Véritable fléau dont les générations précédentes n’avaient pas anticipé l’invasion qui allait s’en suivre, le plastique est ici analysé au travers de sa pollution océanique même si celle-ci dépasse hélas ce cadre que Nelly Pons, ancienne danseuse, chargée de projets et directrice de l’association Terre et Humanisme, a choisi dans cet essai.

 

Ponctué d’interviews et de renvois à des liens web, l’ouvrage, copieux, se découpe en deux grandes parties, un état des lieux puis des pistes de solutions.

 

Quelques constats :

 

Le problème clé tient sans doute au fait que le plastique se dégrade extrêmement lentement mais aussi qu’il se fractionne en microplastique. En ce sens, il affecte jusqu’au plancton. Les animaux sont affectés par l’ingestion même des plastiques mais également par substances toxiques qui le composent. Cela entraine perturbations endocrinienne et du système reproducteur. Est également concerné le transfert d’espèces : dérivant, le plastique emmène avec lui des organismes vivants et les déplacent hors de leur habitat habituel modifiant ainsi les équilibres.

 

Comme les plastiques n’arrivent pas intacts en mer où ils commenceraient leur décomposition (puisque celle-ci débute dans les fleuves et les rivières), on estime qu’il y aurait peut-être 4 fois plus de plastique sur terre que dans les eaux…affectant en cela les organismes vivants dans le sol et donc les terres et ainsi leur capacité à nous nourrir.

 

Les microplastiques se retrouvent dans les sources d’eau douce, les glaciers de haute montagne car ils sont volatiles atteignant possiblement le cycle de l’eau. Cette volatilité questionne d’ailleurs les protocoles de recherche : le plastique prélevé à tel endroit vient-il de cet endroit où a-t-il pu voler à partir d’un autre emplacement ?

 

Des pistes d’action :

 

Cibler les actions pérennes semble incontournable même si les idées irréalistes ont au moins eu l’avantage de sensibiliser à la question. On peut par exemple s’attaquer aux filets de pêche « fantômes » (à encadrer car il y a actuellement risque de contravention à ramener spontanément ces filets). Des solutions techniques sont proposées : barrières collectionneuses, bateaux poubelles…intéressantes mais coûteuses. D’où cette question clé : investir là-dedans ou tenter d’essayer d’enrayer efficacement le problème à la source ?

 

La piste des bactéries est soulevée mais attention à la non reproductibilité à l’identique en milieu naturel et aux raccourcis d’interprétation (ingestion ne veut pas dire assimilation s’il y a défécation ensuite).

 

La géographie montre que plus un pays est en train de s’enrichir et plus il consomme et donc il pollue mais les différences culturelles sont présentes : à PIB équivalent, un Américain pollue 3 fois plus qu’un Japonais. Faut-il privilégier le dépôt en point de collecte ou collecter en porte à porte ? Les ménages ne représentent que 9 % de la production de déchets, l’essentiel venant des entreprises, notamment du BTP.

 

Polluant encore s’il est brûlé, le plastique n’est pas vraiment recyclable. L’Inde tente la piste du « plasphalt » pour faire des routes mais aussi des briques, des meubles voire du diesel grâce à la pyrolyse…mais la réintroduction dans l’environnement se fait toujours…

 

Certains marchés, asiatiques notamment, sont calibrés pour des populations pauvres et multiplient les unidoses et donc les emballages…produits dans des pays plus riches.

 

Le transport des déchets est également un problème majeur : les infrastructures de l’Asie du Sud Est ne sont pas adaptées pour accueillir des afflux massifs de déchets occidentaux. De ce fait, les populations locales y cherchent des objets de valeur, même modeste, et sont au contact permanent de la toxicité. L’ONU a modifié la convention de Bâle début 2021 : interdiction par l’UE d’exporter des déchets dangereux au sein de l’UE même si des membres y consentent.

 

Les suremballages sont aussi une menace. En relocalisant, on aurait moins besoin de protéger à outrance les denrées. Développer le vrac, remettre au goût du jour la consigne et combattre l’obsolescence programmée sont des chantiers importants. Si le sac plastique à usage unique a disparu de certaines enseignes, son remplacement par le « tote bag » (sac en tissu) n’échappe pas aux effets de mode qui consiste à singulariser ce nouvel objet et donc à le surproduire.

 

Bien sûr, les lobbys dénaturent les projets de loi y compris en cette période de Covid où le masque jetable domine sur le masque en tissu. Les résolutions non contraignantes et sans calendrier sont un sévère handicap. Travailler le droit pour faire reconnaître le crime « d’écocide » est une piste. Malgré tout, le trou de la couche d’ozone peut constituer une expérience inspirante : un problème vite identifié, vite pris en compte grâce à une prise de conscience réellement collective.

 

Quelques chiffres supplémentaires dans cette inquiétante enquête :

  • 50 % de ce qu’on produit en plastique est à usage unique.
  • 1 % serait à la surface des eaux, le reste étant déjà fragmenté
  • 10 déchets les plus répandus : 1/mégots de cigarettes, 2/fragments de plastiques, 3/bouteilles, 4/emballages alimentaires, 5/sacs plastiques, 6/filets de pêche, 7/bouchons de bouteilles, 8/cotons-tiges, 9/pailles et touillettes, 10/bâtons de sucettes.

 

Un extrait sur le site de l’éditeur https://www.actes-sud.fr/sites/default/files/extraits/9782330140786_extrait.pdf