Dans sa nouvelle livraison, le magazine « Problèmes économiques » consacre son dossier central aux objectifs pour le développement après 2015. Parmi les revues qui forment l’ossature, il y a « Finances et Développement », « Foreign Affairs » ou encore « Project Syndicate ». A ces éclairages internationaux s’ajoutent des références françaises comme « Futuribles » ou « la lettre du Cepii ». Alors que l’assemblée générale des Nations Unies vient de s’achever, il est donc opportun de faire le point sur cet enjeu crucial.

Un bilan des objectifs du Millénaire pour le Développement…
Le premier article dresse un bilan des objectifs du Millénaire pour le Développement au moment et se projette pour les quinze ans qui viennent. Le bilan est plus contrasté et moins négatif que ce que l’on peut penser a priori. Les deux succès majeurs concernent le recul de la mortalité infantile et celui de la pauvreté absolue. Charles Kenny, l’auteur de l’article, relativise néanmoins de suite cette réalité flatteuse en précisant bien que c’est la croissance chinoise qui est l’explication majeure de cette amélioration. Il cherche ensuite à pointer les responsabilités en distinguant l’action des acteurs, le rôle de l’aide publique au développement, du commerce mondial et des migrations. A travers quelques exemples, il illustre chacune de ces explications possibles. Il faut de toutes façons rester vigilant car l’article s’interroge aussi pour savoir si on n’a pas fait le plus facile. Il faut donc réussir à convertir ces bons indicateurs en progrès durable. Une infographie résume ensuite les objectifs 2015 et ceux de 2030. Quels sont d’ailleurs ces objectifs de 2030 ? Il faut bien se souvenir que le monde en développement produira bientôt les deux tiers des émissions annuelles de gaz carbonique.

….et de nouveaux pour 2030

Le deuxième article s’articule parfaitement à cette analyse et insiste sur la nécessité de choisir des objectifs plus réalistes pour 2030. Pour cela, il faut d’abord se livrer à un inventaire critique des objectifs de 2000. Bjorn Lomborg rappelle qu’il y avait alors des absences criantes sur l’environnement. En effet, il aurait fallu prendre en compte des réalités comme le fait que trois milliards de personnes se chauffent et cuisinent grâce à des feux de bois mort. Mais l’article se révèle surtout passionnant quand il examine les nouveaux objectifs avec un principe simple, mais décisif : quelles sont les améliorations à promouvoir et qui sont les plus efficaces et les moins chères ? Pour aider à la décision des politiques, le Copenhagen Consensus Center procède par un système de pastilles de couleurs pour signaler les pratiques vertueuses et pointer les autres. Une action très positive est la lutte contre le paludisme qui coûte relativement peu cher pour un bénéfice qui touche beaucoup de monde. Avec 10 000 dollars, on sauve une vie liée au VIH, mais 10 atteints du paludisme.

Apprendre du passé et ne pas négliger les nouveautés

Un article revient sur « 60 ans d’économie du développement » et cherche à tirer les leçons du passé. Parmi les bonnes pratiques, il faut avoir en tête que « les objectifs du développement économique sont devenus de plus en plus multidimensionnels ». Autre point fondamental qu’il est bon de réaffirmer : il existe une multiplicité de chemins spécifiques pour réussir le développement. Parmi les autres aspects essentiels, l’article de « la Revue d’économie » insiste sur le rôle de l’Etat, idée reprise et développée à sa façon par l’article suivant. Ce dernier est consacré à une discussion autour du livre de D. Acemoglu et J. Robinson où les deux auteurs jugent que «  le facteur essentiel pour garantir un développement économique pérenne est l’existence d’institutions politiques inclusives ». Un dernier article du dossier se focalise sur le big data en soulignant qu’il s’agit d’une « arme pour le développement ». A travers quelques exemples concrets, Jeffrey D Sachs cerne lui aussi à sa façon les bonnes pratiques à développer. Les big data peuvent servir dans les politiques de développement. En effet, utiliser les données des téléphones portables à Abidjan peut permettre par exemple d’optimiser la gestion du réseau de bus de la ville.

Exporter, conflictualité et austérité

Ces trois termes résument l’éventail des autres contributions de ce numéro. « La Lettre du Cepii » pointe un phénomène qui veut qu’une hausse des exportations entraîne un accroissement des ventes domestiques, mais qu’une baisse les réduit dans les mêmes proportions. L’article sur « les mutations des conflits du travail en France » remet en cause plusieurs idées reçues et notamment sur une certaine radicalité française. En effet, « certains types de conflits bénéficient plus que d’autres d’une forte visibilité médiatique ». Cet article pose aussi toute la question de la fiabilité et de la précision des indicateurs qui permettent de comptabiliser des phénomènes comme la grève. L’article creuse ce sillon en expliquant que la médiatisation de tel ou tel conflit agit comme un prisme déformant. Un dernier article est une contribution d’Amartya Sen où il se livre à une réflexion sur la question de l’austérité en prenant comme point d’appui des réflexions de Keynes, il y a près d’un siècle.

Comme d’habitude, et tant mieux, la revue « Problèmes économiques » propose des éclairages et des actualisations sur des questions qui sont au cœur de nos enseignements. On signalera ainsi dans cette livraison, au-delà du dossier central, une double page intitulée « Vrais et faux espoirs du développement en Afrique : le cas des transports » qui pourra servir en géographie en terminale sur les défis du développement. De la même façon, l’article sur les conflits du travail en France offrira un éclairage intéressant pour aborder « Gouverner la France ».

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes