Odile Roynette est enseignante chercheur à l’université Bourgogne-Franche-Comté, spécialiste d’histoire militaire de la période contemporaine. Sa dernière publication consacrée à Céline Un long tourment, Louis-Ferdinand Céline entre deux guerres 1914-1945, Paris, Les Belles Lettres, 2015 a reçu le prix Lucien Febvre en 2016.

Le présent ouvrage est la réédition en poche d’un ouvrage sorti en 2000, augmenté d’une postface. L’auteure aborde sous un angle nouveau l’histoire des armées à la fin du XIX e siècle (1873-1905) : le service militaire, temps de découverte de l’armée, de la nation, une histoire de la caserne.

Les représentations de la vie de caserne en 1872 : entre répulsion et salut

L’auteure analyse la défaite de 1871 avant d’expliquer les causes d’un certain refus de la conscription qui prend racine à l’époque des guerres napoléoniennes. La manifestation de cette répulsion pour la vie militaire est vue grâce aux témoignages des médecins militaires. Elle analyse également les tentatives de réforme du remplacement au cours du XIXe siècle.

Après la guerre de 1870, le service militaire, la vie de caserne apparaissent comme le lieu de régénération d’une nation vaincue. Plus égalitaire depuis la réforme de 1872, l’armée, garante de la paix et de l’ordre après l’épisode de la Commune, représente l’honneur, le courage, l’effort, le lieu de l’adhésion à une patrie face à l’Allemagne toute puissante. L’auteure analyse les effets de la réforme, le rôle éducatif déclaré : exaltation du passé glorieux des régiments quand les conscrits vivent ennui, médiocrité et usage de l’alcool considéré comme un stimulant.

L’adaptation de l’armée au service militaire personnel et obligatoire

Dans cette seconde partie l’auteure décrit les évolutions nécessaires de la vie militaire : comment absorber un afflux de jeunes soldats dont le parcours diffère peu de celui de leurs prédécesseurs ? La répartition dans les régiments et les armes, la régionalisation s’accompagnent d’un renforcement de la contrainte militaire.
L’auteure montre la réorganisation de l’armée avec la création des corps d’armée, leur répartition sur le territoire national et les conséquences positives et négatives pour les villes de garnison. Elle détaille l’organisation même de la caserne avec quelques progrès dans le confort.
Un chapitre entier est consacré au conscrit et son vécu : tirage au sort qui conditionne la durée du service, âge au recrutement, le conseil de révision, une affectation de plus en plus régionalisée, le départ et son folklore et l’incorporation.

L’expérience de la caserne

Dans les premières semaines le conscrit parait bien vulnérable, c’est une vie nouvelle sous l’uniforme qui tradition oblige reste voyant et un lourd paquetage. Dès son arrivée il est soumis à un contrôle de compétences : maîtrise de la langue et du calcul puis à la formation militaire.
L’auteure recherche dans quelle mesure le jeune conscrit sort transformé de son expérience militaire. La soumission à l’autorité marque profondément l’attitude de ces jeunes adultes. L’auteure décrit longuement la discipline au quotidien, les punitions, les formes de l’exercice de l’autorité par les officiers. La vie de caserne c’est aussi une sociabilité particulière dans cet univers masculin : valeur du groupe, esprit de corps.

L’ouvrage est une exploration des représentations confrontées aux réalités grâce au croisement des sources.