Voici le premier opus de la nouvelle série La couronne de France consacrée à la royauté et à la construction de l’édifice monarchique de 1165 à 1774. Les Éditions Delcourt proposent de découper cette période en 5 tomes, chacun relatant deux règnes de souverains ayant marqué de leur empreinte l’histoire de notre pays. Ce premier volume couvre la période 1165 à 1314, il débute à la naissance de Philippe II Auguste et se poursuit avec le règne de Philippe IV le Bel. L’objet est beau, la couverture étant particulièrement réussie, et il est volumineux, près de 110 pages accompagnées d’un court dossier historique.
Résumer l’existence d’un souverain à la vie et au règne bien remplis en une cinquantaine de pages n’est jamais chose aisée en bande dessinée. Le scenario est bien ficelé et il réussit à ne pas ennuyer le lecteur malgré la succession rapide des évènements. Le personnage énigmatique du charbonnier permet de créer du lien entre les deux règnes. Il faut dire que les Éditions Delcourt ont confié ce premier volume à l’auteur déjà confirmé Jean-Pierre Pécau, bien connu pour les séries L’Histoire secrète et Jour J. Les dessins sont soignés et accompagnent parfaitement le récit.

Philippe II Auguste (1165-1223)

Dans cette première partie, Jean-Pierre Pécau est accompagné de Milan Jovanovic au dessin. Elle débute à la naissance de Philippe II Auguste qui fut le premier à se doter du titre de Rex Franciae, « Roi de France » au lieu de Rex Francorum, « Roi des Francs ». Au fil des pages, des éléments significatifs quant à la construction de l’État monarchique sont évoqués :
  • l’affirmation du pouvoir royal face aux puissants vassaux que sont les grands seigneurs, du royaume comme le comte de Flandre ou le roi d’Angleterre. Philippe-Auguste est sacré à l’âge de 15 ans du vivant de son père, le roi Louis VII, alors âgé de 60 ans car il est encore nécessaire d’affirmer la continuité dynastique capétienne et de contrer les ambitions des barons. A la fin du règne de Philippe-Auguste, le pouvoir royal s’est affirmé et le domaine royal a considérablement augmenté.
  • la participation du roi de France à la troisième croisade qui le mènera jusqu’à Acre aux côtés de Richard Cœur de Lion. Il laisse finalement ce dernier se couvrir de gloire en terre sainte et revient en son royaume afin de gérer les affaires de succession (mort d’Isabelle de Hainaut et du comte de Flandre)
  • les guerres victorieuses. Contre les Anglais, face à Richard Cœur de Lion qui mourra sous les murs du château de Châlus puis contre son frère Jean sans Terre. Contre le Saint-Empire allemand d’Othon qui se termine par le succès de Bouvines, le dimanche 27 juillet 1214. Ce « dimanche de Bouvines » s‘inscrira au XIXe siècle dans le roman national qui le célébra comme un mythe fondateur de la nation française.

Philippe IV le Bel (1285-1314)

Jean-Pierre Pécau, accompagné de Fabrizio Faina et de Marco Pizi au dessin, poursuit avec le règne de Philippe le Bel qui devient roi à 17 ans à la mort de son père Philippe III. Dans cette seconde partie, l’auteur insiste plus particulièrement sur :
  • les liens entre Philippe IV et la papauté. Dès son accession au pouvoir, il abandonne la politique pro-papale de son père et renonce donc à la conquête du royaume d’Aragon. Plus tard, c’est avec le pape Boniface VIII qu’il se querelle jusqu’à être menacé d’excommunication. L’incident d’Anagni n’aura pas de conséquences directes du fait de la mort du souverain pontife un mois plus tard.
  • l’élaboration d’une fiscalité « moderne ». Afin, notamment de financer la guerre, il est nécessaire de remplir les caisses du royaume. Pour cela, Philippe n’hésite pas à taxer les prêteurs lombards et l’Église ainsi qu’à spolier et expulser les juifs du royaume. Le lecteur comprend ici que Philippe IV est en train d’inventer le principe de l’impôt, les sujets devant désormais participer aux dépenses qui ne reposent plus uniquement sur les ressources issues du revenu des terres royales.
  • l’importance des « légistes » autour de la personne du roi. Ces conseillers, spécialistes du droit, procurent les armes juridiques à Philippe IV afin d’affirmer son autorité sur ses vassaux ainsi que son indépendance vis-vis du pape et de l’empereur. Guillaume de Nogaret et Enguerrrand de Marigny sont bien sûr évoqués dans cette bande dessinée.
  • les affaires de la fin du règne. Celle des Templiers ainsi que celle de la tour de Nesle clôturent l’ouvrage. Dans les deux cas, suite à la dénonciation de comportements contraire à la loi (divine ou familiale), Philippe prend des décisions radicales aux conséquences nombreuses. La torture et les bûchers dressés en plein Paris ternissent cette fin de règne.

 

Pour feuilleter l’ouvrage : https://www.editions-delcourt.fr/bd/preview/la-couronne-de-france-les-rois-de-fer-t01