Professeur d’histoire à Paris IV puis à Langues – Orientales, ancien directeur du centre d’études et de recherche du Moyen – Orient contemporain de Beyrouth, Henry Laurens est professeur au collège de France à la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe.
Cet ouvrage fait le point sur les dix dernières années de conflit au Proche Orient, de la seconde guerre du Golfe en 1991 à la guerre en Irak. Pour l’auteur, fin connaisseur de cette région il s’agit de répondre à ces deux questions essentielle
:
– Comment les Etats-Unis se sont-ils engagés dans cette zone ?
– Comment, en l’absence de l’URSS, sont ils amenés à assumer leur obligation de république impériale ?
Leurs objectifs, depuis la fin de l’URSS, sont relativement simples, il s’agit pour eux :
– d’assurer un accès aux ressources pétrolières
– de trouver des marchés pour leurs industries et leurs services
De fait, cette attitude légitime l’islamisme comme seule alternative à un modèle de civilisation que les Etats-Unis, et donc l’Occident, voudraient voir s’imposer.
Comment les Etats-Unis, par quel cheminement, ce pays qui aurait pu en finir avec Saddam il y a plus de 13 ans, a-t-il été amené à prendre le risque de l’engagement et de la gestion directe dans une occupation qui pose aujourd’hui des problèmes majeurs et qui pourrait coûter sa réélection à G. Bush ?
Les ambitions des Etats-Unis
En 1991 les Etats-Unis souhaitent un coup d’état militaire en Irak qui installe une dictature plus conforme à leurs intérêts… En gros, jouer un clan contre un autre. Les Saoudiens ne voulaient pas à cette époque d’une République Chiite à leur porte, ce qui explique d’ailleurs pourquoi les EU laissent l’armée Irakienne écraser cette insurrection.
La Turquie ne voulait pas non plus d’un Kurdistan insurrectionnel à leur portes, d’autant qu’à cette époque les liens avec le PKK sont forts… la coalition qui installe une zone d’exclusion aérienne sur le nord de l’Irak laisse tout de même l’armée irakienne utiliser ses hélicoptères de combat pour contrôler les peshmergas kurdes…
La politique nord américaine a connu de très importantes inflexions. Les huit années de présidence Clinton ont pu laisser croire à une évolution positive des mouvements en faveur de la paix. On peut également croire en un pourrissement de la situation. En effet, les tentatives de Clinton, au cours de l’année 2000, de remettre en selle le processus de paix échouent finalement et Sharon vainqueur des élections en 2000 remet en cause tous les éléments du processus d’Oslo en 1993, de Wye Plantation en 1998 et de Camp David en 2000.
La nouvelle guerre du Golfe
12 ans plus tard, et après avoir usé d’un processus de négociation très compliqué pour essayer de mettre un terme à un conflit israélo arabe qui s’est finalement durci, les Etats-Unis se sont engagés dans une intervention impériale, qui se révèle coûteuse et surtout, contre productive du point de la lutte contre le terrorisme. L’explication de cette évolution n’est pas vraiment apparente ce qui laisse souvent le lecteur sur sa faim.
L’ouvrage est facile d’accès et se présente comme une succession d’événements analysés de façon précise, une véritable chronique en fait, qui souffre des limites de l’exercice. En effet, de nombreuses reproductions in-extenso de textes importants comme la feuille de route d’avril 2003, aurait pu être mieux explicitées tout comme certains événements majeurs. Les erreurs de Netanyahu par exemple, les atermoiements d’ Arafat, auraient gagné à être mis en perspective, voire d’avantage détaillées.
Une chronique documentée
Malgré le titre, et même pourrait-on dire le plan, l’auteur se positionne d’avantage comme un chroniqueur que comme un analyste de la politique étrangère des Etats-Unis. Du coup, le chapitre 3 de la première partie, ou le chapitre 1 de la seconde n’apportent pas grand-chose en terme d’éclairage sur la politique étrangère des Etats-Unis à l’égard des pays du Proche-Orient en cause. On évoque bien entendu le remplacement des dirigeants à la tête de deux états importants, comme la Jordanie et la Syrie, mais sans véritablement en cerner les implications en terme de réorientation de la politique étrangère des Etats-Unis.
Autre limite de l’ouvrage, étonnante par rapport au sujet traité, l’absence de la moindre carte des zones en question, alors que l’on sait que c’est justement sur des questions de tracés de délimitations des zones de colonies, des secteurs d’implantation, du mur de sécurité souhaité par Sharon, que les négociations ont échoué.
La volonté de l’auteur de publier cet ouvrage de bilan provisoire juste à la fin de la guerre d’Irak est tout à fait louable. Elle comporte cependant un risque, celui des erreurs de perspectives liés à l’histoire immédiate. La volonté israélienne de procéder de plus en plus à un contre terrorisme qui n’exclut plus l’élimination physique de dirigeants de très haut niveau, comme le Cheik Yassine le 22 mars dernier, ne pouvaient être envisagées par l’auteur dont l’ouvrage a été publié en janvier de cette année.
De ce point de vue l’ouvrage est utile mais surtout pour des spécialistes de la question capables de mettre en perspective les informations rassemblées par Henry Laurens.