Jordan Mechner est le créateur d’un jeu vidéo culte, « Prince of Persia ». Il propose dans cette bande dessinée Replay : mémoires d’une famille de découvrir l’histoire de sa famille, une histoire marquée par les exils et les déracinements tout au long des générations. Le livre est organisé en huit chapitres et un épilogue.

Trois générations

C’est donc l’histoire d’une famille, à savoir le grand-père Adolf, le père Franzi et lui-même Jordan. L’auteur choisit de ne pas raconter l’histoire de façon linéaire et entremêle les époques. Pour s’y repérer tout au long de ces trois-cents pages, on peut s’appuyer sur les couleurs des planches qui sont des marqueurs temporels. Il y a également une mini généalogie familiale dans la jaquette du livre. Jordan avait 14 ans en 1978 lorsque son grand-père rédigea ses mémoires mais, à l’époque, il ne s’y intéressa pas.

La Première Guerre mondiale

L’album raconte plusieurs épisodes de l’histoire du XXème siècle vécus par les membres de sa famille. Il évoque donc notamment la période de la Première Guerre mondiale à travers l’expérience d’Adolf. Celui-ci vivait à Czernowitz, un territoire près de la frontière russe. La ville fut prise par les Russes peu après le début de la guerre. En 1916, il est sur le front russe. Plusieurs pages décrivent le quotidien des combats. Blessé, il est ensuite versé dans un autre régiment et la guerre se poursuit pour lui.

Une vie d’enfant durant la Seconde Guerre mondiale

Adolf est juif et il décide donc de fuir l’Autriche en 1938. Les temps sont si difficiles que son fils Franzi, qui n’est alors qu’un enfant de 9 ans, se déclare alors à lui-même qu’ « il se considère comme mort ». Réfugié en France, vivant au bord de la mer, il est pourtant loin alors de saisir tout ce qui se joue alors. Franzi passe une grande partie de la guerre avec sa grande tante Lisa. On suit le quotidien d’un enfant en guerre avec ses joies, comme les premières amours, et le surgissement du tumulte de la guerre sous forme de bombardements. Pendant ce temps, Adolf est à Cuba.

Le sort des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale

Adolf pensait pouvoir faire venir toute sa famille. Il a choisi de partir seul préparer le terrain à Cuba, laissant son fils à Paris. Cuba était alors, en 1939, un des rares pays à accueillir des réfugiés juifs. Plus tard dans l’album, lorsque l’on suit les périples de Franzi, on s’aperçoit que le voyage jusqu’à l’île fut compliqué. Franzi échappe à la mort car, malade, il ne peut embarquer dans un bateau qui subit ouragan et typhoïde. On comprend aussi ce qui arrive aux proches de la famille et à d’autres, déportés à Auschwitz ou Treblinka.

Jordan, itinéraire d’un créateur

Jordan, lui, a grandi à New-York. Il raconte ses débuts dans le jeu vidéo, à un moment où les technologies étaient beaucoup moins évoluées qu’aujourd’hui. Il fallait donc bricoler, trouver des astuces pour créer. On aura bien compris qu’il fit ses débuts sur un Apple II, tant le produit est cité dans les premières pages. Il délivre dix conseils pour créer des jeux, liste écrite après dix ans de pratique. Parmi eux, le 5 dit qu’il faut se tenir prêt à vendre le projet à n’importe quel moment. Quant au conseil numéro 10, il est que personne ne sait ce qui va réussir. Selon les époques, il travaille aux Etats-Unis ou en France.

Le succès de Jordan

On suit donc Jordan à plusieurs moments de sa vie. Quand on réfléchit à la trame de son succès, le jeu « Prince of Persia », on se rend compte qu’il s’agit de l’histoire d’un fugitif venu d’un pays étranger et qui contre toute attente sauve le royaume, épouse la princesse et devient prince. Il a aussi réalisé un autre jeu célèbre « The last Express » qui lui a pris pas moins de quatre ans avant de devenir réalité. Cette création a aussi absorbé une grande partie de ses économies. Il ne cache pas que tout ne fut pas que réussite professionnelle. Il insiste aussi sur sa vie personnelle et celle de sa famille bouleversée par ses voyages et déplacements.

Jordan Mechner livre donc un récit émouvant sur l’histoire de trois générations. On pourra apprécier cette idée de lien entre les époques à travers le thème de l’exil. On pourra aussi être plus réticent à l’idée : les problèmes qui se posent à l’époque du créateur du jeu vidéo sont en effet d’une toute autre nature que ceux qui se sont posés à son père et grand-père.