Le livre s’ouvre par un témoignage, celui de Mehdi Hmoudane, un ancien élève d’Interclass’ aujourd’hui étudiant à Sciences-Po Paris qui raconte tout ce que cette expérience lui a apporté. Ce livre est à la fois le récit de ce programme mis en place depuis 2015, mais il est plus globalement une réflexion sur l’éducation aux médias dans le contexte actuel.

Qu’est-ce qu’Interclass’

Ce projet a une origine : les attentats contre Charlie Hebdo. Sollicités par de nombreux enseignants pour expliquer le métier de journalistes, France Inter a donc imaginé une réponse. C’est un dispositif unique qui a mobilisé plus de 1400 personnes depuis sa création. Avec le recul on mesure combien cette initiative répond au besoin d’un apprentissage citoyen de l’information. Ce livre, au delà du récit d’expérience, s’adresse à toutes celles et tous ceux qui veulent s’en inspirer pour l’adapter à leur façon. La démarche est initialement prévue pour la radio mais est tout à fait transférable.

L’urgence d’une éducation aux médias et à l’information 

Après les attentats contre Charlie Hebdo, l’autre point de départ en quelque sorte d’Interclass’ ce sont les jours qui ont suivi et notamment le slogan « Je suis Charlie ». Assez rapidement est apparu que tout le monde ne partageait pas cette affirmation et dans plusieurs lycées il y a eu des perturbations au moment de la minute de silence programmée. Cela a permis de mesurer la défiance de certains jeunes vis-à-vis des journalistes. Le troisième élément qui a abouti à Interclass’ c’est la rencontre entre France Inter et Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie en Seine Saint-Denis, qui témoigne de la réalité qu’il vit. Il est urgent de faire quelque chose. 

La création d’Interclass’, une méthodologie rigoureuse

 Le premier élément important c’est la durée. Elle est nécessaire pour que se réalisent de réels apprentissages. Interclass’ se calque donc sur l’année scolaire avec des séances de travail toutes les trois semaines environ entre les équipes de France Inter et les élèves. Emmanuel Daviet fournit le schéma type d’une séquence avec présentation du programme du jour, une phase de recherche, de théorisation et d’application notamment. Elle fournit également l’ensemble du calendrier de l’année en précisant les thématiques de chaque rencontre. On trouve aussi le contenu des séances qui ont lieu uniquement en classe, c’est-à-dire sans les journalistes. Cela fournit donc un très utile canevas. Le dispositif a été volontairement ciblé sur les zones d’éducation prioritaires où, globalement, la défiance envers les médias est la plus forte. 

Des apprentis journalistes

Interclass’ décline trois mots-clés : co-construction, exigence et bienveillance. Tout le monde peut s’exprimer, mais à son tour, car en radio si deux personnes parlent en même temps c’est inaudible pour l’auditeur. Chaque classe fournit des reportages et les élèves sont répartis en quatre groupes avec donc des élèves et un journaliste et un enseignant. Cela oblige ce dernier à quitter une certaine zone de confort car dans le domaine des médias, il doit savoir accepter de dire « je ne sais pas ». Le travail de recherche d’informations nécessite l’utilisation de technologies et du numérique. L’objectif est donc de réaliser une émission radio et comme toujours lorsque l’on quitte le cadre classique du cours, certains élèves se révèlent dans ce type d’exercices alors que généralement ils ne brillaient pas forcément en classe. Interclass’ est aussi l’occasion de comprendre comment les jeunes s’informent et de mesurer la défiance initiale envers les journalistes et les médias : « ils nous prennent pour des idiots, …des racailles » sont les reproches parmi les plus formulés. A la fin de l’ouvrage, on trouve des liens vers la saison 2018-2019  ainsi que notamment un entretien avec Iannis Roder.

Responsabilisation et faire ensemble

La grande force du dispositif c’est de mettre en avant le travail collectif. L’objectif est bien de réaliser une émission et, comme le dit l’auteure, « avec eux, c’est-à-dire les élèves, et par eux, jamais sans eux et surtout pas pour nous ». Le livre propose à plusieurs reprises des paroles de  participants et on mesure combien le dispositif est plébiscité par les élèves. Interclass’ peut offrir au delà des aspects citoyens le plaisir d’apprendre autrement. Enseignants et journalistes travaillent de la même façon : pour préparer un cours ou un reportage il faut se documenter, vérifier les informations, choisir, hiérarchiser. On pourrait pointer qu’un tel dispositif ne bénéficie finalement qu’à quelques classes et c’est pour cela qu’aujourd’hui de nombreuses ressources produites au fil des ans sont à disposition sur une plateforme qui rassemble ce qui a été produit en cinq ans. L’objectif maintenant est de le rendre accessible au plus grand nombre. 

Interclass’ un dispositif partenarial

Cette cinquième partie de l’ouvrage revient sur le modèle développé et insiste également sur ses limites. Elles sont de deux ordres : humaines et financières. France Inter n’a pas les moyens de développer un programme d’éducation aux médias et à l’information et s’est donc tourné vers le mécénat. Le dispositif  a aussi besoin de partenaires et à ce titre le Clemi est un acteur essentiel. L’auteure décline ensuite les différents partenaires comme le Fonds du 11 janvier géré par la Fondation de France, l’Institut pratique du journalisme Paris-Dauphine ou la fondation Bettencour-Schueller. 

En conclusion, on retrouve aussi des témoignages mais aussi quelques citations comme cette phrase d’Alfred Sauvy « Bien informés, les hommes sont des citoyens, mal informés, ils deviennent des sujets ». Un dispositif comme Interclass’ s’inscrit parfaitement dans cette logique de faire des élèves de futurs citoyens conscients des enjeux par exemple de l’information. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes

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Jennifer Ghislain pour les Clionautes

Interclass’ est un projet pédagogique de France Inter, né à la suite des attentats de 2015. Des journalistes et des producteurs de la chaîne de radio interviennent, le temps d’une année scolaire, dans des classes de collège et de lycée, dans des zones difficiles, pour apprendre aux élèves la réalisation de reportages.

L’ouvrage repose sur de nombreux témoignages d’anciens élèves, d’enseignants.

L’urgence d’une éducation aux médias et à l’information

Le 7 janvier 2015, jour de l’attentat qui vise la rédaction de Charlie Hebdo et fait 12 victimes, marque une rupture dans l’histoire des médias. Si un régime totalitaire peut menacer, arrêter, assassiner des journalistes, il n’existe pas de précédent au massacre d’une rédaction par des terroristes. Dans les établissements scolaires, beaucoup d’enseignants se sentent démunis. Les réactions chez les élèves oscillent entre compassion et refus de faire la minute de silence décidée par le ministère de l’Education nationale. Dans leur ensemble, ils ne connaissent ni Charlie Hebdo ni le travail des caricaturistes. Certains élèves estiment qu’il est légitime de s’attaquer à des personnes qui ont caricaturé le prophète. Les propos complotistes se développent parmi les élèves. Pour certains élèves, le slogan « Je suis Charlie » s’apparente à un conflit de loyauté entre leur religion et la République. Yannis Roder, enseignant d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis est interviewé sur l’antenne de France Inter. Laurence Bloch, directrice de la station, organise ensuite une réunion avec l’enseignant et la rédaction pour réfléchir à un projet d’éducation des médias, confié à Emmanuelle Daviet.

La création d’Interclass’, une méthodologie rigoureuse

Intrclass’ a l’avantage de constituer un travail d’EMI sur le temps long. Tout au long de l’année, l’équipe de France Inter intervient tous les deux ou trois semaines. Entre chaque intervention, le travail est poursuivi par les enseignants. Les élèves vont aussi sur le terrain, car l’objectif de l’année est la réalisation d’un reportage de 3 minutes 30 à 4 minutes 30, destiné à être diffusé sur l’antenne de France Inter. Chaque établissement réalise une émission de 56 minutes diffusée l’été.

En moyenne, cela représente 40 à 70 h de travail dans l’année. Un calendrier des séances est fourni, suivi de la description détaillée de chaque séance. Les élèves tiennent un journal de bord. Les élèves travaillent par groupes de 5 à 6 élèves.

Des apprentis journalistes

Il s’agit d’abord d’aiguiser l’esprit critique des élèves, de leur apprendre à décrypter une information, de comprendre la nécessité de faire des choix en dégageant un angle journalistique. La prise de parole est centrale, il est donc nécessaire de parler correctement, d’argumenter et d’écouter les autres élèves, dans l’objectif de la réalisation d’une émission à la fin de l’année. Lecture, écriture et expression orale sont essentielles.

L’utilisation du matériel nécessite un apprentissage technique, mais aussi une réflexion sur un usage réfléchi des nouvelles technologies. Les adolescents ont des difficultés à évaluer la fiabilité d’une information, les  « biais de confirmation » les incitent à être plus sensibles à des informations qui confortent leurs préjugés. Les jeunes sont souvent critiques et méfiants envers les journalistes et les chaînes d’information en continu. Elles tiennent paradoxalement une grande place dans l’information qu’ils consultent.

Interclass’, responsabilisation et « faire ensemble »

Les élèves sont responsabilisés. Le projet doit rendre concret leurs apprentissages et leur donner du sens, leur montrer que le savoir scolaire est utile dans le monde du travail. Les élèves sont prioritaires pour faire des stages à France Inter par la suite.

Interclass’, un dispositif partenarial

Différents partenaires permettent la mise à disposition de moyens humains, matériels, financiers et technologiques. Les interventions des journalistes de France Inter et de France Bleu reposent sur un mécénat de compétences. Cela consiste, pour une entreprise, à mettre à disposition un salarié sur son temps de travail pour l’intérêt public.

Parmi les annexes, un lexique du vocabulaire des médias, ainsi qu’une bibliographie peuvent être utile pour préparer des séances d’EMI. S’y ajoutent des témoignages d’enseignants et d’un chef d’établissement.

L’ouvrage donne des pistes pour travailler avec les élèves sur le décryptage et la fabrication de l’information, ainsi que pour mener une pédagogie de projets avec eux.

Emission interclass’ sur le site de France Inter : Ecouter l’émission

Colloque au Collège de France – La démocratie à l’âge de la post vérité :

Programme

Vidéos du colloque

Intervention d’Emmanuelle Daviet

Conférence TEDx de Iannis Roder :

Jennifer Ghislain pour les Clionautes