Une étude sociologique sur une fraction de la noblesse
Éric Mension-Rigau professeur d’histoire à la Sorbonne, est un spécialiste des élites aristocratiques dans la France contemporaine. Il a publié de nombreux ouvrages parmi lesquels : Aristocrates et grands bourgeois. Éducation, traditions, valeurs (1994) ou Enquête sur la noblesse : la permanence aristocratique (2019). Le présent ouvrage, repose sur plusieurs dizaines d’entretiens réalisés par l’auteur avec des membres de la noblesse et c‘est ce qui en fait l’intérêt. Si l’auteur cite parfois Pierre Bourdieu, il dit vouloir éviter les cadres interprétatifs trop rigides. C’est pourquoi ce livre est fondé sur les « témoignages directs » de nobles et sur « le récit de leurs vies singulières ». L’auteur étudie une fraction de la noblesse d’aujourd’hui. Il a enquêté auprès de nobles qui ont fait le choix de travailler dans les affaires (banques, assurances…), les technologies de l’information et de la communication, l’industrie, le commerce… Essentiellement auprès d’hommes, en fait. Le lecteur croisera ainsi des patronymes connus : Henri et Jérôme de Castries, Jean-Charles de Castelbajac, Clara Gaymard (née Lejeune) mais aussi nombre d’aristocrates aux destinées plus discrètes.
La noblesse, entre unité et diversité
L’auteur présente rapidement l’évolution de ce groupe social depuis la Révolution française. Les tensions mais aussi les liens qui se tissent avec une fraction de la bourgeoisie à partir du 19e siècle. Longtemps, la crainte de déroger a éloigné les nobles du travail et du monde des affaires. Depuis la fin du 20e siècle, la diminution de leur patrimoine a poussé certains d’entre eux à entrer dans le monde des affaires pour maintenir celui-ci ainsi que leur statut social. Le « travail est devenu la norme, y compris pour les femmes ». Toutefois tous ne le font pas, des différences générationnelles sont nettement perceptibles. Au sein d’une même génération, par ailleurs, ceux qui gagnent beaucoup d’argent ne réagissent pas tous de la même façon et n’adoptent pas tous le même comportement. Reste que le poids de l’éducation, de la foi chrétienne et les valeurs communes à ce groupe contribue à l’unifier. D’autant plus que le regard des autres est souvent, disent les enquêtés, empreint de clichés.
Une valorisation du monde de l’entreprise
L’ouvrage valorise aussi fortement l’entrepreneuriat, aventure du 21e siècle, qui nécessite courage, travail, abnégation et volonté. Pour l’auteur, les « idéaux aristocratiques […] ont encore un rôle à jouer ». Pour lui, c’est dans le monde de l’entreprise, dans l’économie et l’innovation technologique « que s’écrivent les épopées d’aujourd’hui ».
Un ouvrage intéressant qui aurait mérité un œil plus critique, à accompagner d’une lampée, plus acide, du beau livre de Laure Murat Proust, roman familial.