La Cliothèque a déjà traité dans sa rubrique polar et thrillers, le premier des ouvrages de cette collection lancée par les éditions Pierre de Taillac. Il s’agissait de « Djihad à Paris », un ouvrage très technique sur le renseignement rédigé par un ancien officier général, issus des forces spéciales, qui nous avait fait déjà passer un excellent moment.
Djihad à Paris
Nous avions alors souligné l’incontestable qualité dans l’écriture de ce thriller d’action, ce qui n’est pas forcément toujours le cas dans ce genre de publication.
Mission Bathacus nous fait rentrer dans un univers particulier, que les connaisseurs de la chose militaire pourront apprécier, celui des commandos de marine « à la française », les Navy seals, l’équivalent américain étant beaucoup mieux connus. L’auteur, avec un savoir-faire très particulier, aucun mal à se reconvertir dans la sécurité privée, au service des compagnies pétrolières qui opèrent dans une zone particulièrement sensible, au large du Nigéria.
La piraterie maritime sévit au large de la Somalie, mais également dans le golfe de Guinée, dans un espace où la délimitation des eaux territoriales apparaît comme assez complexe. Beaucoup de litiges à propos des frontières divisent les différents pays riverains, à propos du partage des ressources pétrolières offshore de la région.
C’est dans ce contexte que se déroule l’action de ce thriller qui présente de façon très détaillée un personnage qui est à l’évidence largement inspirée par l’auteur. Commando marine, breton, Patrick Michel doit interrompre son cycle d’entraînement pour venir au secours de son frère, capitaine de navire pétrolier, kidnappé par des pirates nigérians.
La description très technique de ce que l’on appelle en termes militaires, « une manip », donnera aux profanes une idée très précise de ce qu’est un entraînement particulièrement réaliste, exigeant des personnels un savoir-faire technique, beaucoup de lucidité, bien entendu une condition physique particulièrement affûtée.
Ces personnels sont issus de la base de Lorient, et les commandos marine sont sélectionnés de façon particulièrement impitoyables. 450 Bérets verts participent aux forces spéciales qui regroupent 2500 hommes, dans toutes les armées. ( Terre, Mer et air.)
L’auteur connaît bien cet univers, mais aussi celui de la marine marchande, où se déroule sa deuxième carrière. La protection des navires de transit, entre la plate-forme pétrolière et le littoral est absolument indispensable pour faire face à des attaques de pirates qui sont particulièrement nombreuses dans ces eaux. L’auteur ne s’est pas contenté de décrire des scènes de combat, même si elles existent dans l’ouvrage, avec un rythme soutenu. C’est sans doute dans la description des motivations des pirates, des pêcheurs littéralement affamés, que réside l’intérêt principal de cette aventure.
L’armée du Nigéria ne se préoccupe pas vraiment des intérêts de ces pêcheurs qui tirent leurs ressources de la mer, et ne se prive pas de les maltraiter en limitant leurs accès aux zones de pêche. La priorité est celle de la défense des intérêts des compagnies pétrolières qui apparaissent comme de véritables prédateurs, peu soucieux de l’environnement.
Le frère du héros se retrouve ainsi kidnappé par des pêcheurs qui souhaitaient prélever de la nourriture sur un de ces navires qui représente pour eux une richesse insolente. Cette famille de pêcheurs dont les deux enfants viennent de mourir de malnutrition se retrouve prise dans une logique infernale, celle de véritables gangs mafieux aux relations troubles avec les militaires locaux, et sa volonté de survie, au sens propre du terme. Sur ces rivages découpés, entre la cote sud-est du Nigéria et le Cameroun, l’auteur décrit avec beaucoup de réalisme les comportements de ces seigneurs de la guerre dont la ressource essentielle est la demande de rançon aux compagnies pétrolières qui souhaitent récupérer les otages.
Les motivations de ces groupes tiennent également à l’attitude des gouvernements locaux qui ont dilapidé la rente pétrolière, sans aucun profit pour leur propre population. Sous couvert de motivation politique, autour d’une juste redistribution des richesses, différents groupes armés se sont constitués, avec des motivations beaucoup moins nobles.
La description de l’opération commando qui aboutit à la libération des otages pourrait très largement servir de scénario un film d’aventures. Les préparatifs, les armes utilisées, le déploiement tactique sur le terrain, sont parfaitement décrits. Seules les techniques classifiées, mais que l’on peut deviner en filigrane dans le récit, ne sont pas abordées.
On appréciera cet ouvrage qui aborde, au-delà du récit d’aventure, la problématique économique et sociale de cette région où la rente pétrolière est dilapidée par la mal gouvernance des gouvernements locaux. Peut-être aussi pourrait-on souligner que cette mal gouvernance est encouragée par les compagnies pétrolières qui ne s’embarrassent pas de principes moraux.
Comme pour le précédent ouvrage de cette collection, nous apprécions aussi la qualité d’écriture, le style très nerveux et le vocabulaire très riche.
Contrairement ce que l’on peut croire, les personnels des forces spéciales ne sont pas des « types musclés qui tirent sur tout ce qui bouge ». Les deux auteurs publiés dans cette collection « actions clandestines », disposent d’une incontestable culture littéraire, ce qui rend le récit particulièrement plaisant à lire. La géopolitique sert souvent de trame à cette littérature de détente, et si l’écriture en est plaisante, ne gâchons pas notre plaisir !
Un ouvrage qui fait le point sur cette unité d’élite
Commandos Marine, l’élite des forces spéciales
Des documentaires qui montrent la sélection de ces hommes qui s’engagent dans les forces spéciales.