« Mon père, Fernand, tenait une aubette à journaux place de Brouckère ».

A travers l’histoire de son père, l’héroïne Kathleen nous entraîne à sa suite dans le Bruxelles sous occupation allemande, où l’on croise les dessinateurs Edgar P. Jacobs et Hergé mais aussi les partisans antisémites du nationaliste Léon Degrelle.

Troisième album consacré aux aventures de Kathleen (après Sourire 58 et Léopoldville 60), ce volume peut se lire indépendamment des deux autres. Revenue de Léopoldville en 1960, la jeune femme découvre dans le grenier familial des planches d’une bande dessinée satirique, dans laquelle Hitler est ridiculisé. Une note manuscrite attire alors son attention…

 

Bruxelles sous les bombes

Le dessinateur Baudouin Deville et le scénariste Patrick Weber proposent une plongée très documentée dans les heures les plus sombres de l’histoire de la capitale belge.  

Les difficultés de la vie quotidienne, les profondes dissensions qui déchirent la population ainsi que la brutalité des forces allemandes occupant la Belgique sont décrites avec réalisme. L’antisémitisme est évoqué à deux reprises mais de manière détournée. Trois familles sont au cœur du récit déroulé par Kathleen, alors adolescente. Le suspense est savamment entretenu jusqu’à l’épilogue. La mise en lumière, assurée par Bérengère Marquebreucq, et la colorisation volontairement « rétro »font revivre l’ambiance des années 1940.

Le Faux Soir

Si certains faits décrits relèvent de la fiction, l’aventure du « Faux Soir » est en revanche bien réelle. En novembre 1943 est publié un faux journal Le Soir, en réaction au Soir, que les Bruxellois surnomment « Soir volé » (par les Allemands). Organisée par le réseau de Résistance du « Front de l’indépendance », cette publication clandestine permet d’écouler 5000 exemplaires du journal parodique dans les kiosques de la ville. La répression nazie s’abat sur les responsables : ils sont arrêtés et pour la plupart déportés.

Entre histoire et BD

Le parti pris pédagogique de cet album est visible dès la première page : des notes infra paginales permettent d’expliquer des expressions bruxelloises ou de préciser certains événements ou mouvements sociaux et politiques. La véracité historique apparaît également à travers le dessin soigné des affiches de propagande placardées sur les murs de la capitale. Un intéressant dossier didactique à la fin de la bande dessinée permet une mise au point historique sur les grands thèmes développés dans le récit (le marché noir, la collaboration et le rôle de Léon Degrelle, une interview d’un Bruxellois ayant vécu l’occupation etc…) et est assorti d’une brève frise chronologique.

Enfin, l’ensemble fait la part belle au « neuvième art » et à son histoire : au fil des pages apparaissent les couvertures du Journal de Spirou et de Bravo, on suit – entre autres – les débuts de la bande dessinée « Rayon U » par Edgar P. Jacobs en 1943 et on découvre la censure par les autorités allemandes du trop américain « Flash Gordon » dès 1942 !

Un album pour les amateurs d’histoire et de bande dessinée !