Les « Mémoires d’un négrier » sont tirés du « Journal de mes voyages » de Joseph Mosneron Dupin, écrit en 1804 par un homme de 56 ans qui relate sa vie d’adolescent pour l’édification et l’éducation de ses enfants. Rédigé, alors qu’il a abandonné la navigation depuis longtemps il s’appuie sur les livres de bord de ses voyages. S’il a nécessairement revisité ses souvenirs il semble l’avoir fait honnêtement. Il témoigne ainsi des mentalités de son temps.

Olivier Grenouilleau présente, dans une longue introduction, le manuscrit publié une première fois en 1995Aux éditions Apogée de Rennes. Olivier Grenouilleau a aussi publié en 2005 (Marseille, éditions Le Mot et le reste) : Journal d’un négrier de Jean Pierre Plasse est une source pour l’étude et la compréhension de la traite négrière et la société nantaise au XVIIIe siècle. Il précise le travail de mise en forme du manuscrit. Il se justifie de l’emploi, aujourd’hui sujet à polémique, des termes « noir » et nègre » en respectant le texte originel.

Le récit rapporte les trois voyages de Joseph Mosneron Dupincarte p. 13 entre 1763 et 1769, deux voyages triangulaires : de Nantes à la Martinique via Bissau, de Nantes à Saint-Domingue via la côte de Sierra Leone et un troisième voyage en droiture qui permet de rappeler que le commerce avec les Antilles n’était pas toujours négrier même si les esclaves font partie intégrante des exploitations sucrières des îles.

Le journal : que nous apprend-il ?

Le récit porte avant tout sur la formation du jeune Nantais, formation théorique succincte mais surtout apprentissage de la dure vie sur un bateau : conditions matérielles des voyages, risques encourus, la rudesse des rapports entre les membres d’équipage mais aussi de solidarité. On peut s’étonner du jeune âge des officiers de bord. On y lit les concurrences maritimes entre Anglais, Français et Hollandais mais aussi entre Nantais et Normands, l’entraide entre navires, par exemple pour déterminer la longitude, n’étant pas toujours conforme aux lois de la mer.

Le récit évoque, à la marge, la traite à proprement parlé mais sans doute plus les aspects économiques d’un commerce finalement assez risqué.

Présentant sa formation Joseph Mosneron Dupin renseigne le lecteur sur la bourgeoisie marchande nantaise, sur l’ascension sociale d’une famille. Les lignes qu’Olivier Grenouilleau consacre à l’analyse de la formation du jeune Dupin, à son rapport à la religion et à la culture des milieux nantais au XVIIIe siècle éclairent sur les mentalités de l’époque.