«Il faisait beau, je découvrais un paysage de plaines aux villages pierreux et, n’étant pas pressé, je me trouvais bien d’être perdu, de cette vacance inespérée. Pouvais-je mieux employer l’après-midi que par une flânerie? Je roulais à petite vitesse. J’aimais les arbres violets, ceux d’un blond verdâtre ; les champs orange pâle et rosés, vert artichaut, couleur de lentille, gris jaune ; les maisons d’ivoire ajourées d’étroites fenêtres. J’étais vaincu par la tendresse de l’air, la finesse des tons, l’aimable simplicité des formes.» page 100.

Architecte, urbaniste, professeur, Didier Laroque a publié, outre une centaine d’articles, une dizaine d’ouvrages remarqués, dont deux romans : La Mort de Laclos (2014) et Le Dieu Kairos (2018).

Rien dans ce roman ne parle vraiment de Napoléon. Ce conte philosophique raconte les tribulations intellectuelles d’un vieil homme, ancien professeur de droit. Après une maladie, il revient sur son passé et se souvient d’une promesse faite à son grand-père : synthétiser les recherches d’un aïeul, Édouard de Becq, un ministre du Premier Empire.

De recherches en recherches, cet homme de 80 ans comprend qu’une des proches d’Édouard aurait eu en sa possession un long poème épique du monde rédigé de la main de Napoléon lui-même lors de son exil à Sainte-Hélène. L’Empereur aurait composé ses vers en souvenir des plus beaux textes de l’histoire et de la philosophie. Fait troublant, cet écrit montrerait une facette imprévue de l’homme de pouvoir, analysant son action, contrit et égaré.

Le roman consiste à suivre les péripéties du narrateur pour retrouver ce poème inconnu et perdu jusqu’à aujourd’hui. Le point d’achoppement se révèle dans sa réflexion sur la vie, comme s’il se substituait à Napoléon et voyait à travers lui les conséquences de ses actes. Le vieillard décide d’ailleurs d’écrire lui aussi un long poème… »je suis tard instruit de la conduite à tenir… Il me faudrait suivre l’exemple impérial, faire usage de mon biblique talent ! »

Telle l’arlésienne, cet ouvrage parle de cet écrit napoléonien sans jamais le révéler. En miroir, le narrateur se découvre un talent d’écrivain et cherche un sens à son existence. Didier Laroque est un magicien des mots. Il connaît les ficelles de la belle écriture qui porte le lecteur. Cependant, à force de belles tournures, le sens du récit s’évapore. Pour qui n’est pas aguerri à ce type de prose, l’ennui s’installe.