la présidentielle de 2012 pour le 14 juillet 2011. Qu’elle soit femme et norvégienne ne fait certainement rien à l’affaire. Mais, comme à plusieurs reprises dans ce numéro, une forme de militantisme sous-jacent n’est certainement pas absente.
20- 21 Les fausses Mariannes
22-23 La Marseillaise
24-25 Le drapeau
26-27 La devise
28-29 Le portrait officiel du Président
Monuments et institutions
30-31 Le Palais de l’Élysée
32-33 L’Assemblée nationale et le Sénat
34-35 Le Panthéon
36-37 Le Parlement
Célébrations
38-39 Les funérailles de Victor Hugo
40-41 Les funérailles de Thiers
42-43 Le 14-Juillet
44-45 Proclamer la République
Espace public
46-47 Les mairies
48-49 Les monuments aux morts
50-51 La partition politique de Paris
La République au quotidien
52-53 Mariage et baptême
54-55 Le calendrier républicain
56-57 Objets du quotidien
58-59 La République sur les bancs de l’école
60-61 La République dans l’assiette
62-63 Le détournement des symboles républicains