Le nouveau numéro du magasine Polka, consacré à la photographie, est paru.
Le travail du photographe irlandais Richard Mosse fait l’objet d’un premier dossier, assorti d’une interview. Richard Mosse travaille avec des pellicules Aerochrome qui, indique-t-il, ont « le pouvoir de révéler un spectre de couleurs que l’œil humain ne peut pas voir (p.30) ». Il en ressort des séries saisissantes qui ne peuvent qu’interpeller le spectateur. Après des réalisations sur la guerre en Irak (voir la page 29) et dans les Balkans, il s’intéresse à la guerre civile en République démocratique du Congo (pages 24 et 30). Richard Mosse, durant l’entrevue, évoque sa série intitulée Broken Spectre qui s’attache à documenter la destruction de la forêt amazonienne (pages 25, 26, 27 et 28). Projet mêlant vidéo, photographie et création sonore, Broken Spectre est une œuvre engagée qui entend alerter sur le fait qu’il « ne nous reste qu’une génération pour sauver la forêt amazonienne (p.26) ».
Shelby Lee Adams offre ensuite un travail (« Les fantômes de la Grande Dépression » par Thierry Grillet) issu de son ouvrage From the Heads of the Hollers et qui est consacré, sur un long laps de temps (1974-2010), aux habitants des Appalaches qualifiés de « hollers ». Sous l’œil du photographe,et dans un style rappelant celui de Walker Evans ou de Dorothea Lange, se dévoilent des individus vivant dans des zones quasi oubliées.
Le travail que Sebastiao Salgado avait réalisé en 1978 à la cité des 4000 fait l’objet d’une très belle présentation. Invité par des amis communistes de la Courneuve, Sebastiao Salgado produit un reportage d’une grande humanité tout en présentant certains problèmes qui pouvaient exister sur ce territoire constitué de grands ensembles, à l’instar de cette image figurant un toboggan conduisant à une gigantesque poche d’eau stagnante (p.65). L’artiste écrit ainsi (p.65) que « ce qui manquait là-bas ( à la cité des 4000 ndlr), c’était avant tout l’intégration. Le rêve français est un rêve de gauche. La France d’après-guerre, un pays socialisant. La cité des 4000, comme tant d’autres ensembles similaires, n’a pas été construite dans l’esprit de ce rêve. Elle est la matérialisation d’un besoin : loger beaucoup de monde, d’origines différentes, de toute urgence. S’y sont trouvés entassés des rapatriés d’Afrique du Nord, des immigrés et un lumpenprolétariat avec ses déclassés. La mission de l’État français était d’aider, d’accompagner et de porter secours à cette population qui se retrouvait livrée à elle-même, afin de de l’intégrer dans la société. Il ne l’a pas fait ».
Des photos du formidable travail d’Emily Garthwaite sur le fleuve Tigre suivent. Des villes de Mossoul à Fao, la photographe britannique présente les dégâts environnementaux (voir les pages 68-69) subis par ce cours d’eau et évoque les répressions à l’encontre des militants écologistes.
Le photographe italien Alessandro Cinque a enquêté au Pérou sur les conséquences des ravages de l’exploitation minière sur la population andine. Dans des clichés produisant une grande émotion, il dénonce l’effroyable douleur des enfants, des femmes et des hommes, qui ont eu à subir des intoxications gravissimes, entraînant handicaps ou trépas. Son travail a obtenu le Grand Prix photo Terre solidaire.
Les photographies de paysages (sublimes) des photographes italiens Mario Giacomelli et Franco Fontana font également l’objet d’un beau portfolio.
Le numéro comporte encore, entre autres, des articles sur Yevonde (photographe anglaise qui a « démocratisé » la photographie couleur), Trent Parke (pour son ouvrage Monument), Mark Peterson (qui a travaillé sur les groupes d’extrême droite aux États-Unis), Don McCullin (figure majeure du photojournalisme de guerre) et des photographies comme celles de Corentin Fohien intitulées respectivement « Troisième nuit de révolte à Nanterre (p.9) » et « Marche blanche en hommage à Nahel (pages 14-15) » ou de Roman Romokhov qui a pris, le 24 juin 2023, un cliché de la mutinerie des membres du groupe Wagner lors de leur entrée à Rostov-sur-le-Don.
Grégoire Masson