Les travaux consacrés à l’histoire de Nice et de son comté sont nombreux et de qualité inégale. Jean-Loup Fontana, conservateur départemental du patrimoine depuis 1982 auprès du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, a tenté de relever le défi en publiant une histoire niçoise originale et qui se démarque des essais précédents par une perspective chronologique longue, de la préhistoire à nos jours. L’ouvrage est réparti en douze séquences chronologiques de 20 à 30 pages environ chacune.

L’auteur commence son récit par les découvertes archéologiques les plus anciennes du département des Alpes-Maritimes, qui justifient le titre de l’ouvrage et de la collection dans laquelle il s’insère : le Vallonnet, Terra Amata, le Lazaret, les grottes de Grimaldi, Caucade, Pendimoun, la Vallée des Merveilles sont les principaux sites préhistoriques locaux. L’Antiquité est abordée à travers l’hypothétique présence phénicienne, puis marseillaise, avant de décrire la cité romaine de Cimiez et la province des Alpes maritimes, puis l’implantation chrétienne. La période médiévale est abordée à travers le rôle des abbayes durant le haut Moyen Âge, l’organisation de la féodalité provençale catalane puis angevine, et le mouvement communal, jusqu’à la reine Jeanne de Naples.

L’ouvrage décrit ensuite la « dédition » du pays niçois de 1388, qui fait entrer Nice dans l’aire d’influence savoyarde, dans un contexte de troubles économiques et sociaux. Le XVe siècle est présenté comme une période d’affirmation du pouvoir souverain des ducs de Savoie à partir d’Amédée VIII, marquée notamment par la soumission des Grimaldi de Beuil, l’écrasement de la rébellion de 1436, la modernisation du château de Nice. La période des guerres d’Italie plonge Nice au cœur d’un conflit d’échelle européenne à la suite des interventions françaises, puis de l’affrontement entre François Ier et Charles Quint. Le Congrès de Nice organisé en 1538 en est l’épisode le plus connu, de même que le siège de Nice par les troupes franco-turques en 1543.

La période suivante est caractérisée par la restauration des Etats de Savoie sous le règne d’Emmanuel-Philibert (1553 à 1580), à la suite du traité de Cateau-Cambrésis (1559). Le souverain organise la défense du littoral niçois par la construction du fort du Mont-Alban et de la citadelle de Villefranche, base d’une modeste flotte de guerre qui participe à la bataille de Lépante en 1571. L’absolutisme savoyard s’affirme sous le duc Charles-Emmanuel Ier (1580-1630), dans un contexte de croissance des échanges avec la création du port-franc de Nice et la création de la route royale entre Nice et Turin. L’élimination des Grimaldi de Beuil en est la résultante. La période est également marquée par l’épanouissement de l’art baroque niçois, illustré par la construction de l’église du Jésus, de la cathédrale Sainte-Réparate, les ouvrages de Guibert, le Palais royal, le Palais Lascaris, etc.

L’auteur aborde ensuite la période des guerres louisquatorziennes, marquée par le premier siège de Nice et la prise du château par les troupes françaises en 1691. La guerre de Succession d’Espagne conduit au second siège de Nice, suivi de la destruction du château. L’écrasement de l’armée française devant Turin en 1706, puis la paix d’Utrecht en 1713, replacent Nice sous l’influence de la dynastie savoyarde. Le XVIIIe siècle est une période de modernisation pour les Etats du roi de Sicile, puis de Sardaigne, dont le comté niçois est le débouché maritime. La ville obtient la construction du port Lympia, l’ouverture d’une route carrossable franchissant le col de Tende. L’auteur achève son étude par un survol rapide de la période révolutionnaire et impériale, suivie de la restauration sarde et du rattachement à la France en 1860. La période française consécutive est à peine esquissée en quelques pages.

Cette étude, fruit des recherches d’un spécialiste du patrimoine architectural, est bien documentée et agrémentée de nombreuses anecdotes. On regrettera cependant le parti-pris de l’auteur qui privilégie l’histoire dynastique au détriment des autres facettes de l’histoire locale. Nice n’y apparaît qu’en filigrane, l’étude s’échappant souvent à travers des descriptions plus larges. L’évolution urbanistique, économique et sociale du pays niçois, aujourd’hui bien connue des spécialistes, apparaît au second plan. Que dire enfin de la période contemporaine, qui ne semble mériter dans cet ouvrage que quelques propos réprobateurs à l’égard d’une ville qui aurait perdu son identité. Donc, un ouvrage utile pour qui veut connaître l’histoire niçoise, mais qui ne dispense pas de compléter la documentation par les travaux des universitaires, notamment à travers les publications des éditions Serre.