Dans ce petit ouvrage (93 pages), Jean Tulard, membre de l’Institut, historien du Premier Empire et spécialiste reconnu du cinéma, nous propose un modeste hommage au célèbre duo de comiques : « Il fallait entretenir la flamme du souvenir. C’est la seule prétention de cet ouvrage » peut-on lire en conclusion (p. 89). Leur carrière s’étendit de 1917 (Lucky Dog mais leur vraie carrière en duo commença en 1927) à 1951 (Atoll K, tourné en France en 1950, un terrible navet, de l’aveu même de Jean Tulard), de la MGM pour leurs chefs-d’oeuvre (1927-1939) à la 20th Century Fox après 1941, et du muet au parlant (1928), tournant qu’ils surent habilement négocier en intégrant le son et la voix comme moyens de renouveler leur comique.

Le tandem entre le maigre et le gros, imaginé par le producteur et réalisateur Hal Roach, rencontra en 1933 la célébrité avec le long métrage The Devil’s Brother (Fra Diavolo), adaptation comique de l’opéra d’Auber. Jena Tulard souligne que, depuis 1927, le duo n’a jamais connu d’éclipse sur les écrans français (contrairement à Buster Keaton, Harold Lloyd, Charlie Chaplin et tant d’autres), grâce à la vidéo-cassette, puis au DVD, aux rétrospectives de la Cinémathèque (2000, 2009), à Arte (2011) et à France-Inter qui donna en 2005 dans sa série « Questions pour l’Histoire » une dramatique de 30 mn intitulée « Quand Laurel rencontra Hardy : naissance d’un mythe cinématographique », écrite par Jean Tulard et dont le présent ouvrage publie le texte intégral.

Le duo appartenait à l’école d’Hal Roach (qui l’avait formé), producteur qui privilégiait l’acteur, l’école de Mack Sennett privilégiant le slapstick, burlesque sans temps morts, avec des poursuites, et des bataillons de figurants. Au contraire le style Laurel et Hardy, c’est une idée exploitée jusqu’à épuisement à partir d’une situation incongrue, de l’improvisation, une chute grandiose et entre-temps un comique au ralenti avec une destruction logique et graduelle. Laurel est le gaffeur lunaire et pleurnichard (mais malin) qui provoque la catastrophe. Hardy le notable qui se croit important et intelligent et qui prend les coups. Stan Laurel, de son vrai nom Arthur Stanley Jefferson, citoyen britannique, est la tête pensante, le concepteur des gags, le passionné de cinéma, déjà une vedette lors de la formation du duo en 1926 (il est donc embauché à 100 $ par jour). Oliver Hardy, citoyen américain de Harlem en Géorgie, passionné de golf et de bonne cuisine, à peine connu (embauché à 10$ par jour) se contente d’être comédien. Leur renommée est mondiale : en 1932 leur tournée européenne est un immense succès.Albert Lebrun, le président de la République, leur fournit sa voiture pour une remontée triomphale des Champs-Élysées. Leur tournée de 1947-1948 connait la même réussite, ils sont même reçu à Rome par Pie XII.

Mais c’est un chant du cygne. Laurel et Hardy vieillissent, et d’autres couples rivaux arrivent à Hollywood : Abbott et Costello depuis 1940, Dean Martin et Jerry Lewis en 1949. Laurel tombe malade pendant le tournage d’ Atoll K en 1950, film boycotté par les maccarthystes car John Berry, soupçonné de sympathies communistes, figure au générique. C’est leur dernier film : Laurel est victime d’une crise d’hémiplégie en 1955, Hardy d’une hémorragie cérébrale en 1956. Il meurt en 1957, et Laurel en 1965.

On trouvera dans cet hommage d’un passionné, outre le texte de la dramatique radiophonique, une chronologie du duo et de leurs rivaux dans le burlesque, une précieuse filmographie commentée ( individuelle et en duo) et une bibliographie. L’ouvrage rendra sans doute de précieux services aux collègues titulaires de la certification cinéma qui enseignent l’option CAV, et intéressera bien sûr les collègues cinéphiles ou curieux de ce pan important de l’histoire du cinéma.

Laurent Gayme

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