« Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »

« Dites aux Français qu’il reste un homme en Autriche qui ne leur est pas soumis et qu’il porte aucun titre. »

« Si l’art n’élève pas l’homme, s’il ne le libère pas, il ne sert à rien. »

Le 7 mai 1824, Beethoven présente sa 9e symphonie au Kärntnertor de Vienne. Les accords de l’hymne à la joie résonnent alors pour la première fois. Les auditeurs émerveillés savent que le compositeur est atteint de surdité et pourtant il scrute les musiciens comme s’il pouvait les entendre. L’album conçu par Régis Penet, pour le dessin comme le scénario, aborde plusieurs tranches de vie de l’artiste à travers le récit d’Eduard, le fils du prince Alois von Lichnowsky. Ce dernier a été le protecteur de Beethoven. Séduit par le maître, il est devenu un ami et un mécène. Sa femme pianiste, la princesse Maria a mis toute son énergie à exécuter les œuvres de Beethoven.

Le jeune Edouard voue une passion artistique au musicien et cherche à comprendre son processus de création et sa communion avec les éléments de la nature : le déchaînement de l’orage, le bruissement des arbres… L’album se focalise sur un jour d’octobre 1806 où le maître refuse de jouer pour des officiers français, les hôtes du prince mais aussi les envahisseurs de l’Autriche. Alors que la symphonie héroïque est dédiée à Bonaparte, « le défenseur des droits de l’homme », Napoléon est ensuite rejeté pour sa tyrannie. La rupture avec une vie de confort sera le prix de sa liberté.

Imaginer un récit basé sur la narration du jeune homme et les conversations possibles entre eux est habile. Beethoven, le taiseux, se livre ainsi sur son art. Certaines pages sans dialogue sont encore plus  expressives servies par un dessin en dégradé de noir, de gris et de blanc. Les cases inégales permettent différents points de vue intéressants, en extérieur comme dans les intérieurs feutrés des palais. Les gros plans sur les visages, particulièrement remarquables, révèlent les tumultes de l’âme d’un musicien tourmenté, un génie imbu de son talent.

D’une lecture agréable et de belle qualité (une couverture cartonnée avec le dos entoilé), ce roman graphique intègre une préface du pianiste François Frédéric Guy et une playlist en partenariat avec l’Association Beethoven France.