Les éditions Ysec, de Louviers (Eure), « maison d’édition spécialisée dans l’Histoire et le patrimoine » comme cela est indiqué, ont lancé une nouvelle revue d’Histoire. Le sous-titre est important, car il élargit considérablement le champ d’investigation des auteurs, qui débordent largement la période commençant avec la mise-mise de Rome sur les régions définies comme les Gaules. On voit d’ailleurs qu’une ouverture vers le Bas Moyen Âge est offerte. Le cadre géographique n’est pas précisé, mais les trois premiers numéros montrent qu’il correspond à l’actuel espace français.
Le directeur de la revue (et des éditions Ysec) a écrit de nombreux ouvrages concernant les guerres mondiales mais aussi l’époque gallo-romaine, son thème de prédilection semblant être l’aspect militaire des choses. Toutefois, il ne faut pas en faire un a priori pour « Pax Romana ». En effet, les sujets du n° 3 sont bien plus éclectiques.
On y trouve d’abord un dossier important sur « Jules César en Gaule ». Le titre de la page 46 précise qu’il s’agit d’une première partie : la seconde est prévue pour le prochain numéro. Yves Buffetaut ouvre le dossier par une présentation synthétique de la guerre dite des Gaules et évidemment sur César lui-même, jusqu’en 55. Pour cela, il s’appuie sur l’ouvrage de Christian Goudineau, César et la Gaule (éd. Errance, 1990). Bernard Chambré poursuit le dossier, avec « Les Gaulois selon Jules César », sous-titré « Petit droit d’inventaire de La Guerre des Gaules », occasion de revenir sur une présentation fallacieuse des adversaires de César (à commencer par Vercingétorix) ; on pourra regretter que l’auteur ne s’appuie pas sur les autres auteurs antiques qui ont décrit Galli, Celtae, Keltoi et autres, ce qui aurait permis de mieux montrer les spécificités des observations de César, et de mieux comprendre ce qu’il affirme par une mise en perspective. Cédric Chadburn — le seul à se présenter comme professeur d’Histoire — fait un point sur « La cavalerie germanique dans l’armée de Jules César », dont on apprécie la bibliographique. Thierry Lemaire revient sur la bataille de Gergovie ; il ne faudra s’arrêter sur l’emploi très malheureux du terme de « génocide » appliqué aux massacres perpétrés contre les Éburons (p. 64), car l’article est très documenté.
Bien sûr, le dossier fait la part belle à une approche militaire : difficile de faire autrement. Mais le reste du numéro permettra d’aborder des sujets bien différents. Dans la rubrique « Actualités », on trouvera un compte rendu sur le musée qui doit ouvrir à Narbonne en 2020, dans la ligne de celui qui a ouvert ses portes à Nîmes en juin dernier. On a également des recensions sur des publications récentes (p. 9). Le compte rendu sur l’exposition consacrée à Galien (26 mai au 2 décembre 2018), au musée royal de Mariemont (Belgique), est particulièrement précis, comme le sont également ceux qui traitent de la double exposition sur les Sénons du musée de Sens et de Troyes (bizarrement dissociée dans le numéro), présentant des objets du trésor de Lavau, de celle qui concerne la nécropole romaine de Vannes présentée au musée d’Histoire et d’archéologie de la ville.
On trouvera encore, dans la rubrique « Connaissance de l’Antiquité » (p. 24), trois articles : « Érotisme et mauvais œil chez les Gallo-Romains », « Les Aqueducs en Gaule romaine », et « Le dieu du mois : Janus ». N’oublions pas la recette de la truite à l’argile (p. 38).
Le numéro se conclut par une très intéressante synthèse de Frédéric Kurzawa sur « Martin de Tours, un soldat romain devenu moine et évêque » (p. 76 et suiv.).
Pax Romana s’adresse à un large public, éclairé ou non. Son objectif, tel qu’on le pressent, est d’apporter des éléments culturels sur l’Antiquité reposant à la fois sur des repères familiers au public français (le dossier sur César en est un exemple), et sur des apports historiographiques assez récents. Le recours à l’archéologie expérimentale et aux reconstitutions historiques, pratiquées par des associations de plus en plus nombreuses, est un atout important ; on relève d’ailleurs que la plupart des auteurs font partie de ces structures. Enfin, la revue n’est pas avare de clichés photographiques de très bonne qualité — la couverture en témoigne, qui montre l’évolution d’une troupe sur le terrain du musée des Temps barbares, à Marle (Aisne), sauf erreur de ma part —, qui viennent surtout en illustration, mais dont on peut regretter qu’elles ne soient pas davantage exploitées. En revanche, on ne peut que souligner les choix typographiques, qui facilitent la lecture, et le souci du respect de la langue, ce que beaucoup d’autres publications tentent à négliger.
Quoi qu’il en soit, Pax Romana apparaît comme une revue sans prétention, sérieuse et honnête : les auteurs n’essaient pas de passer pour des spécialistes, mais comme des vulgarisateurs qui pratiquent ce dont ils parlent et sont parfaitement conscients de leurs limites. Quatre-vingt quatre pages pour 9,50 euros : le rapport qualité-prix est très intéressantOn aura peut-être des difficultés à trouver la revue dans les bureaux de presse. Cependant, on peut la commander directement sur le site Internet d’Ysec. Le mieux est encore de s’y abonner….
Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes