La notion de guerre sainte naît au XIe siècle. Elle est le fruit de la confrontation de deux entités politico-religieuses, la chrétienté d’une part et l’islam de l’autre. Cette notion découle du choc de deux cultures, la chrétienté affirmant avoir reçu mission de gouverner le monde afin d’assurer le salut des fidèles.

Spécialiste des XIe et XIIe siècles et des idéologies guerrières, médiéviste reconnu, directeur de recherches au CNRS, Jean Flori vient de publier aux éditions Perrin Prêcher la croisade (XI –XII siècle). Communication et propagande.

 

Par ailleurs, il y a eu une évolution de la notion de guerre juste vers celle de guerre sainte. La guerre sainte est sanctifiante, elle confère des caractères de sacralité. Il y a eu une influence du « djihad » islamique, qui précède en effet l’apparition de la notion de guerre sainte. Plus tard, la notion d’entrée au paradis qui a fait son apparition.

D’après la doxa, ceux qui sont tués au cours des croisades iront au paradis. Plus prosaïquement, la guerre sainte rétablit les droits spirituels et temporels du Saint Siège. L’intérêt de ce livre, c’est de découvrir et d’étudier les méthodes et arguments qui, au cours des croisades, ont été utilisés par leurs instigateurs et par les prédicateurs de l’époque pour arriver à leur fin.

A cet égard, la doctrine originelle du christianisme a connu d’importantes évolutions. Traditionnellement, le chrétien devait accepter, pour s’élever spirituellement, de subir des persécutions. On parle maintenant de « croisés ». Il faut désormais faire la guerre au nom de Dieu. Les indulgences, promesse d’un paradis futur, font également leur apparition.

Il se dégage une captation idéologique, structurelle et économique de la croisade par la papauté. La croisade devient au fil du temps une véritable institution. Rome essaie de tout contrôler. La généralisation de la prédication de la croix à toute la société chrétienne transforme la croisade en entreprise d’un nouveau genre.

Il y a, selon l’auteur, naissance des premières compagnies d’action. Les dividendes correspondent aux indulgences. La croisade change de statut, elle n’est pas seulement une expédition guerrière. Elle devient une entreprise collective, à laquelle prennent part par procuration tous ceux qui prennent la croix tout en restant chez eux. Le commerce des indulgences ajoute la dimension mercantile à l’affaire.

Dans cet ouvrage, l’auteur décortique de façon éclairante « le storytelling » de la papauté autour des croisades. La lecture de cette enquête d’excellente facture permet de découvrir un autre aspect des croisades et de redécouvrir les liens entre les notions de « djihad » et de « guerre sainte ». Bref, une très bonne lecture qui permet d’éclairer les relations entre la chrétienté et l’islam.

Jean-Paul Fourmont