« Au chacun pour soi et à la compétition, il faut préférer la solidarité et la coopération » : voici résumée la conviction profonde que porte cet ouvrage écrit par quatre auteurs.

Un fort ancrage dans les pratiques

Il appartient à la collection « Pédagogies » dont l’objectif est rappelons-le de « proposer des oeuvres de référence associant réflexion théorique et souci de l’instrumentation pratique ». Une bibliographie est proposée pour aller plus loin. Cet ancrage dans le quotidien se retrouve, par exemple, avec une boite à outils sous forme de QR codes à scanner et qui renvoient vers des pages dédiées sur le site d’ESF. La liste de ces bonus est proposée dans la table des matières. L’ouvrage est donc le fruit du travail et de la réflexion d’acteurs de terrain. L’objectif est de partager leur expérience mais pour autant « ne pas en faire un simple récit de pratique ». Le livre est structuré en neuf chapitres. A la fin de chaque partie on trouve une synthèse de ce qui vient d’être dit.

Pourquoi faire évoluer la pédagogie au collège et comment ?

Les auteurs commencent par un état des lieux, désormais bien connu, en insistant sur les inégalités profondes, qui sont d’ailleurs ressenties fortement par les élèves comme le montrent plusieurs enquêtes. C’est notamment ce constat qui a décidé Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy, Yasmine Vasseur à essayer de faire autrement. Ils mettent l’accent sur la lutte contre le décrochage et insistent sur la persévérance scolaire, notion venue du Québec.
Le constat posé, le deuxième chapitre explique ce que sont les classes coopératives. Un nécessaire regard rétrospectif permet de montrer que les pédagogies coopératives n’ont rien d’une absolue nouveauté. Si l’idée séduit en primaire, c’est souvent moins vrai dans la secondaire. C’est surtout une autre idée de l’école et de la société. Les auteurs s’appuient sur un certain nombre d’études pour souligner que l’hétérogénéité des élèves doit être vue comme un levier et non une contrainte. On est gré aux auteurs de proposer ensuite une liste possible d’activités qui permettent de mettre en pratique cette idée de la coopération.

Une évaluation au service du progrès de chacun

L’évaluation constitue évidemment un point essentiel et les travaux d’Anne Barrère montrent qu’elle est souvent vécue par les enseignants comme « rébarbative et potentiellement envahissante ». On trouve un récapitulatif de ce que doit être une réelle évaluation pour les apprentissages et les auteurs n’éludent pas la question des notes. En quelques arguments, ils soulignent toute leur relativité. Ils proposent le système des ceintures pour les remplacer et en donnent des exemples. Il n’y a pas de dogmatisme de leur part et ils parlent également du système des badges, des feuilles ou encore de défis personnalisés. C’est d’ailleurs l’objet du chapitre suivant avec là aussi des exemples très concrets, fruits de leur expérience. On apprécie particulièrement les idées proposées autour de la trace écrite avec l’exemple de celle qui invite à « varier la trace écrite en histoire-géographie ». Il peut s’agir, par exemple, de faire rédiger un résumé avec une liste de mots fournis, de choisir le bon résumé parmi plusieurs ou, plus ambitieux sans doute, de réaliser collectivement un film type Photo Story.

Coopération et situations d’apprentissage

« La coopération se caractérise à la fois par de l’aide dans les temps de travail individualisé et par du travail collaboratif pour réaliser l’ensemble des tâches et du travail interclasse ». On ressent à plusieurs reprises l’influence des travaux de Sylvain Connac avec d’utiles fiches sur le tutorat entre élèves. Les auteurs développent aussi le cas d’un travail de groupes avec des élèves experts. Les propositions sont variées allant même jusqu’aux escape game. Ils traitent également d’autres façons d’envisager les relations avec les élèves avec le conseil coopératif et détaillent aussi sept facteurs pour agir sur le climat scolaire. « Les classes coopératives sont des structures qui peuvent s’ouvrir vers l’extérieur. Cela se fait en partie par deux vecteurs : la publication et la correspondance ». Cela peut aussi se traduire par un blog, ou encore à travailler la géométrie avec Twitter. Ils n’éludent pas les questions actuelles et pratiques comme l’usage des réseaux sociaux à l’école.

Rituels et évènements pour s’exprimer

Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy, Yasmine Vasseur abordent ensuite les rituels de classe et leur importance. Celui-ci peut prendre la forme du « Quoi de neuf? », temps durant lequel un élève peut s’exprimer sur un sujet de son choix. Ils évoquent également les recherches libres en mathématiques. On apprécie aussi le rituel des questions flashs ou encore la fonction de rapporteur de séance, façon intelligente de procéder à un rappel de cours. L’élève doit ainsi répondre à ces deux questions : «  Qu’a-t-on fait la fois précédente ? Qu’avons nous appris ? ». Il n’est pas toujours facile pour lui de faire la distinction entre les deux. C’est l’occasion pour l’enseignant de relever d’éventuels malentendus.

Les classes coopératives et le travail collectif

Les auteurs insistent sur le nécessaire travail d’équipe car il faut créer ce collectif, condition indispensable de la réussite du projet. Certaines modalités peuvent être compliquées à mettre en place, comme la co-présence en classe, mais on peut déjà commencer plus modestement par l’observation d’autres collègues. Dans cette partie de l’ouvrage, les auteurs donnent une grande place aux témoignages qui forment autant d’éclairages intéressants sur ce défi.

En conclusion, Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy, Yasmine Vasseur plaident pour « le droit à l’imperfection, le devoir d’avancer ». L’essentiel est de tendre vers des améliorations, d’espérer un effet domino et, finalement, d’être toujours en recherche pour avancer. L’ouvrage se termine par une utile foire aux questions, très pertinente, ce qui permet de revisiter les thèmes de l’ouvrage comme l’organisation du travail, la mise en place d’un projet, ou encore l’évaluation. Ce livre est donc une invitation très séduisante à évoluer, à essayer de faire autrement. Si la formule de l’élève au centre du système a pu parfois paraître creuse à certains, il est vrai qu’on a le sentiment ici que les auteurs placent avant tout l’humain au centre.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.