Gaya Wisniewski est Belge. Elle a fait des études d’illustratrice à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles pour devenir professeure de dessin. Pendant longtemps, elle a participé à de nombreux ateliers au Wolf, maison de la littérature jeunesse en Belgique. Après douze ans comme professeure de dessin, elle s’est lancée dans la réalisation d’une livre pour enfants, après un stage auprès de Joanna Concejo. C’est ainsi que sont nés Mon Bison en 2018, chez MeMo, puis Chnourka en 2019, toujours chez MeMo, Papa, écoute-moi ! en juin 2020 et Ours à New-York en novembre 2020, les deux encore et toujours chez MeMo. En parallèle, elle a illustré deux petits romans de Caroline Solé pour l’École des Loisirs : Akita et les grizzlis en 2019 et Thao et le hamö secret en 2020. Depuis 2016, Gaya Wisniewski vit dans le Gers où elle se consacre quasi exclusivement à l’illustration.
Ours à New-York est un grand album entièrement réalisé au fusain et à l’encre de Chine. Cette technique diffère totalement de celle utilisée par l’illustratrice dans ses précédents ouvrages. Le choix de la technique, on le verra, peut s’interpréter de deux manières : il participe de la noirceur des propos tenus dans cette histoire, il permet également de camoufler des formes et notamment celles de cet ours gigantesque qui est le héros de cet album. Le propos central de cet ouvrage se trouve inscrit sur les deux premières pages. Il tient en deux lignes flottant au-dessus des gratte-ciels de Manhattan : « Il existe des villes où l’on a l’impression de flotter. Il s’y trouve des gens qui s’y sentent transparents… ».
Aleksander mène une vie bien monotone : chaque jour les mêmes rues, chaque jour le même travail qui l’ennuie. Un soir, en rentrant chez lui, un immense ours lui bloque le passage et l’interroge sur ses rêves d’enfant. Mais quand on porte un costume et qu’on est sérieux, on n’a pas le temps pour ces choses-là… Dans les premières pages de l’album, Aleksander est difficile à distinguer des autres anonymes qui déambulent dans les rues de New-York. Lorsqu’Ours apparaît, il ne semble apparaître qu’aux yeux d’Alksander. Sa masse de poils parvient à être dissimulée derrière les grands immeubles, les réverbères et les panneaux signalétiques ou publicitaires. Ours apparaît à l’esprit d’Aleksander comme une évidence à laquelle il ne veut se résoudre. Et comme on a souvent besoin d’un plus petit que soi, Ours va faire appel aux souvenirs d’enfance d’Alksander en demandant à sa peluche Foxi de venir l’asticoter.
Pour la première fois, Aleksander est représenté seul et distinctement dans un café en pleine conversation imaginaire avec Foxi. La pièce est vide et sombre, à l’extérieur, derrière les vitres, on devine le « tourbillon de la vie ». Foxi essaie de convaincre son enfant devenu grand qu’il est encore temps de remonter à la surface en saisissant un moment de faiblesse du tourbillon. Aux pages suivantes, Aleksander est représenté à l’écart de la foule qui s’agite à Grand Central. Petit à petit, il prend conscience, du recul et de la hauteur. Et puis Aleksander prend de l’ampleur dans l’histoire et les illustrations : il reprend contact avec sa mère, retrouve ses souvenirs, prend le temps de se retrouver.
Les deux dernières planches, à visée philosophique, renvoient à une réflexion sur la vie, entre montagnes russes et train fantôme. On peut se perdre dans la ville comme dans sa vie. On put y retrouver son chemin si l’on sait regarder, s’arrêter et saisir les « tout petits riens qui nous font devenir ce que l’on voulait être ». Cet album de Gaya Wisniewski est une pépite, un régal pour les yeux et l’esprit. D’une grande fraîcheur, il est un support à méditer, une parenthèse qui ouvre le dialogue entre parents et enfants, dans un monde où l’attention de chacun est chaque jour de plus happée par les images et écrans.