Le terrorisme occupe une place de choix dans l’univers des thrillers dont l’un des spécialistes incontesté a longtemps été Tom Clancy et quelques autres qui choisissent logiquement de traiter leurs sujets sous l’angle des États-Unis et de leurs forces spéciales ou de renseignements.
Ce « Djihad à Paris » n’est pas très différent quant à son approche des règles du genre. Un héros positif, parfois marqué par son passé, une construction romanesque très appuyée sur l’actualité, et cela donne un bon ouvrage de détente qui peut à certains égards interpeller.

Le monde des forces spéciales françaises est assez mal connu, en dehors de quelques films, tandis que les séries sur Canal+ s’intéressent davantage au monde trouble du renseignement.
L’auteur qui écrit sous un pseudonyme est présenté comme un officier général, ancien membre des forces spéciales françaises. On pourrait peut-être sans se tromper, de par les référence qui échappent de sa plume envisager pour son début de carrière active un passage par le premier régiment parachutiste d’infanterie de marine de Bayonne, régiment intégré au commandement des opérations spéciales très présent sur tous les terrains d’intervention de l’armée française.

L’action commence en Libye, dans le chaos laissé par la chute de Kadhafi, dont les arsenaux constitués avec les pétrodollars alimentent un trafic contre lequel l’armée française intervient à partir de la réactivation de l’ancien fort colonial situé au nord-est du Niger.
Deux mortiers lourds de 120 mm, fabriqués en France, vendus aux saoudiens par des intermédiaires allemands disparaisse d’un arsenal libyen. Les munitions sont à base d’ypérite, ce gaz de la première guerre mondiale originaire des arsenaux de Syrie.
À partir de cet événement une traque se met en place des ports d’Italie du Sud à la banlieue de Munich en passant par des pavillons de la ceinture parisienne. Un personnage trouble apparaît, agent de la CIA, des services secrets qataris, agissant pour le compte de qui finalement ? Pas évident à trouver.
Deux mortiers pour deux attentats, le premier est déjoué, de justesse, grâce au renseignement humain. C’est sans doute là que l’on trouve la touche française du renseignement, les dispositifs d’écoute ne permettant pas d’infiltrer les réseaux. Mais ces réseaux comment ont-ils été constitués ? C’est sans doute là l’originalité de cet ouvrage et l’on se rend compte que des structures héritées de la guerre froide avaient été maintenues. Sous le nom de stay behind, ces réseaux avaient sans aucun doute été instrumentalisés par des mouvements d’extrême droite qui ont été à l’origine de certains attentats en Italie comme celui de Bologne le 2 août 1980.

https://www.youtube.com/watch?v=nz5Kf0kNauw

Ce dispositif destiné à une action de résistance à une occupation des forces du pacte de Varsovie se voit réactivé par une opération de manipulation plutôt bien conduite par l’auteur qui semble bien maîtriser son sujet.
L’ensemble donne un thriller très agréable à lire, et, ce n’est pas la moindre de ses qualités, plutôt bien écrit. Bien des auteurs qui se sont livrés à cet exercice manquent véritablement de style et sont dénués de la moindre qualité d’écriture. Cela n’est pas le cas ici, et cela mérite d’être souligné. On trouve évidemment dans cet ouvrage les ingrédients indispensables, séduction, rivalités entre services, désarroi du politique, mais ce sont les lois du genre, et après tout, même si l’on ne peut que souhaiter que cela reste de la fiction, ce livre fait passer à son lecteur un excellent moment.

Bruno Modica