Noter ? Voilà bien une question lancinante qui fait l’objet, comme le dit l’auteur, d’une « polémique séculaire et qui en même temps frappe par son immobilisme ». Est-il donc possible de faire autrement et de faire de la note quelque chose de constructif comme le suggère le titre ? Le fait d’être omnubilé par celle-ci fait que l’élève finit par considérer l’école « comme une course d’obstacles plutôt qu’un lieu où l’on apprend et progresse »
La lancinante question de la notation
Dans son introduction, Raphaël Pasquini, professeur associé en évaluation scolaire à la Haute Ecole pédagogique du canton de Vaud, pose les bases de la discussion. L’auteur insiste sur sa volonté de croiser apports de la recherche et observations du terrain. Pour commencer, il insiste pour montrer le rapport complexe des enseignants à la note. Elle semble constitutive du métier et, en même temps, ils sont profondément influencés par leur propre histoire quand il s’agit de noter les élèves. Pourtant, sa pratique régulière ne doit pas faire oublier de se poser des questions simples : quels critères ou à quelles fins ?
Contextualiser la question
Ce chapitre dresse un état des lieux dans plusieurs pays francophones. L’auteur constate que la notation est à la fois omniprésente et encadrée. Dans le cas français, une enquête montre que les enseignants utilisent des notes chiffrées pour deux raisons principales : ils les croient plus précises ou ils souhaitent préparer les élèves au système d’évaluation du second degré. Parmi le tour d’horizon des pays, il y a celui de la Suisse où l’éducation y est fortement décentralisée. Pour s’y retrouver, l’auteur propose un tableau récapitulatif des différentes pratiques par canton.
Trois postulats
Après cet état des lieux, Raphael Pasquini propose plusieurs postulats pour reformuler le débat autour de la note. Tout d’abord, il est impératif de redéfinir la finalité de l’évaluation sommative notée car son sens et sa finalité n’est parfois plus perceptible par personne. Ensuite, le problème est moins la note que sa construction. Enfin, le raisonnement pédagogique visant à construire une note référée à l’apprentissage doit notamment passer par une analyse fine du rôle que jouent les échelles et les barêmes de notation dans les pratiques. Tout ceci implique un changement de posture qui commence par la prise de conscience de l’articulation entre l’évaluation sommative et la notation.
Articuler évaluation sommative et notation
Raphaël Pasquini développe deux situations concrètes pour illustrer l’articulation entre évaluation sommative et notation. Il propose le cas d’une épreuve d’allemand et d’une épreuve de français au secondaire. Le livre reproduit les documents et les analyse. Il faut bien mesurer que toute pratique d’évaluation doit être en forte cohérence avec les objectifs, l’enseignement et les taches d’apprentissage proposées aux élèves.
L’alignement curriculaire pour penser la cohérence des démarches d’évaluation
L’auteur met en avant l’idée d’alignement curriculaire. On peut remarquer notamment un très utile tableau qui explique les différences entre des épreuves traditionnelles et des tâches authentiques. Ainsi, dans le premier cas, les épreuves exigent des réponses correctes alors que, dans le second, on insiste sur des productions qualitatives qui demandent des justifications. L’auteur décortique justement ce qu’est une tâche authentique : elle porte par exemple sur des apprentissages clés suffisamment entrainés en classe. Il revient aussi sur la valeur qu’on peut accorder à la notion de point. Il est aussi indispensable de communiquer les critères aux élèves et de formuler des remarques en fonction de ceux-ci.
Trois exemples concrets, détaillés et commentés
Pour faire comprendre ces principes, l’auteur développe trois exemples de situations issues du terrain. Parmi elles, citons celle d’une épreuve de géographie dans le secondaire. Elle est faite pour des élèves de 15 ans et porte sur l’énergie. L’enseignant donne une feuille de consignes de l’épreuve ainsi qu’une grille de critères. Un tableau final analyse les atouts et limites pour une notation cohérente en fonction de l’exercice proposé. Raphaël Pasquini propose ensuite une synthèse à partir de ces trois cas. Il souligne que certains enseignants livrent tels quels les objectifs aux élèves tandis que d’autres leur traduisent. Un critère important est que les tâches proposées soient bien liées aux objectifs. Retenons enfin qu’il est impossible d’évaluer tout ce qu’on a enseigné.
Trois défis supplémentaires à relever
Raphaël Pasquini insiste sur le fait qu’on doit aller vers une notation de et pour l’apprentissage. Il invite d’abord à questionner les pratiques induites par les examens passés en dehors du cours. Cela risque de transformer l’enseignant en technicien qualifié plutôt qu’en praticien réflexif. Il faut aussi renforcer la formation à l’évaluation et resserrer les liens entre chercheurs et acteurs de terrain. L’auteur développe aussi l’idée de maintenir les élèves dans l’apprentissage. Cela signifie, par exemple, d’aller vers une évaluation par contrat de confiance. Plusieurs principes peuvent sembler de bon sens comme le fait que les élèves ne doivent pas être confrontés à un contenu inédit ou encore qu’il est essentiel d’annoncer des critères.
C’est un ouvrage qui sera utile, notamment au formateur, mais chaque collègue devrait aussi se l’approprier pour se questionner sur sa pratique de la notation.
Un extrait à découvrir ici https://www.pulaval.com/produit/quand-la-note-devient-constructive-evaluer-pour-certifier-et-soutenir-les-apprentissages ainsi qu’une présentation par l’auteur : https://youtu.be/jcRJIb1bG8s
Jean-Pierre Costille