Lumières est la revue du Centre interdisciplinaire bordelais d’étude des Lumières/Université Michel de Montaigne, Bordeaux III. Ce numéro 14 est consacré à l’apparition de l’idée de races et aux débats, expressions écrites ou artistiques. Cette revue destinée plutôt aux spécialistes , offre aux enseignants des pistes en particulier dans l’exploitation d’ oeuvres picturales et pourrait être une base de discussion avec nos collègues de philosophie si cet enseignement est abordé dès la classe de seconde.

Au total sept articles introduits par la coordinatrice de ce numéro, Isabelle Baudino, maître de conférences en civilisation britannique ENS, Université de Lyon.

L’anthropologue Claude Blanckaert analyse l’effort de classification conduit par les naturalistes au XVIIIè en particulier dans les travaux de Linné et les débats qui l’opposent à Buffon et aux encyclopédistes. Il montre que ce sont les auteurs du XIXè qui ont mis en valeur, en gommant souvent ces débats, les travaux de classification pour légitimer leur propre discours. Les discussions du XVIIIè portent sur la question de méthode : description ou définition, l’homme est-il un animal comme un autre, a-t-il une nature différente? C’est le concept d’humanité qui est interrogé et pose la question d’une hiérarchie ou non des groupes humains.

Les débats, présentés par Jean Mondot, sont également vifs en Allemagne où s’opposent Emmanuel Kant d’une part et Herder et Géorg Forster d’autre part. La querelle porte sur la conception mono ou génétique des races humaines. Cette opposition détermine en effet la justification possible ou non des mauvais traitements et des atteintes à la dignité humaine.

Dans un article moins philosophique, Neil Davie, bien qu’enseignante à l’université Lyon 2, nous propose en anglais une analyse des arguments ambiguës des abolitionnistes anglais au début du XIXè. Quand les partisans de la traite usent d’arguments plus souvent fondés sur l’économie ou les raisons politiques que sur les discours sur les races, il est intéressant de noter que les abolitionnistes répondent plus par des arguments religieux que sur un refus de hiérarchisation des groupes humains.

C’est à l’histoire de l’art que les auteurs des trois articles suivants font appel.

Toujours en Angleterre, Isabelle Baudino interroge la peinture pour montrer le rôle des représentations dans la diffusion des idées abolitionnistes. On connaît le célèbre “schéma de Brookes”, reproduisant l’organisation des cales d’un navire négrier pourtant, malgré leur importance dans l’économie coloniale les Noirs sont peu représentés. A partir de l’analyse de quelques tableaux l’auteur montre un certain stéréotype dans cette représentation: à part de rares portraits, le Noir est un personnage : domestique, souvent sous les traits d’un enfant , il sert surtout à montrer le statut social des Blancs, sujets principaux des tableaux.

C’est en spécialiste des arts graphiques du Musée du Louvre, que Madeleine Pinault Sorensen scrute la différenciation de couleurs de peau tant dans le discours des médecins que dans l’expression artistique

Pour Anne Lafont. les idées de ségrégation raciale s’appuient aussi sur des données esthétiques. Elle analyse en particulier les discours sur l’art, sur la couleur en peinture comme source d’étude des imaginaires.

Dans un article, également en langue anglaise, David Bindman, de l’University College de Londres présente le projet “The Image of the Blacks in Western Art”. Si pendant longtemps la “beauté morale” a été associée, représentées en parallèle à l’idéal de beauté du corps humain, ce projet met en lumière les concepts et les mots qui ont nourri le débat sur le renforcement mutuel éthique/esthétique en art.