On ne dira jamais assez tout le bien qu’on pense de cette collection qui, dans un format réduit et pour un prix tout à fait abordable, met à disposition de tous des informations claires sur des thèmes cruciaux comme ici l’échec scolaire. Il s’agit là d’un thème particulièrement important où les idées fausses ou approximations abondent. 

Un dispositif efficace pour décrypter les mythes 

Parmi les autres titres de cette collection déjà chroniqués sur le site, on peut citer l’opus sur « L’intelligence » en 2018 ou celui sur  « L’origine sociale des élèves » en 2019.  Chaque article est composé de la même façon : l’exposition d’un mythe ou d’une idée communément admise, son examen sous plusieurs angles, puis des conclusions et des pistes d’actions. Cela représente une quinzaine de pages par article. Dès l’introduction, les auteurs notent que l’échec scolaire est une « notion essentiellement relative ». Depuis les années 60, il y a néanmoins consensus sur le fait que l’échec est le fruit de multiples facteurs. Il faut donc envisager aussi bien « l’effet maitre » que  « l’effet établissement » ou encore ne pas oublier de se pencher, par exemple, sur  l’importance du milieu familial.

Comme le disent les auteurs, il s’agit d’ « examiner les causes d’échec ou de réussite scolaire habituellement évoquées dans la société, les remettre à leur place grâce aux résultats des travaux de la recherche scientifique  et tenter d’évaluer leur importance relative afin d’indiquer des pistes prioritaires pour tendre vers la fameuse égalité des chances. » 

L’échec scolaire est un phénomène récent 

Cette idée sous-tend aussi le fait que « c’était mieux avant ». Les classements Pisa ont accentué l’acuité de la question. Pourtant, les auteurs proposent plutôt d’axer la réflexion sur le fait qu’il y a sans doute un malentendu sur le sens même « d’échec scolaire ». Pendant longtemps, celui-ci a semblé dans l’ordre des choses, renvoyant à une sorte de traduction des « inégalités naturelles ». Il faut aussi se poser la question des critères et des procédures d’évaluation qui conduisent à parler d’échec scolaire. Se fondant sur les acquis de la recherche, on peut dire que le niveau monte jusqu’en 1987.

Cela a été constaté en s’appuyant sur des exercices de dictée mais, en 2005, les choses changent puisque désormais les élèves de 5 ème font le même nombre de fautes que des élèves de CM2 vingt ans plus tôt. « Dans l’imaginaire collectif, jusque dans les années 60, il n’y avait pas d’échec scolaire dès lors que les élèves se retrouvaient dans le vie professionnelle avec un diplôme. » 

Les élèves en échec manquent de capacités

Pendant longtemps, un vocabulaire peu aimable a désigné les élèves en difficulté et pourtant, derrière cette appellation, se cachent des réalités beaucoup plus complexes. Il faut aussi se méfier d’étiquettes toutes faites puisque des études montrent que, si 20 % des élèves ont des difficultés d’apprentissage de la lecture, 5 % seulement sont véritablement dyslexiques. D’autres travaux de recherche ont montré qu’il ne servait pas à grand chose « d’entrainer » son cerveau pour performer à l’école, rejetant l’efficacité supposée de la méthode du Docteur Kawashima. 

L’effet maitre et l’effet établissement

Les professeurs « fabriquent-ils » les bons et mauvais élèves ? Sur ce point, tout le monde a un avis car comme le dit Claude Thélot, il y a en France 65 millions d’experts autoproclamés sur le sujet car tout le monde est passé par l’école. Les auteurs s’interrogent aussi sur un éventuel « effet classe » ou « effet établissement ». Les travaux montrent que l’alchimie pédagogique, réussie ou ratée, garde encore «  sa part de mystère ». L’article insiste sur la formation des enseignants et sur le fait de penser un « coaching » des enseignants tout au long de leur carrière. Pour l’effet établissement, il est vraiment un objet difficile à saisir. Alors certes, on a vu fleurir depuis quelques années des indicateurs comme l’indicateur de performance des lycées  et leur valeur ajoutée, mais les auteurs se montrent très sceptiques sur les enseignements qu’on peut en tirer. 

Les filles sont plus fortes que les garçons

Sur les filles et les garçons et leurs performances scolaires, les poncifs sont tenaces et sont renforcés à plusieurs moments du parcours scolaire. Les dernières statistiques de l’INSEE confirment les tendances observées depuis vingt ans : les filles réussissent globalement mieux que les garçons à l’école. Parmi les autres faits consolidés, les filles ont globalement de meilleurs résultats en primaire et au collège et redoublent moins. L’école peut aussi avoir tendance à renforcer les stéréotypes : si un garçon est indiscipliné, c’est davantage considéré comme « normal », alors que pour une fille c’est jugé inacceptable. Il faut donc faire plus que sensibiliser les enseignants à ces biais mais véritablement mener un travail de formation. 

Etudier en ville est-il la clé de la réussite ? 

Depuis 2015, la dotation des moyens alloués en primaire tient compte des critères spatiaux et plus seulement démographiques. Les travaux de recherche montrent, globalement, qu’être scolarisé à la campagne n’est pas source d’un désavantage jusqu’à l’université. On peut en revanche remarquer que les projets ou voeux d’orientation dans le rural isolé ne correspondent pas aux effets attendus des bons résultats scolaires obtenus. En d’autres termes, les élèves font preuve d’une certaine autocensure et n’envisagent pas les études auxquelles leurs résultats pourraient leur permettre de prétendre. 

La famille est-elle au coeur du succès ou de l’échec scolaire ? 

Pendant longtemps, on a par exemple entendu que les enfants des couples divorcés étaient désavantagés au niveau scolaire. Or, il s’avère presque impossible d’isoler ce facteur parmi tant d’autres. Les travaux montrent plutôt que «  c’est une communauté de sens et de valeurs entre la famille et l’école qui peut favoriser la réussite ou générer l’échec si cette communauté est mal établie ». Parmi les pistes d’action, on peut signaler une mesure simple à destination des familles les plus éloignées du monde scolaire qui serait d’utiliser la réunion de rentrée pour expliquer ce qu’on va apprendre plutôt que de commenter les attendus de comportement à la cantine.

La faute au ministère ? 

Le ministère est souvent mis en accusation ; aussi convient-il d’évaluer l’efficacité de ses politiques. La réduction des effectifs est efficace, surtout pour les plus petites classes. Le bilan du collège unique est plus que mitigé. Quant au baccalauréat, les déplorations sur le fait qu’il ne serait plus ce qu’il était ne sont pas scientifiquement fondées. Les auteurs soulignent que tout dépend des disciplines et invitent aussi à remarquer qu’il y avait toujours plus de disciplines. On est par ailleurs frappé par le fait que les recherches sur les moments favorables de l’apprentissage restent trop souvent lettres mortes. «  Passer de la semaine de quatre jours à la semaine de quatre jours et demi se fondait sur de solides résultats. il convient donc de s’interroger sur quel autel elle a été sacrifiée. »

Quel bilan pour l’éducation prioritaire ? 

De 1981 à 2014, ce ne sont pas moins de quatorze circulaires qui ont été publiées autour de la politique d’éducation prioritaire ce qui témoigne d’une instabilité des politiques proposées. Les auteurs proposent une approche chronologique sur quarante ans de cette politique. La Cour des comptes fait le constat d’une ségrégation résidentielle qui a pour conséquence une non-mixité scolaire. Certains pointent le fait que les REP dispenseraient un enseignement de moindre qualité. Ce qu’on sait de sûr, c’est que les enseignants de ces établissements sont plus jeunes et ont moins d’expérience, le tout avec un fort turn over. Plusieurs études invitent à privilégier une approche préventive plutôt que remédiatrice, ce qui signifie qu’il faut mettre l’accent sur les plus petites classes. 

Numérique et échec scolaire

La dernière entrée est consacrée aux apports possibles du numérique pour lutter contre l’échec scolaire. Le numérique est bien un tournant, mais il faut se garder d’en faire un remède magique. Les auteurs soulignent aussi que les points remis en question par le numérique sont nombreux. Il convient aussi de s’interroger sur la façon dont le numérique est considéré par les enseignants. En effet, de leur sentiment à son égard dépend une éventuelle intégration dans leurs pratiques.

Internet est souvent montré du doigt parce qu’il favoriserait le copié-collé mais les chercheurs pointent surtout le  fait que les moteurs de recherche fournissent des informations décontextualisées. « Utiliser Internet, ça s’apprend, pas vite fait bien fait, ni n’importe comment. » Gérard Berry pointe une idée essentielle, à savoir qu’il n’est pas simple « d’avoir à former simultanément les enseignants et les élèves. »

Comme à chaque fois dans cette collection, chacune des dix entrées est à la fin reprise de façon très synthétique. Des références précises permettent ensuite de compléter l’approche pour qui le souhaite. On aura donc tout intérêt à se plonger dans cet ouvrage qui propose un état des lieux clair, précis et surtout argumenté par autre chose que la reproduction de stéréotypes. A lire donc absolument ! 

Jean-Pierre Costille