« La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. » Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791

Olympe de Gouges est surtout connue pour sa participation active aux événements de la Révolution française. Pourtant, elle a été un esprit libre, libertin et bouillonnant avant 1789. Femme de lettre, elle côtoie des proches des philosophes des lumières et contribue à forger des revendications pour la reconnaissance des droits des femmes. D’ailleurs, ce roman graphique ne s’y trompe pas : les 2/3 de l’ouvrage sont consacrés au début de son existence et à la construction de sa personnalité et de ses idées. Catel Muller pour le dessin et José-Louis Boquet pour le scénario ont conçu une BD de presque 500 pages afin de comprendre et d’analyser le destin d’une femme hors du commun, pionnière, très en avance sur son temps.

Une vie romanesque libre et libertine

Née en 1748 dans un milieu bourgeois, d’un père noble qui refuse de la reconnaître, Marie Gouze est mariée à 17 ans, puis mère et veuve à 18 ans. Ce destin singulier lui permet de vivre avec son amant et protecteur, Jacques Biétrix de Rozières en refusant de l’épouser. A la fin des années 70, devenu parisien, le couple fréquente les milieux intellectuels et certains salons. Sous un nouveau nom, Olympe de Gouges, la jeune femme rencontre ainsi le duc de Chartres, futur Philippe d’Orléans, Benjamin Franklin et Condorcet. En 1780, elle monte sa propre troupe de théâtre et fait jouer ses pièces dont Zamor et Mirza ou l’heureux naufrage, un écrit contre l’esclavage. En 1788, sont publiés trois volumes des Œuvres d’Olympe de Gouges qui sont dédiés au duc d’Orléans. L’écrivaine adhère ensuite à la Société des amis des Noirs créée par Brissot, aux côtés de Mirabeau, Lafayette, Pétion et l’abbé Grégoire. Quand la Révolution se met en marche, Olympe de Gouges rédige de nombreuses brochures politiques où elle milite contre l’esclavage et pour le divorce. Elle prend d’abord position pour une monarchie modérée puis pour la République. Elle revendique même, inconcevable pour l’époque, le droit de vote pour les femmes ce qui la conduit à rédiger sa fameuse déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (reproduite pages 334 – 335) qui lui a valu tant de railleries.

Un roman graphique dense, documenté et efficace

Suivre la vie de cette femme s’avère une lecture passionnante et cette bande dessinée constitue un bon médium pour s’y intéresser. Femme engagée et fille des lumières, Olympe de Gouges témoigne et écrit sur les principaux acteurs de la Révolution française. Le graphisme simple en noir et blanc s’adapte bien au récit. Les dialogues sont parfois trop présents et les personnages secondaires un peu nombreux ce qui peine à faire ressortir la personnalité de l’héroïne. Le rythme de la première moitié de la BD est un peu lent, puis il s’accélère à partir de 1788. La compréhension de cette deuxième partie nécessite une bonne connaissance des événements révolutionnaires afin de saisir les risques pris par les positions d’Olympe de Gouges.

On peut souligner un parti pris intéressant. Le roman graphique est complété par une chronologie détaillée des événements historiques en lien avec la vie de l’héroïne. Des notices biographiques des personnages du roman, accompagnées de portraits, sont suivies d’une copieuse bibliographie.