« Peut-on vraiment marier la nature et la ville ? Quels sont les désirs de nature des citadins ? Qu’expriment-ils ? Comment les citadins se représentent-ils la nature ? Quels sont les bienfaits de la nature en ville ? Aménager l’urbain en prenant en compte la nature est-ce vraiment possible ? Qu’est-ce que cela change en termes de pratiques ? Quels sont les risques de la réintroduction de la nature en ville ? De telles questions, au centre des préoccupations des chercheurs et des acteurs locaux, engendrent des controverses que ce livre tente d’éclairer. Dans cette optique, il explore les raisons du désir de nature des citadins et en montre la diversité. Il fait une large place aux pratiques et aux usages de nature en ville tout en s’interrogeant sur leur pertinence et leurs sources. Il met également en débat la question de la nature en ville. Il révèle sa face cachée, l’instrumentalisation de la nature en ville a des fins de politiques publiques. Il met en évidence les changements que la réintroduction de la nature en ville impose en matière d’aménagement urbain. Il souligne quelques débats philosophiques, sociaux, économiques… que cela génère. »

Lise Bourdeau-Lepage est professeur de géographie à l’université Lyon‑3 Jean Moulin. Chercheuse à l’unité mixte de recherche Environnement, ville, société, elle mène des recherches en géographie et économie urbaine. Ses travaux, dans une optique pluridisciplinaire, portent sur les processus de recomposition et de croissance des villes (formes urbaines, localisations résidentielles, étalement urbain, mégapolisation, ségrégation socio-spatiale) et sur la métropolisation (place des villes dans le monde, rôle des métropoles dans l’histoire), en lien avec la question du développement durable. Elle s’intéresse actuellement aux inégalités socio-spatiales en ville, au Grand Paris, à la mesure du bien-être des individus et à la place de la nature en ville.

Après une préface dans laquelle Lise Bourdeau-Lepage reprécise des éléments de définition de son sujet (« nature », « nature en ville »..) et explique la démarche globale de l’ouvrage, elle introduit ce phénomène de nature en ville, « l’esprit d’une alliance ». Elle explique donc sa vision de cette ambivalence : amour et désamour. Se basant sur une précédente étude issue de ses travaux, elle illustre le retour de la conscience écologique chez les citadins, leurs désir d’un retour à la nature en ville, les controverses qui en émergent, pour enfin ouvrir le débat.

NATURE EN VILLE, UNE NATURE PLURIELLE ?

Cette première partie est elle-même divisée en deux sous-parties. La première s’intitule Nature, esthétique et culture. Emeline Bailly évoque les récentes visées de la ville environnementale et parle de « redonner des sentiments esthétiques de nature (…) aux espaces urbains. Sylvie Brosseau elle révèle les fonctions parfois surprenantes des plantes en pot de rues de Tokyo.
Le seconde partie, Nature et demandes citadines propose un court article de Sandrine Manusset à propos des « diversités des représentations et des attentes de Nature, se basant notamment sur une étude réalisée en Bretagne et qui a pour but de « comprendre la diversité des attentes de nature ». Cette étude est analysée et une remarque s’en dégage : « Les enjeux de nature méritent de devenie des enjeux de santé publique. » Lise Bourdeau-Lepage et Laurène Wiesztort signent ensuite un article commentant une enquête dans les parcs et jardins publics lyonnais. Là encore cet article est basé sur une une enquête effectuée en 2012, menée auprès de 150 personnes à Lyon. Le tout est agrémenté de statistiques et de figures parlantes.

LA FACE CACHEE DE LA NATURE EN VILLE

Kaduna-Eve Demailly nous propose dans la partie Nature et discours, une reflexion riche sur le vacant jardin et son institutionnalisation qui profite notamment des nouvelles politiques de la ville : « Le jardin partagé comme un espace-symbole des politiques de développement durable. » Elle s’intéresse au lien social auquel ce type de jardin participe. Ce sont par ailleurs quatre chercheurs (Marine Canavese, Elisabeth Rémy, Francis Douay et Nathalie Berthier) qui vont s’intéresser aux jardins collectifs urbains en interrogeant leur dimension socio-politique.
Dans la partie Nature instrumentalisée cinq autres chercheurs (Hortense Serret, Richard Raymond, Laurent Simon, Philippe Clergeau et Nathalie Machon) s’intéresse à une pratique en vogue, l’utilisation des espaces verts d’entreprise qui sont au « service de la biodiversité urbaine ». Proposant des schémas ainsi qu’un encart résumant la théorie des graphes paysagers l’article se veut riche en exemple. Marc Jacouton propose une reflexion sur le fait que la Nature peut créer « de la valeur environnementale, sociale et économique dans l’entreprise ». Il évoque notamment la société Cepovett qui a fait le choix d’installer des rûches sur les toits de ses différents bureaux. Cette décision ajoute une dimension de préservation de la biodiversité à son image, des visites sont organisées au rucher, et du miel « maison » est offert aux collaborateurs !Enfin, Muriel Delabarre donne des éléments sur un nouveau type d’ingénierie : l’ingénierie écologique, elle parle même de techno-nature. Développant l’exemple de jardins aquatiques, elle explique l’intérêt de cette nouvelle discipline, tout en insistant sur les associations de professionnels qu’elle suggère et qui devrait être particulièrement riche à l’avenir.

QUAND LA NATURE CONDUIT A REPENSER L’AMENAGEMENT EN VILLE

L’interculturel joue un rôle important dans les aménagements; Gaël Brule et François Lepeytre développent l’exemple des Cités-Jardins et trois de ces cités plus particulièrement : Radburn (Etats-Unis d’Amérique), Tapiola (Finlande) et Pré-St-Gervais (France). Sébastien Pessel signe un article intitulé « Co-construction du bien-être dans les quartiers populaires et besoins partages de nature en ville ». Cet article, en forme d’ouverture propose notamment un retour sur la Pyramide de Maslow particulièrement concret. L’article d’Alberto MInelli et d’Ilaria Pasini explique comment la nature est mobilisée de l’autre côté des Alpes, en Italie, sur un le projet de l’Opéra Pia Mastai Feretti à Senigallia. Enfin, le dernier article de cet ouvrage s’intéresse aux cours d’eau et se focalise sur des exemples français. Laurène Wiesztort démontre comment il y a aujourd’hui une « volonté de recréer des liens avec le fleuve ». Prenant exemple sur le nouvel aménagement des berges des deux cours d’eau lyonnais, elle explique que ce choix a été fait afin de répondre « à la demande des citadins ». Elle établit un bilan du développement de la biodiversité des milieux aquatiques urbains.

Cet ouvrage se présente comme un manuel, d’abord par son format mais aussi le nombre de ces figures, le rendant agréable à la lecture. Lise Bourdeau-Lepage aborde ici une notion centrale de la géographie, la Nature, tout en proposant une nouvelle grille de lecture : l’Urbain. Ce sujet qui touche autant la géographie sociale, que la géographie urbaine mais aussi la géographie physique illustre ce verdissement de la société constaté par la directrice de l’ouvrage. Faisant un lien avec ce qu’elle appelle « l’homoqualitus », cette nature en ville devrait permettre à l’individu de maximiser son bien-être.
J’ai apprécié la lecture de ce livre, qui propose de nombreux exemples concrets, qui propose des articles synthétiques et qui me semble tout à fait adapté aux enseignants du secondaire, notamment de 5è et de 2nde. L’ouvrage intéressera aussi les agrégatifs qui se demandent si la Nature est un objet géographique. Je remercie aussi particulièrement Lise Bourdeau-Lepage pour ses éclairages, suite à notre rencontre à l’occasion de ce compte-rendu. Enfin signalons l’intéressante démarche de l’éditeur qui boycottant le site de vente du nom d’un grand fleuve sud-américain, vous prie de commander son livre sur son site, ou en librairie. « Ton libraire est ton ami ! »