« Repenser sa pédagogie tout en repensant l’espace » : voici la double entrée de cet ouvrage. Résolument pragmatique, Vincent Faillet donne ici un véritable mode d’emploi. Il appuie son propos par des témoignages et de très nombreuses propositions concrètes sous forme de fiches. On peut noter la qualité graphique de l’ouvrage avec notamment des schémas très clairs et très synthétiques.
Changer sa classe, changer sa pédagogie
Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de bouger les tables mais bien de réfléchir sur nos façons de faire cours. En effet, réorganiser l’espace entraine la redéfinition des modalités de travail. L’auteur empoigne résolument le problème des locaux et veut donner des solutions pratiques, bref, comme il le dit lui-même, il s’adresse aux « bricoleurs ». Vincent Faillet est professeur en lycée et doctorant en sciences de l’éducation. Son travail et ses réflexions sont à retrouver et à prolonger sur www.vincentfaillet.fr
Panorama de la forme scolaire
Dans un premier temps, assez rapide, l’auteur entreprend un tour d’horizon historique. Il rappelle qu’au XIX ème siècle on peut isoler trois formes d’enseignement : la méthode individuelle, la méthode simultanée et la méthode mutuelle. C’est finalement la deuxième qui s’est imposée comme la référence. L’auteur dit d’ailleurs que c’est « une norme toujours en vigueur et qui constitue, de nos jours encore, le moule immuable dans lequel se cristallise la forme scolaire ». Il précise ensuite l’idée de curriculum, « notion peu familière en France », puis insiste sur la question de l’architecture scolaire en rappelant quelques dates charnières. Parmi elles, on peut citer la première explosion scolaire des années 60 ou la période 1985-1995, moment où fut proclamée l’ambition d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat.
Remodeler sa pédagogie
Cette deuxième entrée pourrait surprendre le lecteur qui s’attend à lire quelque chose sur l’espace de la classe et qui entend parler pédagogie. Vincent Faillet assume le paradoxe car comme il le dit fort justement « gardons-nous de croire que la technique peut transformer l’école ». Il est important de repenser la classe en fonction des compétences nécessaires pour demain. Cinq font consensus : la collaboration, la communication, les compétences liées aux techniques de l’information, les habiletés sociales et culturelles et la citoyenneté. L’auteur distingue ensuite coopération et collaboration. La collaboration signifie réaliser les mêmes taches et les mêmes objectifs tandis que la coopération signifie réaliser différentes tâches en vue d’un même objectif. Partant de là, le groupe est un outil pour remodeler sa pédagogie. De façon très claire, il donne un tableau avec avantages et inconvénients sur les différentes modalités de formation des groupes justement. Il propose ensuite des jeux pour préparer le travail de groupe en classe. Il s’agit de jeux « brise-glace » conçus pour favoriser l’esprit d’équipe et la communication en groupe. Chaque activité est expliquée en une page ou deux, agrémentée d’une visualisation graphique. On soulignera l’intérêt de l’activité 7X5 où les élèves produisent un résumé à l’issue du cours puis s’échangent les feuilles avant d’évaluer le résumé de quelqu’un d’autre. Vincent Faillet a le souci de préciser la difficulté et le temps nécessaire pour chacune de ses propositions. On trouve également une fiche sur les groupes puzzle, technique qui fonctionne bien avec les élèves.
Remodeler sa salle de classe
L’auteur dit clairement qu’il va prendre comme base une salle de cours classique et pas un hypothétique projet qui n’existerait que dans un ou deux endroits favorisés. Pour réussir, il propose donc des conseils et tout d’abord il invite à constituer une équipe autour du projet. Trois mots doivent ensuite guider la réflexion : mobilité, interactivité et bien-être. L’auteur invite à associer les élèves et par exemple à réfléchir à la question des chaises, identiques pour tous alors que les élèves n’ont pas tous le même format. Pragmatique, Vincent Faillet donne quelques trucs pour l’acoustique d’une salle. Afin d’enrichir son propos, l’auteur laisse aussi la parole à d’autres spécialistes comme Laurent Jeannin qui évoque l’intérêt des murs d’écriture. Ne négligeant aucun aspect, l’auteur livre même un mode d’emploi pour discuter avec son gestionnaire avec les phrases à dire ou ne pas dire ! Il s’agit d’en faire un partenaire et pas un exécutant dont la mission se résumerait à signer des chèques pour l’achat de matériel. Il apparait aussi évident d’impliquer le chef d’établissement sans qui rien ne sera possible. Plusieurs photographies donnent aussi à voir à quoi peut ressembler concrètement cette nouvelle salle de classe.
Enseigner avec la classe mutuelle
Vincent Faillet définit d’abord la notion de « classe mutuelle ». Il s’agit d’une « salle de classe dépolarisée et flexible par nature, comportant de nombreuses zones d’interaction qui invitent à la libre circulation des élèves et au travail en groupes dans un objectif d’apprentissage entre pairs ». C’est, on l’aura compris, un changement radical de perspective. L’auteur revient aussi sur la question du corps de l’élève dans la classe, question très souvent évacuée comme si l’élève n’était qu’une tête. Les fiches ensuite proposées permettent de mettre en pratique le concept de classe mutuelle. Parmi les propositions, soulignons celle qui propose de faire construire par les élèves un cours avec des exemples ainsi qu’un QCM d’évaluation. Vincent Faillet précise aussi comment peut se dérouler la gestion de la trace écrite et de l’évaluation en classe mutuelle. Il n’évacue pas la question du bruit qu’un tel dispositif génère obligatoirement et propose des solutions simples et réalistes pour le gérer.
En conclusion, Vincent Faillet rappelle cette conviction forte : « la forme scolaire n’est pas immuable …la flexibilité de la classe mutuelle en est un exemple parmi d’autres. » On apprécie donc l’approche de l’auteur qui ne se résume pas à une question d’équipement, et les nombreuses fiches pratiques qu’il propose peuvent accompagner utilement celles et ceux qui veulent faire autrement.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes