« Apprendre à ouvrir l’œil et affuter son esprit critique « .
C’est l’objet de ce livre à destination de la jeunesse.

L’ouvrage est composé de quatre parties avec assez logiquement une première partie qui s’intéresse à situer le phénomène des photographies truquées dans l’histoire. Historiciser le propos est nécessaire pour ne pas croire que ce sont les techniques modernes qui produisent les dérives. Le livre ne comporte pas de bibliographie car tel n’est pas vraiment le propos ici.

De l’image avant tout

Le livre fait forcément la part belle à l’image avec une mise en page agréable. Les auteurs choisissent de donner un premier repère chronologique avec le portrait arrangé de Lincoln. Les cas choisis pour historiciser ne sont pas les plus connus même s’il y en a forcément une de Staline. Plus original est le choix d’évoquer les Etats-Unis, la Commune sous l’angle du pouvoir ou Goebbels avec Hitler.
Les commentaires sont assez courts et auraient presque pu être étoffés car cela donne des pages parfois très, trop aérées.

Que pouvons-nous modifier sur une image ?

Cette deuxième partie est un exercice intéressant avec une photographie de départ et les variations qu’elle peut connaitre. Il s’agit en l’occurrence d’une photographie de la campagne électorale de François Hollande dans une ferme à Laval.
Chaque page qui suit propose donc une variation possible en soulignant en haut ce qu’on peut changer : les couleurs, les contrastes, l’ajout ou l’effacement de personnages. Ce rapide et simple catalogue est assez instructif et peut donner des idées de composition et recomposition à partir d’autres clichés.

Pourquoi modifier une photographie ?

Le livre est vraiment très clair. C’est plutôt bien vu avec une motivation soulignée en haut à gauche de la page accompagnée d’un exemple à chaque fois. Celui-ci est rapidement replacé dans son contexte, puis on a à disposition la photographie ainsi que la retouche. Du sujet le plus people au sujet le plus dramatique, on comprend mieux les motivations. Chacune d’elles est appuyée donc d’exemples, de styles très différents. Ainsi donner ou enlever un sens avec la bague trop voyante de Rachida Dati ou le photomontage de la situation en Syrie pour insister sur les destructions pas assez soulignées par le cliché initial. Les exemples sont récents avec par exemple la situation des chrétiens au Pakistan.
L’ esthétisme est une autre explication du pourquoi des retouches : des fesses de Simone de Beauvoir aux bourrelets disgracieux de Nicolas Sarkozy, en passant par la taille encore plus fine de Kate Middletown. Mais on retouche surtout des images pour des raisons politiques comme le montre l’exemple des pages 68 et 69 avec un drapeau qui ne convient pas au gouvernement chinois.

Agir et réagir

L’ouvrage conduit alors logiquement à s’interroger sur ce que le citoyen peut faire face à ces modifications de l’image. A travers quatre exemples concrets, on voit ce qui peut changer. Une députée britannique est ainsi partie en croisade contre les retouches excessives des photographies de mode, et de jeunes américaines en ont eu marre aussi de ces mêmes images à longueur de journaux.
Mais Photoshop peut être utile de façon inattendue comme le prouve l’initiative de Becci Manson. Emue par les ravages du tsunami au Japon, elle a été particulièrement frappée par la destruction des souvenirs des gens. Certains quittaient leurs maisons en ruines avec un album photos sous le bras. Grâce à un appel sur facebook auprès de gens qui savent utiliser Photoshop, elle a redonné vie à des photographies salies jaunies par les conséquences de la catastrophe.

En à peine plus de 80 pages David Groison et Pierangelique Schouler attirent donc l’attention sur les images qui envahissent notre quotidien. On pourra déplorer que le livre est malgré tout un peu cher, surtout vu son format. Mais autour de questions simples et pourtant essentielles, les auteurs parviennent à faire prendre conscience qu’il n y a pas d’ évidence de l’image.

© Jean-Pierre Costille, Clionautes