Certes l’effet était facile et le titre accrocheur. En cette période de rentrée, ce genre d’ouvrage s’inscrit dans l’air du temps. Un peu de dérision, une charge sur l’institution et des témoignages particuliers érigés en exemples généraux. On se retrouve dans les émissions de télé de TF1 ou de France 2 d’ailleurs…

On agite tout ça dans un shaker d’éditeur et le tour est joué ! Avec un peu de promo, il y a de bonnes chances que cet ouvrage cartonne. Et pourtant, ce livre a un goût frais de vin blanc sec bu sur le zinc de l’un de ses bistrots survivants en périphéries urbaines… Celui où les profs trentenaires boivent leur dernier café avant de rejoindre l’univers de l’établissement scolaire où les hasards des mutations les ont fait échouer. Ces garçons et ces filles de la prof academy ont quelques heures de vol à leur actif lorsqu’ils rejoignent la grande maison. (Les policiers parlent dans des termes identiques de leur institution, bien plus petite pourtant que l’éducation nationale). Blessés parfois par la vie, passés par les petits boulots ou une certaine marginalité, ils doivent à des études antérieures et à certaines aptitudes leur réussite à un concours d’enseignement. Malgré les suppressions de postes, l’effet démographique lié au départ à la retraite es baby boomers crée un appel d’air évident. Ils ont pu passer les concours avec succès grâce à ça aussi.

SOS Prof amitié

Les premières affectations c’est un peu comme le loto à la télé après les infos, une grosse boule qui tourne et qui distribue les lauréats selon des critères bien mystérieux dans lesquels la proximité des IUFM joue sans doute un rôle. Et c’est là que commence l’aventure de ces profs qui n’ont plus rien à voir avec leurs aînés… Dans les années 70, la voie royale était toute tracée. Des études brillantes au lycée, un passage sérieux à la fac ou en prépa, un bon Capes et on se retrouvait professeur. Si l’on était méridional, on passait un temps de purgatoire dans une académie du Nord de la Loire avant de « redescendre » dans le Midi dix ans plus tard. Rien à voir aujourd’hui. Les bouleversements démographiques et les mouvements de populations entre territoires, la forte attractivité des régions méridionales… (On appelle ça l’héliotropisme), peut conduire les lauréats des concours à rester dans leurs académies d’origine. Ils y perdent un peu. Cette rupture initiatique, parfois douloureuse faisait partie aussi de la formation.

Désormais, le monde des profs n’échappe pas à ce qui existe ailleurs, dans le monde réel pourrait-on dire. Crises personnelles précoces ou tardives, recompositions familiales ou affectives, ces profs là, on les sent profondément humains parce que les certitudes liées au statut et au savoir ne suffisent plus à leur donner une assise sociale. Dévalorisés au niveau salarial, soumis à des contraintes en matière de réunions et autres, ces « nouveaux profs » sont aussi différents de leurs aînés des trente glorieuses que les caissiers des banques (fonction de confiance), et les caissières de supermarché. (à temps partiel subi).
Iman Bassalah qui a enseigné quelques temps se retrouve en filigrane dans ses personnages dont on ne saura pas dans ce compte rendu s’ils seront nominés ou non pour reprendre la formule du loft et de la star Ac’.

My husband is rich

On parcourt ainsi le quotidien de ces collègues, entre amours contrariés et crises existentielles. Le métier de prof dans tout ça ? La pédagogie ? Accessoire sans doute si l’on sait qu’enseigner c’est d’abord être soi et que ce n’est pas facile tous les jours. Et cela commence par les looks vestimentaires, entre le style Camif et grunge, ou encore cette belle trouvaille tellement vraie quand on y pense : my husband is rich ! C’est vrai que l’éduc. Nat présente quelques avantages, féminisation oblige pour des femmes de cadres sup. ou de médecins qui viennent y trouver une occupation pendant que leur époux travaille 80 heures par semaine ! Et puis, parce que les amours existent dans cet univers, un petit cinq à sept avec un prof de gym peut donner un peu de piquant dans un quotidien un peu morne.
Les histoires défilent alors, celle d’une année scolaire dans ces bahuts de l’hexagone, zones sensibles, ZEP ou collèges ruraux, quartiers chics ou middle class, cette mosaïque des situations sociales amène nos apprentis stars dans tous les états, rarement à l’euphorie il faut dire ! Mais tout est prévu par Iman Bassalah. SOS prof amitié est là pour écouter et prévenir la dépression ! À moins que comme Childéric, prof de philo de 29 ans, on ne trouve quelques tourments dans une passion toxique avec une mère d’élève…

On se prend à les aimer ces jeunes collègues quand on a 25 rentrées scolaires au compteur et qu’on s’est posé économiquement et socialement. Ils forment un petit monde à part, celui de ces collègues un peu décalés, qui vont sans doute muter bientôt et que l’on ne reverra plus, à moins que l’on ne puisse y trouver ces moines soldats de la pédagogie chronophage qui pantoufleront peut-être comme chargés de missions auprès des IPR ou dans un IUFM. Ils manquent un peu ces spécimens dans l’ouvrage, mais peut-être parce qu’ils ne sont pas si nombreux après tout !

© Clionautes – Bruno Modica