Nathalie Kouamé, spécialiste de l’histoire de l’Asie orientale, définit la modernité comme une période d’ouverture vers l’extérieur et de transformations. Cela passe par la soumission de peuples extérieurs, par un renforcement de la place des guerriers aussi bien dans la maîtrise des armes que dans celle des lettres, par l’enrichissement des marchands, par l’envoi d’ambassadeurs en Europe et en Amérique, par les influences extérieures sur les arts. L’usage de l’adjectif moderne permet aussi une histoire comparative avec la France. Les deux pays présentent des similitudes dans leur modernité : la hausse démographique, le développement de l’appareil d’Etat mais aussi des résistances, une noblesse militaire, les liens entre religion et Etat, une société d’ordres, une première mondialisation, le développement des villes mais une majorité de ruraux, des entreprises impérialistes, une activité intellectuelle accrue.
Nos connaissances
Aux origines du Japon moderne – La fin du Moyen Âge (des années 1390 aux années 1490)
Cette période moderne débute avec Ashikaga Yoshimitsu, la fin de la guerre civile et le pavillon d’or, monument emblématique de Kyoto. Le moment marque aussi la reprise des relations diplomatiques avec la Chine. Le Japon reconnaît un lien de vassalité par le versement d’un tribut à l’empereur chinois, mais peuvent ensuite effectuer des transactions commerciales dans un espace maritime contrôlé par la Chine. Le commerce se développe également entre le Japon et la Corée, qui entreprend simultanément de lutter contre les pirates japonais. A partir du début du XIVe siècle, se met par ailleurs en place une colonisation du peuple aïnou. A l’époque de Muromachi, l’Etat japonais se structure, rompt à nouveau les relations avec la Chine pour se tourner davantage vers la Corée. Au niveau intérieur, le pouvoir des shogun de Kyoto se maintient par la guerre.
Le XVe siècle est également marqué par un développement des arts, notamment du théâtre nô. Le shogun Yoshimasa fait construire le pavillon d’argent et s’entoure de poètes, de paysagistes, de peintres, de maîtres de thé…
Les protestations populaires sont fréquentes et instaurent une pression sur le shogunat, ce qui contribue à le fragiliser. La condition féminine est difficile, même si des figues féminines émergent comme Hino Tomiko, épouse de Yoshimasa et associée au pouvoir. Les transformations dans le bouddhisme et le shintoïsme sont également évoquées.
La naissance du Japon moderne – L’époque des Royaumes combattants et le Régime Oda-Toyotomi (des années 1490 aux années 1590)
La période des « royaumes combattants » (1493-1573), époque de guerre permanente, est idéalisée par les Japonais. Ils la considèrent comme une période d’affirmation des vertus morales. Or, elle est marquée par les famines, les épidémies et les exactions fréquentes des soldats. Ainsi, la population achète des certificats de sûreté aux militaires. L’état de guerre s’accompagne d’une multiplication des châteaux (shiro). D’autre part, la déliquescence de l’Etat impérial-shogounal entraîne la création de « mini-Etats » ou d’Etats régionaux qui procèdent à l’adoption de lois locales. Ces Etats reposent également sur l’organisation de groupes de guerriers locaux.
Le commerce avec la Chine se poursuit. L’activité économique est transformée par les exportations massives d’argent et l’arrivée des portugais sur l’archipel. L’argent produit au Japon représenterait 30 % de la production mondiale de l’époque. La création du port de Nagasaki en 1570-1571 répond à différentes mutations : la levée de l’interdiction des mers dans l’empire des Ming, l’extension portugaise coloniale maximale et la première mondialisation. La ville est marquée par des événements cruciaux parmi lesquels la cession de son territoire aux jésuites en 1580, la mainmise de Toyotomi Hideyoshi sur la ville à partir de 1588 et la cruxifiction de 26 chrétiens sur l’ordre de ce dernier en 1597. Hideyoshi nourrit également des ambitions impériales et se lance dans la conquête de la Corée. Sa mort en 1598 marque le départ des Japonais. Le bilan est terrible avec un déficit de naissances estimé à 4 millions.
Oda Nobunaga puis Toyotomi Hideyoshi, grands généraux et hommes forts du pays sont ensuite évoqués en ne se contentant pas des aspects militaires. Ils transforment également les villes, y construisent des châteaux comme celui d’Osaka. De plus, ils mènent une politique foncière.
L’affirmation du Japon moderne – Le premier siècle de l’époque d’Edo (des années 1600 aux années 1700)
La présence des Japonais à l’étranger se renforce au début du XVIIe siècle : guerriers embauchés comme mercenaires, chrétiens qui se sont exilés, ambassades… Les motivations sont avant tout commerciales. Parallèlement, l’accès des étrangers au Japon est plus étroitement contrôlé et les voyages des Japonais à l’étranger sont interdits en 1633. Toutefois, on ne peut pas parler de « fermeture » de l’archipel nippon. En effet, une activité diplomatique se développe, le commerce se développe. Ainsi, Nagasaki se développe considérablement.
La construction de l’Etat des Tokugawa et le rôle de Tokugawa Ieyasu est ensuite évoqué. Edo devient le centre du pouvoir. Une politique ambitieuse est menée pour réorganiser les seigneuries, avoir la mainmise sur les mines d’or et d’argent, mettre en place un système monétaire fondé sur ses deux métaux. Enfin, une politique religieuse tend à définir une orthodoxie religieuse et stimule la vie intellectuelle avec le développement du confucianisme chinois.
L’époque est marquée par un développement de l’économie, dans les villes comme dans les campagnes. Des exemples de réussites montrent le développement du commerce. Cela stimule la production culturelle, avec le développement des ukiyo-e
Sources, historiographie, bibliographie
L’ouvrage est complété par d’abondantes références. La liste des sources est classée et commentée, elle inclut des sources non japonaises ou traduites en langues occidentales. Après un point sur l’historiographie, la bibliographie abondante se divise également entre langue japonaise et langues occidentales. Des repères chronologiques constituent aussi un outil pratique pour le lecteur.
Naissance et affirmation du Japon moderne constitue une riche synthèse pour le lecteur intéressé par l’histoire du Japon moderne et intègre de nombreux aspects de l’histoire politique, économique, culturelle et religieuse du Japon sur le temps long.