Charlotte Chastel-Rousseau est conservatrice de la peinture espagnole et portugaise au département des Peintures du Musée du Louvre. Elle est commissaire associée de l’exposition « Greco » aux Galeries Nationales du Grand Palais à Paris.
Ce carnet d’expo, de petit format, orné de dépliants, édité dans la collection Découvertes chez Gallimard, s’ouvre sur un immense chef-d’œuvre, une peinture sur toile de la Pietà (1580-1590) venant d’une collection particulière. Greco a composé ce drame avec un grand sens de la monumentalité et de la valeur expressive des couleurs, mais il s’attache aussi à des détails très émouvants, comme le visage penché de Joseph d’Arimathie ou le geste de Marie-Madeleine qui tient la main du Christ mort. Nous voilà plongés dans l’univers sensible du peintre. Cet ouvrage divisé en 10 parties reprend certains thèmes de l’exposition qui est à la fois chronologique et thématique.

Pietà
1580-1590
huile sur toile
121 x 155,8 x 2,5 cm
collection particulière
© collection
GRECO, l’invention d’un nouveau langage
Domenikos Theotokópoulos (1541-1614) dit Le Greco, est né en Crète, alors sous domination vénitienne. Des découvertes récentes ont montré qu’il a reçu une formation pour devenir maître peintre d’icônes alors qu’il vivait dans un milieu familial modeste. A 25 ans, il entreprend un périple d’une dizaine d’années à partir de Venise, puis Parme, Rome, Madrid pour s’établir à Tolède en 1577, capitale ecclésiastique et centre culturel de la Castille. A Venise, il découvre la couleur, la peinture à l’huile
Le cardinal Farnèse l’accueille un temps à Rome où il rencontre des artistes et des écrivains humanistes, au moment des débats de la Contre-Réforme au sujet du rôle des images. Le Greco peut parfaire ses connaissances sur la Renaissance tout en se confrontant à la puissance expressive d’un Michel-Ange mort depuis peu. Il aurait proposé de repeindre la chapelle Sixtine, ce qui l’aurait exclu du monde romain.
A la recherche d’un riche commanditaire, il part en Espagne tenter sa chance près 
A Tolède, siège de l’inquisition espagnole et de centaines de monastères, les commandes affluent : des portraits privés ou des retables de grand format. Il est à la fois admiré et critiqué pour ses images « peu orthodoxes ». Son ultime manière évolue dans un style particulier, des figures longilignes cernées de noir, une palette plus froide ponctuée de touches lumineuses surnaturelles et des draperies maniéristes à l’extrême qui ne s’adaptent plus aux personnages mais virevoltent sur des rehauts de gris. Les recherches sur le corpus de ses œuvres (environ 300 dont 75 sont exposées à Paris, toujours signées en grec) prouvent une évolution radicale de son style, de ses tableaux crétois de jeunesse à ses dernières commandes achevées par son fils après sa mort à Tolède en 1614. Les copies de plusieurs de ses tableaux confirment sa réputation. Il est considéré comme le dernier épigone maniériste de la Renaissance, mais aussi le premier maître du Siècle d’or espagnol. L’exploration de son importante bibliothèque, dont certains livres sont annotés de sa main, permet de comprendre ses idées artistiques et le statut qu’il confère à l’artiste.
Le Greco a profondément marqué l’histoire de la peinture en faisant la synthèse de styles très différents rencontrés lors de ses voyages tout en développant une manière très personnelle et cohérente. Il est le seul peintre de la Renaissance reconnaissable en un seul coup d’œil. Ses recherches successives montrent une quête effrénée de solutions plastiques qui lui permet de créer un langage pictural personnel, sensuel et coloré. Première rétrospective de cet artiste en France, cette exposition a pour ambition de montrer la variété et l’amplitude du travail du Greco. Ce carnet d’expo, fidèle à son format, explicite parfaitement, grâce aux détails des dépliants, cet artiste si particulier source indéniable d’inspiration du maître espagnol, Vélasquez.



