Paris, « ville lumière », a toujours fasciné. Aujourd’hui, elle revient sur le devant de la scène avec la communication au grand public des résultats des travaux de 10 équipes d’architectes, mandatées pour réfléchir sur le Grand Paris des années 2020.

La Documentation Photographique consacre un numéro luxueux à la capitale. Concocté par Youri Carbonnier, maître de conférence en histoire moderne à l’Université d’Artois, ce numéro est à mi-chemin entre l’histoire et la géographie.

Il s’agit d’une géohistoire. Par géohistoire, on peut entendre, d’après la définition donnée par Christian Grataloup dans le dictionnaire de Lévy et Lussault, « l’étude géographique, spatialisée si l’on veut, des processus historiques, via une mobilisation des outils et des approches du géographe, pour insister sur la localisation des phénomènes socioculturels et politiques en tant que « dimension fondamentale de leur logique même » ».

Il s’agit pour Carbonnier de revenir sur le sort de cette ville au cours des 2000 ans passés, basé sur une géographie particulière (celle d’un fleuve parsemée d’îles et de méandres, site à l’origine de son développement) afin de réfléchir sur son développement actuel et sur la place qu’elle a à tenir face à d’autres métropoles comme Londres.

Dans le même temps, la Documentation Française consacre sa revue en ligne : Grande Europe, revue d’actualité, politique, économique et sociale sur les pays du continent européen à un dossier sur le « Temps des capitales » (N°7, avril 2009). Une lecture à faire de concert avec celle de la Documentation Photographique.

Carbonnier consacre un premier temps du « Point Sur » à l’analyse de la place de la Seine, soit du site, dans l’histoire de la ville. La présence du fleuve est essentielle dans le choix du lieu par les populations dès le V° millénaire avant JC. Elle est un axe de communication important pour le transport des marchandises mais aussi comme réserve piscicole. Si la Seine joue aujourd’hui un rôle moindre (ne pas négliger malgré tout le rôle du port autonome de Paris), le risque inondation n’est pas éliminé malgré les aménagements faits en amont (barrages sur l’Yonne, la Marne, l’Aube) pour éviter le remake de la crue de 1910. Dans un deuxième temps, l’auteur analyse la place de Paris comme capitale de la France et métropole mondiale. Les lieux de pouvoir, cartographiés page 6, permettent de rendre compte du rayonnement de Paris : administration, ministères, institutions politiques nationales symbolisent le poids de la ville en tant que capitale de la France. La présence d’institutions internationales (UNESCO, OCDE) témoigne de l’importance de la ville au niveau international. Il apparaît à ce moment du texte que ; l’auteur, qui n’a pas pris la peine de définir son objet ; considère que Paris se limite au Paris intra-muros (celui des 20 arrondissements). La banlieue est exclue du sujet. Retenant de telles limites géographiques, force est de constater que la gentrification de la population (tableau statistique à l’appui, page 7) est bien en marche, en dépit de la forte concentration d’une population étrangère à la situation précaire. Il faut attendre la dernière partie de la présentation « Une agglomération en marche » pour que l’auteur prenne en compte Paris, sa banlieue et ses franges. Sa conclusion soulève d’ailleurs la question des limites sur lesquelles on aurait aimé en savoir plus.

La partie « Thèmes et documents » ne reprend pas exactement le plan de la première partie de l’ouvrage. Chronologiques, les parties « La construction d’une capitale » et « évolution et contraintes » rassemblent des documents montrant l’évolution historique de la ville. C’est à la fin de cette partie que l’on trouve deux fiches cruciales pour la lectrice restée sur la faim à l’issue de la lecture du « Point Sur ». Ces deux fiches et plus particulièrement celle intitulée « Vers un grand Paris ? » s’interrogent sur les limites à retenir pour cet ensemble. L’extrait du texte de Frédéric Gilli est d’une lecture aisée pour des élèves de lycée. En revanche, l’extrait du Rapport d’observation de la décentralisation sur les perspectives d’évolution institutionnelle du Grand Paris l’est beaucoup moins et il sera nécessaire de trouver autre chose pour travailler le sujet en classe.

« Le rayonnement de Paris » adopte lui aussi une optique historique puisque la moitié des documents le sont (dont l’intéressante affiche signée René Péan « Tout le monde à Paris » qui, tout en vantant l’exposition universelle de 1900, occulte la présence de la Tour Eiffel). Cette dernière est facilement utilisable en classe de première générale et technologique, notamment.

La dernière partie des documents est consacrée au thème « Vivre à Paris ». Le professeur pourra aisément « faire son marché » dans le corpus de documents proposés pour construire un travail sur le thème des Dynamiques urbaines en classe de Seconde. La fiche sur « Les déplacements », dont la problématique des mobilités peut être efficacement étudiée en classe de collège ou de lycée, déçoit. Il faut se contenter du plan du métro et du RER (facilement accessible sur internet) pour étudier les mobilités ! Les cartes réalisées par Martine Berger (Les périurbains de Paris. CNRS Editions, 2004) auraient pu apporter une véritable plus value au volume et permettre de soulever la question des limites de la Région Capitale.

Alléchant, ce numéro de la Documentation Photographique laisse le géographe sur sa faim. Pour aller plus loin sur le débat concernant le Grand Paris, un tour du côté de la Colline de Chaillot et de la Cité du Patrimoine et de l’Architecture s’impose.

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