A Nantes, en 1792, Pince-Mitraille, Titor et Mélina, une courageuse et très attachante bande d’enfants des rues, cherche à sauver leur amie Célénie, capturée par le truand Mange-Doigts à la fin du premier tome. Etant des enfants et étant, de surcroît, du Tiers-Etats, ils ne disposent d’aucun moyen d’y parvenir et de se mettre à l’abri. En effet, la jeune Célénie, après l’assassinat de sa mère, avait rallié Nantes dans l’espoir de trouver l’asile et la justice auprès de son oncle, l’impitoyable marquis de Valoire. Mais la Révolution a rebattu les cartes et attisé les convoitises, rendant Célénie plus intéressante morte que vivante.
Alors que Lalouette, fille du précepteur qui accompagnait Célénie, rencontre le commissaire afin de retrouver la trace de son père mort et que l’adjoint du commissaire semble jouer un double jeu, nos jeunes héros redoublent de ruse pour sortir leur amie des griffes de Mange-Doigts. Parallèlement à cela, ce dernier tente de tirer son épingle du jeu et d’obtenir plus d’argent du marquis de Valoire. Complots, courses poursuites, bagarres s’enchaînent à un rythme effréné sur fond d’avènement de la République et de la Terreur.
La Révolution française vue par des enfants
Comme dans le premier tome, Régis Hautière parvient magistralement à écrire une BD historique du point de vue d’enfants, permettant, selon ses propres mots : « d’éviter les grandes batailles et les grands hommes. D’être plus proche de l’humain et de la banalité du quotidien. On vit l’Histoire avec ceux qui la subissent. » La Révolution française est donc du point de vue des enfants et des autres personnages de l’intrigue. A l’instar des acteurs de la grande Histoire, les jeunes protagonistes sont ballotés au gré des intérêts de leurs adversaires et de l’évolution de la Révolution française. Sur un terrain mouvant, alors que le désordre et la violence règnent, chacun essaie de tirer les marrons du feu au fur et à mesure que les rapports de force évoluent. Les enfants deviennent alors des pions dans la quête de pouvoir des adultes.
Les dessins de Xavier Fourquemin sont toujours d’une grande beauté et d’une grande simplicité. Sous sa plume, le point de vue des enfants est parfaitement restitué, le dessinateur allant jusqu’à accentuer la hauteur des bâtiments ou le physique des adultes afin que le lecteur découvre la ville de Nantes presque à travers les yeux des héros. Les lignes sont claires, le dessin est précis, les couleurs sont chatoyantes, donnant ainsi vie à cette ville, à sa violence et à son caractère sans pitié. L’ensemble me rappelle la série Les enfants de la Résistance, avec un scénario solide, des graphismes de qualité, un point de vue original et un gros travail de restitution historique. Le fait que l’intrigue ne se déroule pas à Paris mais en province permet également de découvrir la Révolution de manière moins classique.
Les protagonistes sont davantage préoccupés par leurs aventures que par les événements révolutionnaires, rendant leurs découvertes d’autant plus savoureuses. De plus, parce que nous ne sommes pas à l’Assemblée mais bien dans les bas-fonds de Nantes, les débats se règlent à coups de pistolet et de surin. La mise en scène dynamique nous fait ressentir la violence de chaque coup et la nuance de chaque émotion, nous offrant une plongée jouissive dans les boyaux de l’Histoire, illustrant d’une façon prenante et haletante les soubresauts qui agitèrent la France de cette époque.
Une série à la fois passionnante et pédagogique
Ce tome est complété par un carnet pédagogique simple et précis, qui permet de répondre aux questions que le lecteur pourrait se poser sur le contexte de l’intrigue. Cette bande-dessinée, ainsi que ce carnet, peuvent, selon moi, servir de support ou de prolongement au cours sur la Révolution française en classe de Quatrième. Par l’approche très humaine et l’âge des héros, les collégiens peuvent s’identifier aux personnages et entrer dans cette période historique complexe avec plaisir. L’album propose plusieurs niveaux de lecture, pouvant ainsi être lu par des enfants en suivant surtout l’aventure de nos héros, mais aussi par des adultes en se concentrant sur la grande Histoire vue par le bas.