Sophie Archambault de Beaume est professeur à l’université de Lyon et chercheur au laboratoire «Archéologies et Sciences de l’Antiquité» à Nanterre. Elle étudie les comportements techniques et les aptitudes cognitives de l’homme préhistorique. Elle a notamment publié « Qu’est-ce que la Préhistoire? » (Gallimard, 2016), « Pour une Archéologie du Geste et L’homme et l’Outil » (CNRS Éd., 2000 et 2015) et co-dirigé « Cognitive Archaeology and Human Evolution » (CUP, 2009).

Antoine Balzeau est chargé de recherches au CNRS et chercheur au Muséum national d’histoire naturelle. Il travaille au musée de l’Homme où il consacre l’essentiel de ses travaux à l’étude des transformations morphologiques des premiers hommes, en s’intéressant surtout à l’évolution du crâne et du cerveau.

Les illustrations sont de Olivier-Marc Nadel qui est un peintre-illustrateur, diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et de l’École Nationale Supérieure des Arts-Décoratifs de Paris. Il a entre autres collaboré à de nombreux ouvrages sur la préhistoire dont « Qui étaient les premiers hommes », dossier Images Doc., Bayard (2013), et aussi au CD rom Magellan, « la Préhistoire », cycle 3 aux éditions Hatier (2010)

« Notre préhistoire, la grande aventure de la famille humaine » de Sophie A. de Beaume et Antoine Balzeau est une réédition augmentée et actualisée d’un ouvrage des Éditions Chronique/Dargaud et CNRS Éditions de 2009. Il aborde tous les sujets et les questions qu’on pourrait se poser à propos de la préhistoire. Les éditions Belin complètent ainsi leur catalogue sur cette époque Préhistoire d’Europe, [Femmes de la préhistoire->https://clio-cr.clionautes.org/femmes-de-la-prehistoire.html] par un beau livre, grand format qui couvre un large spectre des connaissances, des origines à la fin du paléolithique supérieur.

En effet, les auteurs ont choisi d’expliquer où en étaient les connaissances. Le lecteur a le choix entre lire l’ouvrage de a à z ou de piocher dans les 14 chapitres au grès de ses envies ou de ses interrogations. L’ensemble est astucieusement classé par ordre chronologique de façon à ce que le lecteur puisse rechercher très facilement des informations sur telle ou telle période.

Ainsi, le livre débute par un chapitre qui présente ce qu’est la préhistoire. Le chapitre introductif « Qu’est-ce que la préhistoire » expose l’histoire de la discipline, ses fondements et limites, le découpage du temps, l’évolution des techniques de fouille, les métiers de la discipline, etc. Le cadre est posé. « L’homme n’est plus ce qu’il était », la préhistoire non plus. Le chapitre 2 attaque le sujet proprement dit avec un court mais complet exposé sur les origines de l’homme et une présentation complète des homininés, leur sortie d’Afrique, la conquête de l’Asie puis de l’Europe.
Les chapitres 7 à 11 traitent « [des] premiers européens » et des « Néandertaliens » avec notamment de l’apparition des hommes modernes ainsi que de la colonisation du globe et de la disparition de Néandertal. « L’extinction » présente néanmoins les trois hypothèses actuelles et pose la question des conséquences de l’isolement sur les populations. C’est simple et clair.
Les derniers chapitres (12, 13 et 14) couvrent le paléolithique supérieur jusqu’au Magdalénien final (« les grandes innovations techniques », « Mode de vie… » et « L’explosion artistique… ») avec des double pages très intéressantes sur le travail de la pierre, les matières dures animales, les matières souples animales et végétales dans lesquelles Sophie de Beaune nous fait découvrir, toujours sans entrer dans les détails, l’éventail des savoirs techniques L’archéologie cognitive traite des compétences techniques et intellectuelles. des derniers néandertaliens aux hommes modernes (du Châtelperronien, -44 000 à -39-38 000 ans, au Magdalénien, -20 500 à -23 000 ans). Les amateurs de techniques pourront retrouver ses ouvrages en bibliographie pour aller plus loin, notamment « Pour une archéologie du geste… », Paris, CNRS Éditions, 2000 et « L’homme et l’outil. L’invention technique durant la préhistoire, Paris, CNRS Éditions, coll Biblis, 2015 [1ère éd. 2008]). L’art mobilier et pariétal du Magdalénien avec les double-pages sur « art public, art secret » et « parures du corps » clôturent ces chapitres. Rien de bien neuf mais l’ensemble est toujours traité dans un langage tout à fait accessible sans entrer dans les détails des différentes thèses actuelles Alain Testard, « Art et religion de Chauvet à Lascaux » ou leur exposition plus complète dans l’ouvrage de Gwenn Rigal, « Le temps sacré des cavernes ». Le passage sur la « musique » est intéressant : outre les flûtes, les expériences des grottes de Niaux, Portel et Fontanet ne sont pas oubliés : elles ont montré que de nombreuses figurations pariétales étaient réalisées dans des lieux particulièrement sonores.

A chaque sujet, le consensus actuel est présenté et les doxas ainsi que les anciennes théories présentées et éliminées. Des encarts précisent des points de technique propres à la préhistoire comme par exemple , la paléoanthropologie, la paléogénétique mais aussi la datation des décès, comment repérer une zone d’occupation, la taxinomie, la chronologie isotopique, la systématique et l’arbre phylogénétique mais aussi et diverses théories comme celle de l’évolution, celle de l’East Side Story, etc. Ces petits « apartés » viennent habilement compléter la présentation de chaque question. en y insérant les dernières questions ou dernières découvertes (Homo nadeli, l’enfant de Nariokotome -proche du lac Turkana en Afrique de l’Est, l’enfant de Mojokerto -île de Java-, site de Dmanisi, Fontanel…) ou encore sur les modes de vie des premiers hommes ( la domestication et la production du feu, l’habitat néandertalien, les régimes alimentaires, le temps à l’époque glaciaire, les premières sépultures, les techniques comme le chopper et le biface, l’anthropophagie mais aussi la solidarité humaine, la parure et l’ornementation du corps). Bref, rien n’est laissé de côté. Enfin, les illustrations nous montrent au moyen de scènes de vie, à chaque début de chapitre et en fin d’ouvrage, l’homme à chacune des étapes de l’évolution, actif dans son environnement. Les photographies, tableaux, schémas viennent parfaitement compléter les propos des deux auteurs.

Le livre se referme sur un épilogue qui présente le changement climatique de la fin du paléolithique et les bouleversements qu’il a induits : c’est le mésolithique avec une sédentarisation beaucoup plus importante, un changement des techniques de chasse qui s’adaptent au milieu forestier, l’apparition des premières nécropoles, les premières maisons en dur, les prémices de l’agriculture, les premiers vestiges des conflits… mais comme le disent les auteurs, « c’est une autre histoire »… Et on aimerait un second ouvrage sur le mésolithique encore peu connu par le grand public et un autre sur le néolithique.

S’en suit enfin quelques double pages un peu particulières qui présentent un portrait de famille qui résume bien les différentes caractéristiques des différentes espèces d’homininés avec leur distribution chronologique et deux autres pages montrant les caractéristiques morphologiques des crânes des différents Homo : Erectus, Néandertal et Sapiens.

Un glossaire, une bibliographie et un index clôturent cet important ouvrage qui fait le point sur les connaissances actuelles. A noter que l’index est fort utile comme entrée : on y retrouve les différents homme de… (homme de Denisova, de Pékin, de Java…), les grottes, abris, carrières et site mais aussi en italique les noms des différents types d’homme ou ancêtre de l’homme (9 Australopithecus -bahrelghazali dit Abel, afrensis…- ; 12 Homo -antecessor, floresiensis, habilis…).

On peut regretter que la bibliographie soit située à la fin de l’ouvrage et non à chaque double page. Classée par ordre alphabétique et non en fonction des 14 chapitres, elle n’aide pas vraiment le lecteur à aller plus loin dans chaque thème abordé. Elle présente certes des ouvrages incontournables comme ceux de Leroy-Ghouran ou de Lorblanchet… mais aussi beaucoup d’autres assez généraux ainsi que quelques actes de colloques sur des sujets… eux aussi généraux. On comprendra que ce livre s’adresse à un public de non spécialistes afin d’essayer d’en finir avec les clichés et d’exposer dans un langage clair et accessible les connaissances scientifiques telles qu’elles sont aujourd’hui jusqu’aux dernières découvertes annoncées en 2015 et 2016 (Homo Naledi et la grotte de Bruniquel).

Les deux auteurs nous donnent donc à découvrir un vaste et complet panorama de la préhistoire à destination du grand public ; c’est un état de lieux, à jour, illustré et accessible à tous à ne pas manquer d’offrir à tous ceux qui en sont encore restés à « l’homme des cavernes » ou, au mieux, à Lucy.