Présentation de l’éditeur. « Les jeunes Iraniens rêvent-ils encore d’en finir avec le régime ? Comment se rencontrer dans cette société qui ne le permet jamais ? Comment flirter ? Comment choisir sa femme ou son mari ? Malgré la tradition, malgré le régime. Des journalistes ont interviewé clandestinement de jeunes Iraniens pour donner un éclairage politique et social. Comment échapper à la police pour vivre sa love story ? ».
Juin 2009 : élections présidentielles en Iran. Ahmadinejad est réélu face à un candidat réformateur : Moussavi. Une vague de contestation secoue le pays porté par une jeunesse ne supportant plus le carcan imposé par le régime des mollah. Cependant la répression violente du gouvernement rompt l’élan révolutionnaire et renvoie ces jeunes dans un quotidien sans horizon libérateur. Jane Deuxard, duo de journalistes, se rendent en Iran clandestinement à la rencontre de cette jeunesse iranienne dont on peut si difficilement entendre la voix. Ces entretiens, souvent pris à la sauvette dans des parcs, des cafés, des voitures ou parfois l’intimité d’un appartement, sont illustrés par Zac Deloupy dans la bande dessinée Love Story à l’iranienne, publiée en 2016 chez les éditions Delcourt. Le choix de ce format, quelques pages pour raconter une tranche de vie, par le biais d’images, donne d’autant plus de force au récit.
Les situations sont diverses, les points de vue aussi. Certains participants au mouvement de 2009 ne regrettent pas leur implication mais redoutent que le changement qu’ils espèrent ne s’opère un jour. D’autres, plus pragmatiques, sont à la recherche d’un Eldorado qui passe toujours par un passage par l’étranger, de manière temporaire ou définitive. Dans tous les cas ces discussions permettent d’appréhender la multiplicité derrière ce terme de « jeunesse » qui malgré tout s’accorde sur un point : la difficulté de la vie amoureuse dans un pays où la rigueur morale dicte sa loi. Entre ceux se pliant à la tradition, ceux jouant sans complexe des règles en vigueur, apparaît une génération désabusée et traitant les relations amoureuses et sexuelles entre hypocrisie et frustration.
Certains portraits sont surprenants comme cette jeune femme prônant un féminisme avec sa définition toute iranienne, d’autres poignants comme cet étudiant vivant sous la crainte d’une nouvelle arrestation alors que certains montrent toute la difficulté de concevoir une relation de couple lorsque l’on ne peut s’entretenir que quelques instants avec celui que l’on s’est choisi, lorsque l’on s’est permis cette fantaisie dans un pays où les mariages arrangés sont encore monnaie courante.
Ces quotidiens, dictés par le régime, sont représentés dans la manière dont se tiennent les entretiens, toujours dans la crainte d’une oreille mal intentionnée ou d’une arrestation intempestive, des temps toujours trop courts pour échanger mais dont l’illustration permet de transmettre la tension sous-jacente. Restent les petites victoires de chacun, les désillusions pour d’autres ou les futurs combats pour les plus optimistes.
Une bande dessinée qui laisse parfois esquisser quelques sourires mais qui met surtout face à une réalité, plus marquante avec l’utilisation de la bande dessinée : la dureté d’un régime qui ne permet pas à sa jeunesse de trouver le bonheur. Un ouvrage récompensé par le prix France Info 2017.