« Agricola naquit sous caligula. Cet empereur en était à son troisième consulat. C’était un 13 juin. Il mourut à 53 ans, le 23 août, sous le consulat de Collega et Priscinus. Si les générations futures veulent aussi savoir à quoi il ressemblait, il avait plus de distinction que de majesté. Aucune violence ne se lisait sur son visage. C’est par l’harmonie des traits qu’il en imposait. Tu aurais aisément reconnu en lui un homme bien, et volontiers un grand homme. Il fut arraché à l’existence vers la moitié de sa durée complète. Mais, pour ce qui est de la gloire, il vécut une très longue vie ».
Ainsi Tacite dresse-t-il le portait de son beau-père, Gnaeus Iulius Agricola dans le De vita Agricolae.
Les générations présentes pourront désormais se réjouir d’aller à la rencontre de cet insigne personnage grâce au très beau travail de Sacha Cambier de Montravel et de Edouard Michel.
Les deux auteurs ont en effet entrepris d’adapter le texte du grand historien romain sous la forme d’un roman graphique et c’est là un pari plus que réussi.
Iulius Agricola est un personnage fascinant à plus d’un titre. Un cursus honorum fourni, des gouvernorats en Aquitaine et en Bretagne et le statut d’un grand général vainqueur dans cette dernière province.
Agricola aurait également été le premier Romain, par une circumnavigation, à prouver que la Grande-Bretagne était une île, réitérant ainsi l’exploit du massaliote Pythéas.
Enfin, Agricola apparaît comme un champion de la moderatio, du « juste milieu » selon Tacite, attitude qui, par contraste, rend encore plus exécrable le « mauvais Prince » qu’est Domitien.
Le parti pris graphique des auteurs est intéressant et la sélection opérée dans le texte judicieuse.
On retrouve nombre d’allusions à des figures antiques ou contemporaines comme ces Britanniques se suicidant (p. 61) directement inspirés du groupe statuaire dit « Le Suicide du Galate » ou encore dans les visages de deux sénateurs (p.73) dont les traits rappellent ceux des premiers ministres Edward Heath et David Cameron.
A la suite du roman graphique figure un excellent lexique intitulé « Tacite de A à Z (V) ». Basé sur un appareillage scientifique de qualité, et non dénué d’humour, celui-ci permet une entrée aisée dans le texte et un approfondissement de la lecture.
Enfin, la fin du volume comporte la version bilingue du De Vita Agricolae dont la traduction a été assurée par Edouard Michel.
Le lecteur du présent ouvrage bénéficie ainsi d’un très bel objet tripartite dont les prolongements pédagogiques, pour des séquences consacrées au monde romain, pourront être nombreux.
Grégoire Masson