La parution d’un volume de la collection des Mondes Anciens aux Editions Belin est toujours une bonne nouvelle pour le professeur d’histoire. Joël Cornette a rendu hommage à Marie-Claude Brossollet, ancienne Présidente de la maison d’édition décédée en mars et qui l’a encouragé dans la collection qu’il dirige toujours alors que son projet a été refusé ailleurs. Sixième volume de cette excellente collection, Naissance de la Grèce dirigé par Brigitte Le Guen, professeure émérite de l’université Paris VIII, spécialiste de l’histoire du théâtre antique (Editions De Boccard, la collection « Chorégie » lui est entièrement dédiée), est coécrit avec Cécilia d’Ercole directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et Julien Zurbach, maître de conférences d’histoire grecque à l’ENS Ulm. Il faut louer l’agréable maquette adoptée où alternent le texte et des focus sur des œuvres commentées. Plus de 200 documents, cartes et reproductions illustrent cet ouvrage.
Dix-huit chapitres pour comprendre l’extension de la civilisation grecque du IVe millénaire, le temps des palais à l’implantation des cités et leurs colonies au VIe siècle, 2500 ans d’histoire. Fidèle à la collection, l’atelier de l’historien présente des questionnements de chercheurs comme ceux de Heinrich Schliemann et la découverte des civilisations égéennes, Arthur Evans et les minoens, Michael Ventris et John Chadwick et les écritures grecques, les problèmes de datation et la place des femmes et des migrations dans les mondes grecs.
Pourquoi Minos, ce roi crétois légendaire, repris dans les légendes athéniennes ? L’archéologue Arthur Evans dégage les ruines d’un grand édifice à Cnossos dont il fait le palais de Minos et il forge sur le nom crétois, l’adjectif minoen pour qualifier la civilisation inconnue qu’il découvre. Cette dernière est aujourd’hui insérer dans le cadre égéen du premier âge du Bronze (3200-2200 )
Pourquoi aller jusqu’à 510 ? Brigitte Le Guen justifie ce choix par la fin du régime tyrannique à Athènes, à la veille de l’arrivée au pouvoir de Clisthène, « père » de la démocratie.
Pourquoi Solon ? Mort en 550, il entre dans la légende symbolisant un moment clé de l’histoire grecque.
Le mot Grèce doit être utilisé par commodité mais il convient de considérer les mondes grecs comme les lieux de l’installation des Grecs au fil des siècles, du détroit de Gibraltar à la Syrie et de la Crimée au delta du Nil en passant par la Turquie actuelle.
Voici le résumé de quelques chapitres particulièrement intéressants. Pour les autres, prenez le temps de les savourer !
Le monde égéen avant Mycènes (3200 – 1400)
Au IIIe millénaire, au premier âge de bronze, des cultures archéologiques bien distinctes occupent la Crète, les Cyclades, le continent grec et la Troade (le Nord-Ouest de l’Asie mineure). Le développement des échanges, la croissance de la population et l’intensification agricole enclenchent des mécanismes de distinction sociale. Les puissants créent des pouvoirs centraux, voire des États. L’utilisation du métal commence doucement pour devenir un marqueur social comme en témoignent les célèbres tombes de Varna en Bulgarie. Les outils de bronze apparaissent au cours de la moitié du IIIe millénaire et la variété des sites permettent de définir des cultures régionales plus diversifiées. Si les techniques de construction sont un facteur d’unité, les matériaux diffèrent : bois et torchis, briques crues ou pierres. Les cités égéennes du bronze ancien sont Troie découverte par Scliemann, Lerne, Poliochni à Lemnos. Les Cyclades s’éloignent des modèles de centralité. Les vestiges montrent de petits villages agglomérés avec des fortifications. Les figures dites cycladiques caractéristiques de cette époque proviennent en général de pillage, ce qui complexifie leur compréhension. La blancheur du marbre qui a fait leur renommée, repose sur un malentendu. En effet, elles étaient peintes. A côté de ces œuvres, les habitats des Cyclades ont livré de grands vases en pierre (les pithoi) et des grands plats appelés « poêles à frire », certainement des couvercles de contenants peut-être en vannerie. Au sud de l’Égée, la Crête affirme sa singularité. On parle de minoen ancien souvent recouvert d’occupations plus récentes. L’intensification des échanges à moyenne et longue distance est prouvée par la diffusion de poids réglés sur un système proche-oriental. La production de bronze à l’étain montre la nécessité du commerce lointain, l’étain étant plutôt rare. L’émergence de proto-États, l’urbanisation, la spécialisation artisanale et la céramique tournée n’ont pu se faire sans la « révolution agricole secondaire » quand les animaux sont utilisés pour le transport (la roue), leurs produits laitiers et leurs fibres textiles. Cependant les vecteurs de sa diffusion sont constamment discutés. Une césure profonde, située vers 2200 génère un monde nouveau. Des ruptures radicales mettent fin au Bronze ancien. Nombres de sites sont détruits en Égée mais aussi au Levant, en Anatolie et en Égypte (fin de l’Ancien Empire). Les spécialistes pensent à l’arrivée de populations notamment celles parlant une forme très ancienne de grec ou/et d’un nouveau type d’échanges faisant apparaître des routes nouvelles. Toujours est-il qu’un nouveau système régional s’instaure.
Pendant la transition se prépare l’innovation la plus radicale qui est la construction des palais crétois (2200-1700), sièges du pouvoir et centres administratifs avec les témoignages des premières écritures (crétoise hiéroglyphique et linéaire A non déchiffrées). Les palais de Cnossos et de Malia montrent des similitudes. Construits autour d’une cour centrale, ils comportent une zone d’apparat et de résidence et une zone de stockage avec des salles à pithoi, des grands vases en céramique montés en plaques à motif de corde. La section résidentielle semble la plus remarquable avec un puits de lumière, des colonnes en bois avec des bases de pierre, les cavités entourées d’escaliers appelées » baignoires » et le revêtement des murs par un enduit qui laisse apparaître les premières fresques. Rien ne transparaît sur la nature du pouvoir politique même si des gradins dans la cour de Cnossos laissent supposer des rassemblements massifs. La théorie de l’an 2000 stipule que ces bâtiments (on ne parle plus de palais) seraient des lieux de redistribution de biens agricoles et de fêtes dirigés par une élite. Il est difficile de se prononcer aussi sur l’extension des territoires autour de chaque palais. Des bases agricoles, on ne sait quel contrôle exerce sur eux le palais. La question des rapports entre les différents palais est également ouverte. Avec l’apparition des palais, la présence minoenne s’étend comme le montre la diffusion de la céramique de Camarès. Le besoin d’étain nécessite la création de comptoirs à Milet, aux Cyclades et en Égypte. Les transformations de la Crête minoenne sont rendues possibles par nombres d’innovations notamment dans l’artisanat : le tour rapide pour la poterie, le foret tubulaire pour la pierre. Le travail du métal diversifie les armes nombreuses et variées (Au IIe millénaire, l’Europe et le Proche-Orient voient l’apparition de l’épée longue). L’invention de l’écriture sous plusieurs formes reste l’innovation la plus marquante. Elle est utilisée sur des sceaux d’argile cuits par des incendies accidentels. Le non déchiffrement empêche d’aller plus loin. On tend aujourd’hui à penser que le système hiéroglyphique s’apparente au louvite (hittite anatolien). Les autres régions égéennes ne suivent pas le rythme de la Crète. La fin du IIIe et le début du IIe millénaire sont très mal attestés. Vers 2200, sur le continent, les pratiques funéraires se multiplient comme les Tumuli en Grèce centrale accompagnés « d’usages austères », les morts étant accompagnés de peu d’objets, pratiques collectives imposées par la communauté. Une tombe à fosse exceptionnelle datant du XVIIIe siècle à Egine, premier État du continent grec, préfigure l’idéologie archaïque des premiers maîtres de Mycènes.
La gloire de Minos et l’or de Mycènes ; les débuts du Bronze récent (1700-1450)
En Crète, une rupture importante s’opère lors des destructions des environs de 1700, sans doute à cause d’un tremblement de terre. Les palais sont reconstruits sans que les structures soient modifiées. Cette période néo-palatiale est qualifiée d’apogée en témoigne la qualité des architectures complexes et des productions matérielles comme la céramique d’une grande finesse. La variété des décors (fresque de la Taurokathapie du musée d’Héraklion) fournit à l’historien des images qui suggèrent la vie minoenne. La technique de la fresque al fresco (enduit encore frais) est nouvelle mais se conserve mal. Ainsi il est difficile d’analyser la composition des panneaux. Le dynamisme des Minoens se manifeste aussi par l’apparition de sites nouveaux, plus petits où se concentrent des activités administratives et de petits palais construits autour d’une cour centrale. Les historiens pensent que l’unification de l’île s’est faite par Cnossos, lieu où l’art de la fresque est le plus abouti, en lien avec l’élite crétoise. On a trouvé au sud du palais une tombe qu’on peut qualifier de royale même si elle a été pillée avant sa découverte. Sa structure montre l’existence d’un culte funéraire. Des textes égyptiens parlent du roi du pays Keftiu, à côté de celui des Hittites. Il semblerait que l’île soit considérée comme dominée par Cnossos pour les peuples voisins. Les archéologues ne sont pas d’accord sur le pouvoir politique des palais. On remarque néanmoins que de l’iconographie des fresques induit une figure du pouvoir personnel. Chez Homère puis Thucydide, Minos règne sur toute l’île. La référence à plusieurs Minos poussent les historiens à penser que Minos serait un titre royal. Appuyée par l’utilisation du linéaire, une administration efficace s’impose à des sociétés riches où les villes sont florissantes (site de Zakros, Gournia). D’après les résultats d’une prospection intensive de l’aire urbaine de Cnossos, cette ville aurait atteint vers 1500 une population allant de 25 000 à 30 000 habitants, ce qui en fait une des plus importantes de Méditerranée. La nécessité de l’approvisionnement explique les prélèvements agricoles effectués par l’administration palatiale. Les territoires des agglomérations sont bien connus. Les rythmes montrent des variations d’une région à une autre. Autour de Malia, l’exploitation la plus intensive date de la période précédente. Par contre, les tablettes d’Haghia Traida recensent une forte production entre Phaistos et Kommos. La religion minoenne nous échappe en partie faute de sources écrites et de légendes aux images. On connaît le symbole de la double hache, le rituel de la taurokathapsie (saut effectué entre les cornes du taureau) mais sont-ils des pratiques religieuses ? Que penser de la célèbre déesse à la poitrine dénudée dite aux serpents de Cnossos ? Par contre, la période néo-palatiale a vu naître un grand nombre de sanctuaires de sommet où ont été exhumés des objets votifs comme ces orants au corps cambré, des animaux et des doubles haches. Ces oratoires ont connu une forte fréquentation populaire en marge des palais. A cette époque, la reprise des relations commerciales est très nette à l’époque néo-palatiale. Les contacts avec la Crète se mesurent avec la diffusion du linéaire A et l’utilisation des poids en plomb ou en pierre, unités de base pour les transactions. Rondelles et nodules inscrits en linéaire A sont des documents fabriqués sur place que l’on trouve jusqu’à Samothrace, loin au nord de l’Égée. Dans les Cyclades, la culture matérielle est largement influencée par les Crétois notamment les fresques retrouvées à Santorin ou les poids des métiers à tisser. On n’a pas retrouvé de preuves que des Crétois se soient installés sur des terres ce qui serait probable. Les formes d’expansion des Crétois restent obscures peut-être la recherche de produits précieux comme l’ivoire aurait guidé leurs pas. En Orient, les liens sont marqués par des Minoens itinérants recherchés pour la réalisation de fresques très prisées. Sous Thoutmosis III, l’Égypte parle des Keftiu.
Les spécialistes des Cyclades au début du Bronze récent montrent l’importance des sites urbains de ces îles et pensent que la domination s’est faite aussi dans l’autre sens, notamment sur l’île de Théra, aujourd’hui Santorin. Précédée d’un tremblement de terre, l’éruption du volcan vers 1600 (la datation est controversée) certainement accompagné d’un tsunami, éradique toute vie sur ces terres pendant plusieurs siècles. On a dit que cette catastrophe était responsable de la fin de la civilisation minoenne ce qui n’est plus accepté aujourd’hui. Théra permet de recueillir des témoignages sur la vie au Bronze ancien dans un site très riche, les habitants étant surpris par l’éruption. Les fouilleurs grecs Spyridon Marinatos, puis Christos Doumas ont pu approcher le site à travers les couches de débris volcaniques. La partie du site visitable maintenant montre un habitat très resserré sans plan géométrique avec des maisons de pierres et de bois de taille différente. L’usage de la pierre est limité mais on la taille. Des capacités de stockage font penser que certaines familles sont nombreuses avec peut-être des esclaves. La richesse du lieu se révèle par les belles fresques situées souvent à l’étage résidentiel des maisons. De réalisation minoenne, les singes bleus, les boxeurs ou la cueilleuse de safran sont les morceaux les plus connus. Des textes en linéaire A ont été retrouvés montrant une société cosmopolite. Doumas qualifie les cités des Cyclades de républiques marchandes.
Sur le continent, une phase de bouleversements apparaît au XVIIe siècle. Le site de Mycènes, fouillé par Schliemann révèle un ensemble exceptionnel. Un cercle A monumental enserrant six vastes tombes construites à fosse, constitue un nouveau type d’architecture funéraire. Tombes collectives, elles sont régulièrement ouvertes pour y placer un défunt supplémentaire. Il existe en hors de Mycènes mais beaucoup plus petites. Elles sont couvertes d’un tumulus. Ces tombes à fosse ont livré un matériel funéraire extrêmement riche, en or et pierres précieuses, des armes d’apparat (poignard à manche de cristal, épées courtes), des œufs d’autruche…et bien sûr les masques funéraires emblématiques de la culture mycénienne. Se crée un répertoire iconographique qui reprend des thèmes minoens comme les animaux au « galop volant » dont les pattes ne touchent pas le sol, des scènes de chasse ou des combats resserrés. Le cercle B est découvert en 1954. Le début de son usage le place une à deux générations avant le cercle A. Vingt-quatre personnes avec des femmes et des enfants dans quatorze tombes à fosse ont été retrouvées avec une pratique funéraire plus modeste accompagnée d’un masque en électron, des bijoux précieux, des armes. Pour les historiens, l’élite du pouvoir et de la richesse se constitue en aristocratie lorsqu’elle impose une hérédité. L’aspect militaire de ce groupe est confirmé par l’iconographie et les armes déposées. Il s’agit donc de contrôler une main-d’œuvre artisanale spécialisée. La Crète minoenne a joué un rôle essentiel dans l’évolution de l’Argolide où est située Mycènes, puis du Péloponnèse et la Grèce continentale. La Crète néo-palatiale est un modèle mais des contacts avec d’autres régions sont constants ; les œufs d’autruche viennent par exemple d’Égypte. Mais comment expliquer une telle richesse de l’aristocratie ? Certains pensent que les Mycéniens étaient des mercenaires pour Minos mais les palais de l’époque étant recouverts de couches plus récentes, il est difficile de connaître leur ampleur.
Le monde mycénien (1450 – 1180)
Le monde égéen est dominé par les palais mycéniens pendant plus de deux siècles. Les XIVe et XIIIe siècles constituent l’époque « classique » de l’histoire mycénienne, plus précisément de 1380-1370 à 1180 où arrive une vague de destructions qui touche la Méditerranée orientale et l’Anatolie. Cette période voit l’apogée des palais, centres administratifs, sièges du pouvoir royal et lieux de résidence d’une aristocratie guerrière. Les conflits entre ces royaumes ont dû être nombreux. Les sources écrites en linéaire B lisibles pour les chercheurs montrent une unité dans la culture matérielle comme dans l’architecture. Cnossos est détruit par des envahisseurs mycéniens vers 1450 et sa reconstruction se fait sur le modèle mycénien. Cependant comme les palais de Mycènes, Pylos et Tirynthe ne nous sont bien connus que vers la fin de cette période (1180), on se demande si leur conception est née en Crète pour être exportée ou l’inverse ! Les tablettes les plus anciennes du linéaire B sont crétoises. Elles attestent une utilisation déjà bien rodée et une fonction religieuse et militaire. Par exemple, on voit l’importance de la charrerie (chars et chevaux sont distribués à l’aristocratie guerrière) et la mention de wanax, le titre officiel donné au roi mycénien. Cette écriture déchiffrée en 1952 est un système syllabique d’environ 80 signes. Des milliers de fragments nous sont parvenus car ils ont été cuits dans des incendies accidentels. Les habitants de ces palais parlaient une forme de grec qui appartient à une branche dialectale nommée arcado-chypriote. Ces tablettes avaient essentiellement un but d’archivage et de comptage administratifs. Certains chercheurs pensent que d’autres supports plus fragiles auraient été utilisés car des tablettes parlent de références que nous n’avons pas conservées. En tout cas l’usage de cette écriture s’arrête brutalement. Il disparaît avec les administrations qui l’utilisaient. Le linéaire B n’a rien à voir ensuite avec le Grec écrit avec les caractères phéniciens ou phrygiens vers 800-750. A l’époque mycénienne, les pratiques funéraires changent et les habitats s’entourent de petites tombes à chambres. Le groupe dirigeant choisit de construire de grandes tombes à encorbellement et pseudo-voûte, appelées les tombes à tholos (9 à Mycènes dont le trésor d’Atrée vers 1300). Construit selon un plan spécifique, le palais mycénien s’organise autour de trois pièces nommées mégaron en référence à Homère. Précédée d’antichambres, la pièce plus vaste est centrée sur un foyer, entouré de quatre colonnes, le trône se trouvant sur le côté droit. On est à l’aboutissement de la circulation principale qui passe par une ou plusieurs cours, des portes qui donnent sur l’extérieur. A Pylos et Tirynthe se trouvent deux megaron. L’ensemble palatial comprend des pièces de résidences, de stockage, des ateliers… Reliés par des routes aux terrasses et aux ponts d’architecture cyclopéenne, les palais fortifiés sont les centres du pouvoir des États mycéniens. Les sources ont permis d’établir une géographie des territoires autonomes, politiques, économiques et religieux : Tirynthe, Midéa et Mycènes en Argolide, Pylos en Messénie, Haghios Vasilios et Menelaion en Laconie, Athènes en Attique, Thèbes en Béotie et Dimini en Thessalie (carte p 145). Les textes montrent des alliances entre ces royaumes comme dans l’Iliade mais d’après les Hittites, ce serait Thèbes la grande puissance que les voisins anatoliens nomment « Achéens ». Ils dévoilent aussi les titres et les fonctions politiques et militaires de l’administration autour du roi, le wanax, puis anax chez Homère. On sait qu’il est assisté par un second, le lawagetas, sans connaître son rôle (successeur, général?) une dualité du pouvoir sans explication pour l’instant. On sait que la royauté organise des banquets avec des centaines de convives. Une pièce à Pylos a livré des kylikes, des coupes à pied pour les festins. Il est difficile de savoir si ces fêtes sont en lien avec des initiations ou des rituels ni le rôle joué par le roi. Ce dernier organise aussi des chasses comme en témoignent les fresques. Afin d’assurer des revenus conséquents, l’administration du palais gère la production et assure le prélèvement fiscal sur le territoire. Des artisans sont attachés au service du roi tandis que certaines productions sont directement gérées par le palais comme le textile ou les huiles parfumées. Les sanctuaires disposent de richesses en terres et sont gérés par une hiérarchie de personnes. L’exploitation des terres de 1400 à 1200 montre une grande diversité des cultures. La construction de terrasses adaptées aux collines aménage les terroirs. Le drainage et la création de barrages comme pour le lac Copais en Béotie façonnent des territoires dominés par des architectures proches des palais. Ainsi la forteresse de Gla comprend de nombreuses pièces de stockage serties de fortifications cyclopéennes. Déjà la trilogie méditerranéenne (blé, vigne et olivier) est en place avec une large diversification : orge, blé dur, amidonnier, engrain, légumineuses (lentilles, fèves), fruits et plantes textiles. Une même variété se trouve dans l’élevage pour la viande, le cuir et les produits laitiers. La production artisanale est en partie indépendante des palais. Bronziers, céramistes (production standardisée à motif de poulpe), orfèvres se répartissent en quartiers de spécialistes dans les villages. Certaines personnes ont des titres de qa-si-re-u sans qu’on sache ses attributions mais c’est l’équivalent du titre des rois homériques. Elles peuvent posséder des esclaves. On a des extraits d’actes de vente d’esclaves à Cnossos.
La religion mycénienne ne nous est connue que par des noms et les représentations des divinités (petites figures en poterie en Tau, Psi et Phi) sans connexion avec la royauté, ni fonctions déterminées. Certains historiens pensent que des rituels ont eu lieu dans la salle du trône mais rien ne le prouve. Les fouilles des sanctuaires n’apportent rien de concluant. Petits,les sanctuaires comportent une pièce avec une banquette ce qui fait penser à des rituels collectifs. Les tablettes livrent des noms repris à la période suivante comme Zeus, Athéna puis plus tardivement Dionysos. Une maîtresse des animaux doit avoir un rôle privilégié, représentée comme une déesse aux bras levés en Crête. Pour les pratiques funéraires, l’époque mycénienne innove avec la tombe collective où l’inhumation est la règle. Tombes creusées ou construites, les plus courantes sont dites à chambres munies d’un dromos. Les tombes les plus connues sont celles à tholos avec une chambre en pierre et en encorbellement comme celles de Mycènes. Créées au XVe siècle pour une catégorie sociale privilégiée, elles se répandent dans la société sous différentes formes, regroupées en nécropoles. On y trouve des offrandes standardisées, des petits vases, des bijoux, peu d’armes mais les pillages masquent la réalité.
Par contre, les armées mycéniennes sont bien renseignées. Les rois sont à la tête de forces militaires qu’ils n’hésitent pas à utiliser pour de grandes expéditions. L’arme principale est la charrerie composée de chars à roues avec rayons, qui semblent inefficaces sur des terres accidentées mais pourtant utilisés à Qadesh dans une région similaire. La lourde cuirasse en plaques de bronze trouvée à Dendra en Argolide est certainement une exception. L’industrie du cuir fournit des casques « en dents de sanglier » et des cuirasses. Il devait exister une infanterie avec des archers à pied efficaces grâce au grand bouclier. Des dessins de bateaux à voile carrée avec un rang de rameurs, témoignent d’une activité maritime, sans doute pour le transport de troupes et pour le commerce, la piraterie. Aucune trace de batailles navales. A Pylos, des rameurs sont liés à la terre qu’ils possèdent. C’est sans doute une conscription. On possède aussi des listes de mercenaires. Pourquoi faire la guerre ? Les groupes dirigeants doivent surtout leur pouvoir à leurs capacités militaires. La guerre est source de butin notamment les esclaves recensés par les textes (femmes, enfants).
Les Mycéniens en Méditerranée. Le Bronze ancien est une période d’intenses trafics du Levant à l’Andalousie au point que certains chercheurs voient les Mycéniens comme les prédécesseurs des Phéniciens.
L’effondrement des palais et son ombre portée. Entre 1195 et 1180, une série de destructions d’une ampleur inouïe ravage la Méditerranée orientale. Tous les palais mycéniens sont détruits. L’empire hittite disparaît et Ugarit est rasée. Les textes égyptiens parlent de batailles menées avec les peuples de la mer.
L’âge de fer (vers 1050 – vers 800 ). Au XIe, les pratiques cultuelles et funéraires changent mais les données archéologiques s’appauvrissent. Aucune écriture n’est en usage.
Inventions et redécouvertes au VIIIe siècle ont eu un impact sans précédent : multiplication des sites et des nécropoles, emploi généralisé du fer, développement d’une écriture syllabique, élargissement de la colonisation. Cette période effervescente où s’élabore « la polis » est qualifiée de « renaissance culturelle ».
Les sociétés grecques vues par leurs poètes. Les poèmes épiques sont-ils les témoins de leur époque ? Homère est-il un personnage historique ? Quand ont été fixées par écrit les deux épopées ? L’historien peut puiser dans Hésiode et Homère des témoignages de l’oikos. Ce dernier mot désigne la maison et par extension la famille.
« Guerre est toujours ! » Caractères et transformations de la guerre (VIIIe – VIe). La polémologie (du grec polemos (guerre) et logos (le discours)) est l’étude de la guerre, un domaine très développé à propos des sociétés anciennes. La guerre en Grèce ancienne est un État permanent. Elle est décrite, représentée et bien documentée. L’événement de l’hoplitisme, technique de combat à pied, est l’innovation majeure de cette Grèce dite archaïque, où s’intègrent progressivement des chars. Le bouclier rond apparaît avec sa technique de combat particulière. Les armées navales s’accroissent.
Institutions et sociétés des premières cités (VIIIe – Ve) La période archaïque a défini les rôles politiques au sein des premières communautés grecques. Nomina désigne les institutions, les usages en grec ancien. Les poèmes épiques en donnent un aperçu, leur cohérence ne peut être une invention. Ce chapitre détaille les rôles du roi, du peuple, de l’assemblée, des aristoï, groupe social prééminent.
L’Épire et la Macédoine : deux mondes grecs, Ces régions à la charnière entre la Méditerranée et l’Europe continentale ont des frontières fluctuantes en fonction des époques. Ainsi est leur destin, tantôt des régions grecques et tantôt des régions barbares. Elles ne cesseront cependant de vouloir s’intégrer au monde grec comme montre l’intégration de la Macédoine aux prestigieux concours olympiques en 496 BC.
Les Grecs et leurs voisins : contacts, échanges et représentations (VIIIe – VIe). Y sont décrits les nombreux peuples aux frontières comme les Phéniciens au Levant, les Phrygiens et les Lydiens en Asie mineure, les Thraces et les Scythes autour de la mer noire et les Étrusques en Italie.
L’essaimage colonial grec, du Pont-Euxin à l’Occident (VIIIe – VIe). Le cadre de la colonisation de la Grande Grèce au Pont-Euxin est ouvert par les Eubéens, puis les Achéens pour fonder les apoikai (cités nouvelles, venant du mot apo, le départ et oikos, le foyer) d’une grande diversité. Les raisons de départ sont tout aussi variées : le quête de métaux ou de ressources rares, le besoin de terres…
Les nouveaux espaces civiques et religieux. Au IIe siècle, Pausanias a dressé la liste de ce qui faisait une communauté appelée Polis : des édifices pour les magistrats, un gymnase, un théâtre, une place publique, une fontaine et des maisons en dur. Cette énumération témoigne de l’évolution historique des créations mais aussi des règles qui se définissent pour les lieux publiques. Liés à ce nouveau contexte civique, des styles architecturaux apparaissent.
Les cités et leurs campagnes (600 – 510) forment un binôme essentiel pour comprendre l’évolution des sociétés grecques. De nombreux citoyens vivent dans le territoire qui entoure la cité. Beaucoup quittent les champs pour participer au bon fonctionnement de la cité. Pour Hésiode, l’activité agricole prime pour atteindre la prospérité, une vision positive qui perdure à l’époque classique.
La voie spartiate. A la pointe sud-est du Péloponnèse, Sparte contrôle une aire fertile irriguée par le fleuve Eurotas, en liaison avec la mer. Avec une chronologie en débat, la cité de Tyndare et de Ménélas est renommée en Grèce pour son passé glorieux, la cohésion et les valeurs de la communauté spartiate. Les historiens contemporains s’accordent sur le côté légendaire de Lycurgue, supposé fondateur des institutions spartiates inspirées par l’oracle de Delphes. L’originalité lacédonienne des institutions et de la société (Homoioi (citoyens), hilotes (esclaves) et Périéques (ceux qui habitent dans les alentours)) sont bien analysées.
Le laboratoire politique (600 – 510). La concentration des pouvoirs en une seule personne (royauté ou tyrannie) se transforme à Athènes, terrain d’expériences politiques avec les réformes de Solon et l’expérience des Pisistratides de grande importance pour les évolutions postérieures.
Échanges et savoirs. Depuis l’âge de Bronze, les échanges sont actifs. Les recherches récentes montrent la continuité de ces contacts (découvertes d’épaves avec leur riche cargaison). Aristote souligne le caractère naturel et universel de l’échange puisque des denrées sont abondantes dans certaines régions et d’autres en sont dépourvues. Ainsi l’ampleur du commerce fait naître l’idée d’un enrichissement illimité pour l’homme. S’établit aussi à cette époque l’emporia, le commerce spécialisé et l’introduction de la monnaie : la prémonnaie au VIIe (métal non frappé mais de simples globules avec striures) puis les pièces au VIe en électrum pour la Lydie et en argent en Grèce.
Si le monde grec n’est plus dans les programmes des concours 2020, il reste présent dans les programmes du secondaire pour la période suivante. L’intérêt de cet ouvrage est de comprendre la démarche de l’historien avec les sources archéologiques, épigraphiques ou littéraires, mais aussi de voir les évolutions récentes du vocabulaire employé par les chercheurs. Si « L’archéologie est un livre d’images sans légende », le croisement des sources et des disciplines permet de proposer « une histoire neuve ».