Un roman graphique un peu déroutant dans le forme mais fondamental pour les idées.

Emanuelle Dufour raconte son cheminement et ses rencontres sur les rapports entre Autochtones et Québécois.

Avec sa formation d’anthropologue elle aborde la question de l’identité, de l’interculturalité. C’est sa rencontre avec les Maoris qui lui révèle son ignorance des Premières Nations. Son parcours l’a amenée à de très nombreuses rencontres avec des Innus, Abenakis, Huron-Wenfat, Mohawks… Dans ce roman graphique elle donne la parole à ceux qui étaient là avant la naissance du Québec.

Elle pose une question qui, de nos jours, interroge tout enseignant d’histoire : Doit-on, comme elle, avoir honte de ce qu’ont fait nos ancêtres ? Comment dire le passé pour réconcilier les hommes d’aujourd’hui ?

La crise d’Oka

Le récit rappelle la résistance mohawk à Kanesatake en 1990, pour la défense d’un cimetière traditionnel contre un projet de golf. La révolte est d’autant plus mal comprise que le Québec vivait sur des stéréotypes nés de l’histoire enseignée : un bon indien christianisé comme les Hurons face aux sauvages, les Iroquois et les Mohawks étaient membres de la confédération iroquoise.

« Nous autres, les Hurons-Wendats, on a toujours été les alliés des Français, donc c’était positif de ce côté-là, mais quand je suis allé dans l’Ouest, en Colombie-Britannique, ben là, l’histoire était racontée différemment ? Les Anglais étaient les alliés des Iroquois, alors c’était les bons Iroquois et les méchants Hurons ! Ça m’a apporté une vision différente de la chose. C’est là que j’ai réalisé que l’histoire n’était pas pareille d’un bord et de l’autre et que tout dépendait de qui la raconte. »1

Une histoire de la colonisation française revendiquée à cette période face au récit anglophone.

« Ce qui nous frappait ; c’était le fait que les Québécois se sentaient minoritaires en Amérique du Nord, mais ne se voyaient pas comme majoritaires par rapport à nous. On voyait qu’ils n’étaient pas sensibles à nos préoccupations car ils parlaient sans cesse de leur intégrité territoriale. »2

L’auteure donne la parole à plusieurs Amérindiens, permet l’expression du ressenti. La crise met en évidence le poids destructeur des stéréotypes, des généralisations et de l’histoire tue, cachée, dans la difficile cohabitation aujourd’hui, comme le montre les déboulonnages de statues.

L’éveil

La seconde partie décrit l’éveil de l’auteure aux questions d’autochtonie auprès des Maoris. A son retour au Canada elle prend conscience de ses ignorances et des discriminations. Elle pose la question de l’identité : Québécois, Canadien d’expression française, Canadien français et de l’appartenance à un territoire. Se pose aussi la question des identités métisses, connues, cachées, assumées et de celle des migrants récents : Colombiens, haïtiens.

« Nous autres, on n’est pas Français, on est Canadiens français. On est ici depuis plus de sept générations, mais ne fait pas de nous des Autochtones non plus. »3

 

Une histoire à raconter

Celle des pensionnats autochtones (1883-1996), très rapidement, et les expériences positives d’aujourd’hui.

Suite aux revendications des Premières Nations un enseignement collégial par et pour les Autochtones est mis en place, pour la première fois, en 1973 jusqu’en 1976 au collège Manitou dans les Hautes-Laurentides. L’auteure met en valeur l’Institut Kiruna ouvert en 2011. L’expérience montre que la sécurisation culturelle des jeunes favorise leur réussite scolaire et éducative.

 

De ces nombreuses rencontres et témoignages qui interrogent le rôle de l’école, est né cet ouvrage qui ne peut laisser indifférent.

Les notes complémentaires permettent de mieux comprendre les œuvres graphiques très nombreuses.

 

1 Pierre Martineau, Huron-Wendat,page 73

2 Jacques Kurtness, Ilnu, p. 69

3 Sébastien Brodeur-Girard, Québécois, p. 111