Cette nouvelle édition de L’incroyable Histoire de la géographie constitue une mine d’or pour tous ceux qui s’intéressent à la connaissance, au voyage et à l’exploration. Enrichie de 80 pages supplémentaires, cette œuvre approfondit les moments-clés qui ont façonné la géographie et nous offre un riche et magnifique panorama sur la construction et les apports de cette discipline essentielle.
Fruit de la collaboration entre l’éminent géographe Jean-Robert Pitte qui donne une vraie consistance au récit, le scénariste Benoist Simmat dont les bons mots sont remarquables et Philippe Bercovici, dont les illustrations humoristiques rendent le récit encore plus percutant, cette bande dessinée documentaire traverse 10 000 ans d’exploration, de cartographie et de réflexion sur le monde. Un nouveau petit bijou de cette magnifique collection L’incroyable histoire de … chez les éditions Les Arènes !
Des origines lointaines à la Renaissance : la géographie comme outil de compréhension et de maîtrise du monde
Dès la Préhistoire, les premières formes de cartographie témoignent d’une volonté de comprendre et de maîtriser le territoire. Gravures sur des parois rocheuses ou dessins gravés dans la pierre montrent une organisation de l’espace destinée à mieux exploiter les ressources naturelles, échanger ou conquérir. Ces premières cartes sont bien plus qu’un simple outil pratique : elles traduisent une réflexion stratégique, que ce soit à des fins politiques, économiques, commerciales ou militaires.
L’Antiquité marque un tournant décisif dans l’histoire de la géographie. Hérodote, considéré comme l’un des premiers géographes, cherche à mêler descriptions des lieux et observations sur les coutumes des peuples qu’il rencontre. Ératosthène, à la tête de la bibliothèque d’Alexandrie, calcule avec une étonnante précision la circonférence de la Terre, tandis que Ptolémée pose les bases de la cartographie systématique avec son Guide de géographie. Les savoirs géographiques ne se limitent pas à l’Occident : en Chine, Zhang Qian ouvre les routes de la soie terrestres dès le IIe siècle avant notre ère, tandis que Zheng He, grand amiral de la flotte impériale, inaugure des routes maritimes entre l’Asie et l’Afrique au XVe siècle. Dans le monde arabe, Al-Idrissi produit des cartes d’une remarquable précision au service du roi Roger II de Sicile.
La Renaissance est une période d’intense renouvellement des savoirs géographiques. En 1492, Martin Behaim réalise le premier globe terrestre connu, avant que Gerardus Mercator ne révolutionne la cartographie au XVIe siècle avec sa célèbre projection. Cette période est également marquée par les grandes explorations européennes : Christophe Colomb, Vasco de Gama et Amerigo Vespucci repoussent les limites du monde connu, faisant de la géographie un outil au service des ambitions politiques et économiques de l’Europe.
L’âge des grandes expéditions et la naissance de la géographie moderne
La géographie entre dans une nouvelle ère avec l’expédition d’Égypte, menée par Napoléon Bonaparte en 1798. Première expédition scientifique de l’histoire, elle réunit des savants, des ingénieurs et des artistes, produisant la monumentale Description de l’Égypte qui suscite une fascination durable pour l’Orient. Quelques décennies plus tard, en 1821, 217 membres fondateurs, parmi lesquels Edme-François Jomard et le marquis de Laplace, créent la Société de Géographie de Paris, première institution de ce type au monde. Elle devient un lieu d’échanges intellectuels et encourage les grandes expéditions scientifiques.
Au XIXe siècle, des figures majeures comme Alexander von Humboldt transforment la géographie en une discipline scientifique à part entière. Lors de son expédition en Amérique du Sud, Humboldt analyse les interactions entre les climats, les reliefs et les écosystèmes, posant les bases de la géographie physique. Ses travaux inspirent des générations de géographes. Carl Ritter, son contemporain, approfondit cette approche en s’intéressant aux relations entre les paysages et les sociétés humaines.
Parallèlement, les explorateurs poursuivent l’exploration des territoires inaccessibles. Dumont d’Urville explore les mers du Sud et l’Antarctique, tandis qu’Henri Duveyrier cartographie le Sahara en étudiant les Touaregs. Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier remontent le Mékong, ouvrant la voie à la colonisation française de l’Indochine. Jean Chaffanjon, quant à lui, part à la découverte des sources de l’Orénoque en Amérique du Sud. Enfin, Jean-Baptiste Charcot joue un rôle clé dans l’exploration polaire, en documentant les territoires antarctiques et leur biodiversité.
La géographie contemporaine : une discipline au service des grands enjeux
Le XXe siècle marque l’apogée de la géographie comme discipline scientifique et stratégique. Paul Vidal de la Blache, père de la géographie française moderne, développe des concepts fondamentaux comme le « paysage » et la « région », ouvrant la voie à des études combinant géographie physique et humaine. Des figures comme Roger Dion, qui analyse l’influence humaine sur les paysages, ou Pierre Gourou, qui étudie les civilisations tropicales, poursuivent cette approche innovante.
L’humanisme trouve une place centrale avec Jean Malaurie, dont les travaux sur les Inuits révèlent la richesse des cultures polaires. Jacqueline Beaujeu-Garnier, l’une des premières femmes professeures d’université en géographie, préside la Société de Géographie à partir de 1983. Spécialiste de géographie urbaine, elle explore les dynamiques sociales des villes et les inégalités territoriales. Yves Lacoste, avec son ouvrage La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre, montre comment cette discipline, loin d’être neutre, joue un rôle stratégique dans les relations internationales.
Aujourd’hui, la géographie s’impose comme une science au cœur des grands débats contemporains. En abordant des questions aussi cruciales que le changement climatique, la gestion des ressources naturelles ou les inégalités sociales, elle continue de se réinventer. L’incroyable Histoire de la géographie nous rappelle que cette discipline, née de la curiosité humaine, reste bien sûr essentielle pour comprendre les enjeux du XXIe siècle !