Le début de l’année 2012 (année de la soi-disante fin du monde) est bien le moment où jamais pour sortir un ouvrage intitulé « Paris coule-t-il ? » et imaginer les pires scenarii qui puissent toucher la capitale. Dans ce contexte, il est d’autant plus appréciable de lire un ouvrage de qualité sur un sujet sensible : l’inondation centennale qui pourrait toucher Paris aujourd’hui. Les éditions Fayard publient, sous la direction de Sylvain Kahn, le livre de Magali Reghezza-Zitt inspiré de sa thèse soutenue en 2006 sous la direction d’Yvette Veyret. Cette agrégée et docteure en géographie est maîtresse de conférences à l’ENS Ulm. D’une plume alerte, elle expose, dans un style simple et direct, les risques auxquels est exposée la capitale. Un véritable effort a été fait dans l’écriture pour ne pas s’en tenir à un condensé de thèse qui aurait pu être rébarbatif à lire. L’auteure use de moyens très didactiques pour faire passer son message.
Elle convoque pour cela l’histoire des crues (une soixantaine) et plus particulièrement celle de 1910. Elle explique les probabilités de survenue d’une catastrophe par des moyens imagés (cf. la survenue d’une crue centennale correspond à la probabilité de tirer une boule noire parmi 99 boules blanches et non pas le fait d’une régularité de survenue d’une crue tous les 100 ans). Car si la crue centennale de 1910 se produisait aujourd’hui, les dégâts seraient majeurs. Estimés à 40 milliards d’euros (soit 10 fois plus que la tempête de 1999), l’inondation paralyserait la capitale pendant des semaines (entre trois et cinq semaines), comme elle l’avait fait en 1910. A une différence majeure : les réseaux d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec ceux d’hier et l’endommagement serait proportionnel aux équipements mais aussi aux populations concernées. Au-delà de la description de l’inondation, Magali Reghezza-Zitt décortique les éléments à l’origine de cette crue en mobilisant des connaissances hydrographiques (la Seine et ses affluents), en replaçant l’évènement dans la géographie des risques et des réseaux. « L’inondation représente en effet l’irruption d’une nature indomptée dans une ville occidentale qui est justement l’incarnation matérielle de l’arrachement au naturel par le processus de civilisation. »
L’auteure détaille tous les dispositifs mis en place pour prévenir la catastrophe. Elle montre que malgré les retours sur expériences tirées de crises plus ou moins récentes (tempête de neige à Montréal en 1998, cyclone Katrina en 2005, tempête Xynthia en 2011) et l’arsenal administratif (PPRI, PAPI – programmes d’action de prévention des inondations) existant, la catastrophe sera là. Elle démontre que la gestion d’une catastrophe de cette ampleur doit se faire à l’échelle du bassin versant mais cela reviendrait à inonder certains endroits moins denses pour atténuer le « risque métropolitain ». Mais, « Comment envisager une gestion à l’échelle métropolitaine quand il n’existe pas d’échelon politique métropolitain ? On touche là à la gouvernance de la métropole parisienne. »
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes