En 2015, le site de Hai Long Tun (« le chateau du dragon des mers ») est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Celui, situé dans la province de Guizhou au sud de la Chine, est en fait une petite Cité interdite perchée au sommet d’une colline, construite par un roitelet local en 1257 et détruite en 1600 sous la dynastie Ming.
Suite à ce classement, les autorités locales de la province de Guizhou ont voulu faire de ce site une attraction nationale et internationale. Pour en faire la publicité, ils ont notamment l’idée de demander à un occidental, Thierry Robin, de réaliser une bande dessinée autour de l’histoire de Hai Long Tun.
L’auteur
Thierry Robin est né en 1958. Il se spécialise dans le dessin animé aux Beaux-Arts de Reims avant de publier son premier album de bande dessinée en 1990, Crève, le Malin ! Puis, il entame la saga Rouge de Chine, une épopée d’heroic fantasy imprégnée de réalisme poétique.
Il est notamment le dessinateur de Koblenz, Petit Père Noël, La Teigne, Sex Crimes et Zappa & Tika. Il s’est associé au scénariste Fabien Nury pour donner naissance à La Mort de Staline, Mort au Tsar et Moscou année zéro.
Adepte d’un graphisme dynamique alternant les angles originaux et servi par des couleurs très personnelles, Thierry Robin est aussi un grand voyageur, un admirateur d’art nouveau et un passionné de cinéma muet allemand, en particulier des films de Fritz Lang.
L’histoire
Année 1600. Une procession interminable de paysans, d’artisans et de commerçants, poussés par la peur, se dirige vers la forteresse du roi Yang. Hommes et femmes, vieillards et enfants, tous viennent s’y réfugier afin d’échapper à la redoutable armée de l’empereur Ming, qui s’apprête à mener l’assaut contre la citadelle de Hai long Tun.
Le général Wu est chargé de les accueillir et d’organiser la résistance contre les troupes de l’empereur. Mais, malgré leur courage et leur détermination, les soldats du roi Yang ne pèseront pas lourd face à la puissance militaire de l’empereur.
Pendant ce temps, dans le ciel, un corbeau (la plume noire du titre) commente ces évènements et devise avec une montagne (la pierre rouge du titre) sur la condition humaine, la fragilité de l’existence et les horreurs de la guerre.
Mon avis
Tout d’abord, l’intérêt de cette bande dessinée réside dans sa qualité visuelle. En effet, à force de pleines pages et de doubles pages, il illustre avec beaucoup de minutie la violence des combats mais aussi la citadelle d’Hai Long Tun (ou du moins ce qu’il imagine être cette forteresse en 1600 car de celle-ci il ne reste aujourd’hui que des ruines…). L’utilisation de couleurs désaturées par le coloriste Pan Zhimming ainsi que des traits à l’encre noire par Thierry Robin donnent aussi à cet album à cachet particulier.
Concernant l’histoire, sa construction très linéaire est assez basique et a peu d’originalité. Mais, l’intérêt narratif réside ailleurs. En effet, Thierry Robin s’attache à décrire ce microcosme qui se réfugie sous les remparts de la citadelle : il dépeint un système féodal très inégalitaire où les plus pauvres se serrent la ceinture pour rationner les approvisionnements pendant que les plus riches continuent à ripailler dans leurs palais luxueux. Et, surtout, cette histoire quitte le pur récit de guerre lors des discussions entre le corbeau et la montagne qui font le sel de cet album. Ainsi, à travers ces deux personnages antinomiques (un corbeau cynique et qui peut se déplacer, une montagne immobile et pacifiste), l’auteur nous livre un véritable plaidoyer humaniste.
Enfin, l’intérêt de cet album réside dans sa genèse, racontée par Thierry Robin dans une postface passionnante. En effet, cette œuvre est la toute première bande dessinée commandée par des officiels chinois à un auteur occidental. Mais, apparemment, la version proposée par l’auteur n’était pas vraiment du goût des officiels … l’album mettra 4 ans à sortir en Chine (sans d’ailleurs que Thierry Robin sache vraiment si il s’est bien vendu ou non …) avant d’arriver aujourd’hui en France chez Dargaud. C’est, d’ailleurs cet aspect de la bande dessinée qui peut être intéressant à travailler avec les élèves de Terminale en HGGSP sur le thème du patrimoine et de sa valorisation.