L’ouvrage commence par un rappel sur l’histoire de la cuisine antique et médiévale, essentiellement centré sur Lyon. Depuis Lugdunum, la ville est renommée pour la qualité de sa cuisine. Sans doute cela est-il dû à sa fonction de carrefour de communication, entre Rhône et Saöne, à la proximité des ressources piscicoles dans les fleuves et aux vignobles associés tous proches. Paradoxalement le Beaujolais n’est pas mentionné et n’apparait de façon massive dans les inventaires de caves qu’au XIXe siècle.L’auteur propose donc un ouvrage qui peut être découvert de façon transversale.
Une recette de cuisine, le civet de lièvre est montrée dans son évolution. Les ingrédients utilisés changent, tout comme les modes de cuisson en fonction des ouvertures et des apports nouveaux d’ingrédients mais aussi des changements techniques.
Une carte est dressée à partir de ce qui permet à un cuisinier lyonnais de « faire son marché » . Le même travail est effectué sur les métiers alimentaires et les transports de marchandises.
L’étude des livres de cuisine publiés à Lyon au XVIe, et en particulier sur le viandier de Taillevin est un véritable travail d’historien. Cet ouvrage a été le plus diffusé à partir du XIVe siècle en montrant les origines incertaines de son écriture. Travail original ou compilation ? La question reste posée.
Des liens avec d’autres régions existent, notamment dans des ouvrages publiés à Paris et en Suisse.
La confiture médicament
La plupart des ouvrages de cuisine se présentent sans ordre véritable. Les recettes ne sont pas classées par catégories, sans titres et vaguement liassés. Souvent associés aux livres de médecine, ils se présentent e fait comme des fiches ou des aides mémoires. Les recettes de confitures, considérées comme des médicaments, sont associées aux livres de médecine de façon très explicite.
Autre découverte de ce beau livre, les confitures qui ne sont pas à l’origine des gourmandises pour les tartines mais de véritables médicaments.
Les confitures sont doc étudiées dans leur trajectoire historiques. Inventées en Mésopotamie, elles sont reprises par les médecins grecs et arabes. Nostradamus est moins connu comme astrologue que comme médecin et confiturier.
«Excellente et moult utile opuscule de Nostradamus sur les confitures et les vinaigres» était un ouvrage très utilisé en son temps.
Dans cet ouvrage, Michel de Notre Dame évoque aussi bien les confitures et les cosmétiques. dans la même veine, Arnaud de Villeneuve, le grand médecin de Montpellier était aussi un spécialiste du genre.
L’évolution de l’organisation des repas à travers les livres de cuisine est également montrée ici, tout comme les saveurs. Évidemment ce sont les grands banquets qui sont ici étudiés.
L’ordre n’existait pas vraiment. Indifféremment viandes et poissons étaient proposés sans véritables suites. Par exemple, un civet d’huitre était classé en viande et potage. Au passage, le potage ne désigne pas forcément la soupe mais ce qui était cuit au pot. Mijoté doucement dans un récipient ad hoc.
Équilibre alimentaire
Les légumes étaient rares dans les grands banquets, sauf pour les liaisons de sauces, on est loin par exemple des cinq fruits et légumes par jour actuels !
L’usage du sucre, est général. Il n’est pas réservé aux desserts. Il est évidemment issu du miel, puisque la canne à sucre ne fait son apparition qu’au XVIIe et surtout au XVIIIe.
L’auteur montre également que, contrairement à ce que l’ouverture des marchés aurait pu laisser présager, la part des épices se réduit au profit des herbes aromatiques. Les médecins semblent avoir développé l’idée que l’usage raisonné de ces herbes est un facteur de bonne santé
Marie Josèphe Moncorgé revient sur les ouvrages de diététique. La diète est l’emploi raisonné de l’alimentation et en aucun cas la privation de nourriture. L’alimentation est une façon de maintenir l’équilibre entre les quatre humeurs, Hippocrate et Galien, influencés en fait par la diététique ayurvédique. ( De l’Inde).
Cet ouvrage est particulièrement utile, aussi bien au curieux de gastronomie qu’au professeur qui a envie de conduire une réflexion pluridisciplinaire sur la question. En effet, rien n’interdit par exemple de réaliser une carte des réseaux régionaux d’approvisionnements de victuailles à partir de Lyon. On voit bien l’exploitation pédagogique qui peut en être faite en cours de sciences de la vie et de la terre et en histoire. Les apports des herbes et aromates dans l’alimentation peuvent également servir de porte d’entrée à une réflexion sur la pluralité des gouts et des saveurs, bien utile en ces temps de mal bouffe.
Bruno Modica © Clionautes