Voici un livre « gigogne » puisque ses trois parties portent sur des thèmes très différents et qu’aucune introduction ou conclusion générale ne vient expliquer le projet d’ensemble.
Les communications de la première partie, consacrée à « la force des mots », portent sur « les mots des assemblées des communautés en 1788 », « le fantôme du comité autrichien », « les prières des enfants du Temple, une comparaison franco-britannique », « un pamphlet manceau contre la révolution de la magistrature », « les mots des royalistes: dérision, transpositions et détournements », et « la rhétorique révolutionnaire en accusation : le répertoire politique au théâtre sous la Seconde République ». À l’exception de cette dernière étude (par J.-C. Yon), cet ensemble est souvent très descriptif et peu analytique.
La deuxième partie, qui porte sur la violence, commence par un article de J.-C. Martin sur la Vendée et la Terreur : il y montre que c’est l’analyse contemporaine puis historique de ces deux phénomènes qui en a fait des mécanismes implacables et voulus, minorant ainsi « l’importance du factuel et de l’accidentel dans les mises en place des processus de violence » et polarisant autour d’eux les interprétations de la Révolution. Suit un article de J.-M. Le Gall sur les exhumations et profanations de tombes royales à Saint-Denis, qui ont été interprétées à la lumière de la « sensibilité morbide » suscitée par le transferts des ossements vers les catacombes, dans les années 1780, mais qui procèdent avant tout d’une volonté de pédagogie politique de la part du gouvernement. Dans « l’iconoclasme politique : un combat pour la souveraineté (1814-1816) », Emmanuel Fureix analyse le traitement réservé aux symboles d’un régime déchu ou sur le point de s’effondrer, tant de la part de la population que des autorités. Il montre que « les seuils de tolérance » sont très variables : les images de Napoléon furent par exemple systématiquement détruites, alors que les arbres de la liberté, devenus des éléments constitutifs de l’identité villageoise ou urbaine, demeurèrent souvent en place. Les communications suivantes portent sur le traitement des violences révolutionnaires au cinéma et (cherchez l’erreur!) sur « le mot ‘paix’ : significations et interprétations par les diplomates français des discours de Hitler ».

La cohérence de la troisième partie, sur « les ombres portées des révolutions » est (encore) moins assurée. Un article sur les lois d’exception de 1820, prises sous la pression des ultras à la suite de l’assassinat du duc de Berry (le seul fils du futur Charles X, qui incarnait l’avenir de la dynastie) par le bonapartiste Louvel, montre que les débats qui entourèrent leur adoption ont contribué à « enraciner l’interprétation contractuelle de la Charte » qui fut par la suite l’un des moteurs des Trois Glorieuses en 1830. Les questions de l’héritage révolutionnaire y sont traitées dans une perspective qui entre en résonance avec le programme de seconde, tout comme l’article suivant, sur l’influence du souvenir de 1789 et 1830 sur les évènements de 1848. Pierre Triomphe y montre comment les grandes histoires de la Révolution par Jules Michelet et Louis Blanc, et des Girondins par Alphonse de Lamartine, toutes parues en 1847, ont entraîné une renaissance de la rhétorique révolutionnaire, dont la violence, à l’origine purement verbale et outrancière, a contribué à préparer les esprits aux événements de 1848. Suit un texte sur « Michel Leiris : Roman familial et Révolution », puis une contribution sur « la violence dans la construction nationale de la Chine », mettant en évidence le rôle de la Révolution française pour les penseurs chinois de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. L’ensemble se conclut sur une analyse de « Mythes et violence dans la presse israélienne, 1920-1982 », dont on voit mal le lien avec la Révolution mais qui présente un intérêt certain.
Au total, si le prix élevé est justifié par la qualité de la reliure (il s’agit là d’un vrai hardback à l’anglo-saxonne) on peut en revanche s’interroger la cohérence de l’ensemble : il semble que trois journées d’études aient été ainsi réunies de manière très artificielle et peu convaincante, bien que l’on y trouve quelques éléments utiles pour traiter le programme de seconde.