Philipp Blom est journaliste et historien allemand, il a fait des études d’histoire et de philosophie à Vienne et à Oxford. Ses travaux historiques portent sur le siècle des Lumières en France. Le présent ouvrage a été publié en allemand en 2017.

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Pour introduire la question centrale de l’ouvrage : Quand le climat change, quelles conséquences sur la société ?, l’auteur interroge la peinture du XVIe siècle. Même si les effets du petit age glaciaire sont mondiaux il concentre son étude sur l’Europe, faute de pouvoir, écrit-il, étudier les effets en Asie.

Sur les causes du phénomène, l’auteur reprend dans le prologue ce qu’en disent les spécialistes, de me pour les conséquences sur l’agriculture et plus largement l’économie pour faire porter sa réflexion sur les conséquences sociales et le ressenti des hommes de l’époque.

« Dieu nous a abandonnés » Europe 1570-1600

Citant les journaux personnels de prêtres qui décrivent les journées très froides de la fin du XVIe siècle, l’auteur montre des sentiments de peur devant l’inhabituel, l’invocation à Dieu dont on craint la colère au moment même des guerres de religion et leur cortège de violences. Le lecteur trouve dans ce premier chapitre beaucoup d’exemples des effets du gel et du dérèglement climatique notamment en Angleterre, en Russie, en Italie. On pourra regretter des affirmations non étayées comme « Nos ancêtres européens étaient alcoolisés pendant une bonne partie de leurs journées » (page 41). Les épisodes de disette ont entraîné des révoltes mais aussi les fantasmes de monde dans les écrits des théologiens et même des manifestations d’hystéries collectives, la persécution des sorcières.
L’auteur montre que face à la « colère divine » la redécouverte des auteurs antiques ouvre vers d’autres explications. Il évoque quelques auteurs, observateurs du climat et des étoiles : David Fabricius, John Dee, Giodano Bruno et Montaigne.

L’âge d’airain

Ce second chapitre est introduit par un personnage Charles de l’Écluse, le botaniste à qui l’on doit l’arrivée des tulipes et sur l’ouverture d’esprit de la ville de Leyde. L’auteur décrit des Pays-Bas lieu à la fois de réflexion et de commerce, montre l’essor d’Amsterdam, de son commerce déjà mondial et les mécanismes de différenciation sociale à partir de l’exemple de Rembrandt.

Autre symbole des évolutions économiques et sociales les enclosures anglaises que l’auteur met en relation avec l’évolution du climat : les mauvaises récoltes de céréales conduisent à la recherche d‘une nouvelle ressource, l’élevage donc des besoins en fourrage et le développement d’une proto-industrie lainière. Il met ainsi en relation le climat, la réorganisation de l’économie rurale et les révoltes et le développement de ce qu’il est convenu d’appeler un pré-capitalisme accompagné du une mentalité « Les Européens furent contraints de trouver des alternatives à un mode de vie qui s’était à peine transformé depuis un millénaire » (page 83). L’auteur développe la corrélation entre nouvelles pratiques agricoles, migrations religieuses et imprimerie, il évoque les progrès de l’alphabétisation notamment dans la bourgeoisie qui a contribué à modifier l’image du monde. Il rappelle aussi que pour les contemporains froid, mauvaises et récoltes et guerres de Trente ans demeurent des fléaux envoyés par Dieu. Un développement sur la bataille de Nördlingen introduit l’idée de la nécessaire réflexion sur les besoins d’un pays en guerre par les premiers penseurs de la science économique et politique, une courte étude sur Descartes comme exemple des nouvelles élites. L’auteur montre comment l’évolution des idées d’un auteur à l’autre (Grotius, Marin Mersenne, Gassendi, Kircher) conduit de la Réforme vers l’esprit des Lumières grâce notamment aux imprimeurs hollandais qui permettaient de contourner la censure par exemple de la France.

Des comètes et autres lumières célestes

Ce sont les peurs irrationnelles autour de la comète de 1680 et les explications publiées par Pierre Bayle aux Pays-Bas qui ouvrent le chapitre. Ces essais sur les comètes entraînent une réflexion sur l’existence de Dieu, l’auteur présente de façon détaillée le Dictionnaire historique et antique de Bayle, publié en 1697, ce qui lui donne l’occasion d’évoquer la communauté juive portugaise exilée à Amsterdam et le plus célèbre d’entre eux Spinoza.

Après une digression sur les Juifs d’Europe central retour à l’hiver 1694 en Europe, ses records de froid (Tamise gelée) et les observations des astronomes comme David Fabricius, dont il a déjà été question au chapitre premier et qui fut le premier à observer les taches solaires, Giovanni Domenica Cassini. Un constat dès le milieu du XVIIIe siècle les premières adaptations au changement climatique voient le jour.

Dans un contexte d’accélération des idées la remise en cause la foi est très présente au moment où la bourgeoisie transforme l’économie elle contribue à la naissance d’une nouvelle culture urbaine illustrée par le portrait de John Locke. Pour l’auteur le mini age glaciaire a imposé un changement radical et a été un moteur de l’innovation.

Épilogue

L’auteur fait ici explicitement un parallèle entre le petit age glaciaire, sa compréhension par les contemporains et l’actuel changement climatique et les réactions de nos sociétés.

La bibliographie qui accompagne l’ouvrage est presque exclusivement en anglais.

Voilà une lecture stimulante même si l’alternance de propos généraux souvent philosophiques et d’exemples particuliers conduit à une réflexion personnelle dont la logique est parfois difficile à suivre.