Ce livre, loin du déterminisme, explore les relations des hommes à l’altitude, les dynamiques économiques et territoriales des zones de montagne en Suisse et régions avoisinantes. Les différents articles, rédigés par des contributeurs variés, portent à la fois sur la relation des hommes aux éléments physiques de la montagne et sur les rapports entre sociétés des « hauts » et des « bas ». Les contributions s’organisent autour de trois thèmes : les systèmes agropastoraux et leur environnement, les dynamiques au sein de l’économie de marché et les aspects politiques.

Une longue introduction propose une réflexion générale sur le sujet avec des références à des études récentes. L’auteur Luigi Lorenzetti, (Università della Suizzera italiana) y note l’importance de la notion d’échelle dans l’analyse. Quand l’échelle est locale on constate une complémentarité entre avant pays et terres d’altitude, à l’échelle nationale c’est la concurrence qui apparaît et marginalise la zone de montagne. Après l’approche historique, la période contemporaine est abordée avec entre autre l’intrusion du tourisme sur les terres d’altitude.

Usages de la terre et économies agropastorales

L’approche de ce thème est historique et déclinée en quatre contributions dont deux en allemand.

Les régions étudiées portent sur le Tyrol, la région de Locarno, la Lombardie-Vénétie et la commune de Bagnes en Valais.

L’accent est mis sur la complémentarité entre hautes et basses vallées mais on constate également qu’il n’y a pas une répartition stricte de l’élevage en altitude et des cultures céréalières en piémont mais des exploitations mixtes au Tyrol notamment même si les échanges sont denses tant au point de vue économique que social et culturel.

A l’époque moderne , dans la région de Locarno, se met en place un mode d’appropriation foncier et de droits d’usage collectif qui pour les basses vallées s’ouvre à la monétisation et à un usage plus individuel des terres.

En Valteline au cours du XIXe siècle on voit se mettre en place une répartition des dominantes économiques : du bas vers le haut : commerce dominant et agriculture secondaire, en secteur médian : viticulture aux paysages lentement mis en place et plus haut une dominante élevage. Mais l’effondrement économique de l’augmentation de la taxe foncière a amené les producteurs de vins à relever le défi, aujourd’hui l’objectif, aussi pour la production laitière, est de développer le commerce vers les Grisons.

Le dernier article est consacré au système du consortage1 de l’alpage du Scex-Blanc entre 1922 et 1979. On y découvre le fonctionnement de cette organisation communautaire et son adaptation aux réalités du XXe siècle.

Usages de la terre et économies de marché

Deux articles en allemand et un en français.

Les forêts ont été pendant des siècles une ressource des communautés montagnards, notamment dans la Suisse de langue italienne où on pratiquait la production de charbon de bois pour le marché urbain. Les auteurs de ce premier article analyse les positions plus ou moins favorables des vallées en fonction de leur accessibilité aux XVIIIe et XIXe siècles.

Dans la même région l’article suivant aborde les relations des régions de montagne et de plaine dans le marché des céréales au XVIIIe siècle. La nombreuse population alpine qui s’emploie dans l’industrie naissante peut alors se fournir en céréales en Lombardie ? Les auteurs analysent ce marché et la croissance de la place du maïs.

Le troisième exemple concerna la modernisation de l’agriculture de montagne au lendemain de la seconde guerre mondiale dans les Hautes Alpes et en Maurienne. Cette étude porte sur les enquêtes des conseillers agricoles pour moderniser le secteur agricole et analyse les politiques de développement du tourisme, prôné notamment par les géographes, comme solution à la survie de ces territoires.

Les usages de la terre et facteurs politiques

Quatre contributions dont une en allemand pour aborder le temps long du moyen âge à aujourd’hui.

On part du « mas » héritier du manse carolingien, en Savoie et Dauphiné, une structure foncière omniprésente dans les hautes vallées d’abord collective puis de plus en plus individuelle. L’étude est faite à partir des terriers et comptes de châtellenie et montre l’évolution du XII au XVe siècle.

Retour en Suisse pour une présentation des interventions institutionnelles (750-1914) qui ont amplifié la concurrence en matière de production agricole entre hautes et basses vallées au profit de ces dernières. L’auteur montre notamment la concurrence accrue au XIXe siècle des productions fromagères des états voisins sur le marché urbain suisse.

A la même période XVIIIe-XXe siècle il s’agit de voir en quoi l’aménagement des vallées de la haute Lombardie impactent à la fois la montagne et la plaine, une affaire entre techniques et droit, en particulier les conséquences de la déforestation des montagnes sur l’irrigation des zones de collines et les inondations en plaine. Les auteurs montrent que très tôt ces projets ont été pensé en tant que système.

La première guerre mondiale est un moment important pour comprendre les conflits politiques entre les régions montagneuses et les provinces fédérales, conflits d’autosuffisance ou d’offre de travail à partir d’un exemple dans le canton d’Uri et analyser les relations entre région centrale suisse et la fédération.

La conclusion confiée à Gérard Béaur revient sur l’interrogation d’une spécificité liée à l’altitude en élargissement le propos à l’Europe voire le monde. Il rappelle que les régions de montagne, et pas seulement en Suisse, ont toujours été des espaces de circulations des hommes et des marchandises.

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1  Appropriation collective et exploitation communautaire, il existe également dans les Alpes françaises