Voici un ouvrage avec un nombre de pages réduit mais qui nous permet de poser les jalons d’une Histoire intéressante et peu abordée.
Poètes, artisans, jongleurs
La première partie de cet ouvrage aborde la définition de ce qu’est un troubadour, ainsi que les différentes dénominations usitées durant le Moyen Age.
Un certain nombre d’exemple est donné, tel que celui du duc D’Aquitaine, prince du « Trobar », ou encore des jongleurs. Jongleurs qui pour la plupart sont des personnes déclassées et raillées en public.
Cette première partie permet de contextualiser les mœurs et dresser une typologie des personnes en charge de l’écriture et de la déclamation des trouvères.
La variété des genres de composition
Ci après, vous trouverez la liste des variété des genres de composition que l’on retrouve au Moyen-Age.
- La canso : amour, joie et jeunesse.
- La chanson lyrique romane. : la reverdie.
- La cobla pour le renouveau amoureux
- La pastourelle pour une ambiance plus bucolique
- L’alba « chanson de l’aube » pour la douloureuse séparation des amoureux au matin.
- Les Satiriques sirventès : conçues au XIIe siècle « chanson qui est conçue sous la forme de la contrefaçon ironique ».
- La déploration : le planh qui est une « complainte dans laquelle le poète se lamente et pleure la dame aimée ». Elle concerne autant les chevaliers et les grands du monde que les personnes les plus modestes. L’objectif est de souligner les qualités inhérentes aux personnes célébrées.
Les chemins de l’amour
Le concept d’amour courtois provient du philologue Gaston Paris, au début des années 1880. Avec différents axes traités par l’auteur :
- La dame au centre du cercle.
L’écriture de texte déclamant l’amour met, au centre des préoccupations du troubadour, les figures féminines. La plupart des écrits sont subtils et participent au caractère propre de la littérature médiévale. Certains troubadours utilisent le champ lexical de la transfiguration et du sacré pour décrire l’être aimée.
- Un pesant jeu d’obstacles
Les auteurs tentent d’user de style et de poésie dans leurs écrits afin de se faire remarquer. « chacun doit parvenir à se distinguer des autres. (…) Le don des poètes doit être au service de l’excellence. »Quelques exemples de tensons sont donnés par l’auteur.
- Détournements, parodies, obscénités.
L’amour est sujet à dérision mais aussi à exploitation à des fins triviales. L’auteur expose les différents détournements en s’appuyant sur des exemples du XII et XIIIe siècles.
- Discrètes trobaïritz
Il s’agit « d’une vision aristocratique de l’amour du point de vue de celles qui sont censées être les principales destinatrices. »
- L’amour de la Vierge douce et bonne
« Les thèmes courtois ( l’espérance en l’affection, la source épurée de toute satisfaction, la parfaite beauté du corps virginal, la dame comme Reine des Cieux) sont transposés dans le domaine spirituel d’une lyrique pieuse et fervente. »
Une partie intéressante et richement documentée permettant de saisir les subtilités des chansons des troubadours.
Les troubadours et la guerre
- Bertrand de Boem et ses émules
Il est à l’origine d’un lyrisme guerrier qui lui permet d’élaborer un style idéaliste et coloré. L’auteur cite plusieurs exemples de chevaliers belliqueux et prompts au Verbe.
- La Croisade contre les Albigeois
Elle apparaît dans une canto de 9582 vers composés par Guilhem de Tudèle. L’auteur effectue une analyse détaillée et intéressante de la canso.
- Destination outre-mer
On dénombre 2500 compositions lyriques mais peu de mention des croisades menées en Orient. Encore une fois ce paragraphe est richement documenté avec des exemples dont celui de la chute de Damiette le 30 août 1221.
- Les guerres du Capétien et de sa parenté
Il y a de nombreuses exemples et analyses de chansons des troubadours, au sujet de la lutte entre les Plantagenets et les Capétiens.
Le type de création poétique fait partie de la sociabilité, elle est un témoin spectaculaire d’une culture commune qui rassemble les rois, les princes, les chevaliers et les seigneurs.
Le poète enseignant
Il s’agit ici d’aborder la création d’ensenhamen : un propos didactique visant à donner aux hommes et aux femmes de cour des conseils ou des préceptes en matière de bonnes manières.
- L’héritier de Macabru: Garin le Brun
Vers 1130-v 1156 Co seigneur avec son frère Guilhem de Chateauneuf de Randon dans le Gévaudan. Il est le premier à proposer dans une composition un Enseignement à l’intention d’une domna. Il définit les contours de ce qui s’apparente à une forme de snobisme : la Cortésia. La courtoisie doit conduire sur la voie du raffinement et de la perfection sociale.
- Arnaut-Guilhem de Marsan versus Arnaut de Mareuil
Dans un texte débutant par » Qui veut apprendre un conte », Arnaut-Guilhem de Marsan rédige un traité de bon comportement au sein de la cour de Poitiers au début des années 1170. Au même moment, Arnaut de Mareuil, troubadour du Périgord compose un poème à caractère moral qu’il rédige à l’intention de la cour du jeune Alphonse II d’Aragon. Ce troubadour est moins frivole qu’Arnaud-Guilhem et exhorte son auditoire à respecter Dieu.
- L’instruction courtoise et son contrepied
L’auteur énumère des poètes, dont Gurant de Calaison ou Raimon Vidal de Besalù, rédacteurs d’ensenhamen entre le XII et le XIII e siècle. Ce sont clairement des recueils de courtoisie.
- Les conseils aux princes
Le bon usage de la parole revient comme un leitmotiv dans les propos des troubadours enseignants. Il est un élément central de la courtoisie qui doit s’illustrer par la maîtrise de soi et une forme d’élégance verbale.Entre aphorismes et conseils, les troubadours écrivent pour les Grands de ce monde.
Une société, un cercle
Pour les troubadours, il existe un triangle idéologique : le poème, le mécène et le public.
- Cherche mécènes désespérément
La poésie chantée intègre les principes de la subtile compétition dont la cour est le lieu. La motivation des mécènes est à la fois culturelle et pragmatique. Il n’y a pas que l’appât du gain ou la perspective d’une amélioration matérielle qui jette les troubadours sur les routes.
- La cour, » un parc à barons »
Le troubadour des XII et XIIIe siècles chante bien souvent pour un public aristocratique. A l’image de Gaucelm Faidit, Raimond d’Agout, Raimbaut d’Orange. La cour est un cercle assez composite, le troubadour s’adresse à un auditoire disparate dont il faut capter l’attention.
- Le ciment de l’entre-soi
L’existence du vilain est rassurante, il permet d’évacuer les tensions, sublimer les frustrations des courtisans confinés. Les troubadours façonnent une idéologie de l’exclusion afin de rappeler qu’ils font partis du cercle des élus.
- Contre leș Français et contre les clercs
Les chansons des troubadours sont aussi rédigées dans un esprit de contestation et de récrimination pendant et après la Croisade contre les Albigeois ( 1209-1229). Les troubadours sont témoins d’une société en pleine évolution. La société du Languedoc et de la Provence est confrontée à l’arrivée du pouvoir capétien. Les écrits sont aussi sévères envers les communautés religieuses, notamment les Dominicains.
En guise de conclusion
Le déclin du trobar est dû à la disparition progressive du mécénat aristocratique, touché de plein fouet par les effets désastreux de la Croisade contre les Albigeois et des changements de la société médiévale.
On y trouve également un glossaire.
Ce petit ouvrage, très intéressant, est richement documenté. Il permet d’avoir une vision de ce que produisent les troubadours dans le Sud de la France au XII et au XIIIe siècle.
