Dans les pas d’un journaliste français en Chine depuis 1987
Reprenant le titre d’un essai paru chez Robert Laffont en 2005, le journaliste Eric Meyer nous propose un récit de ses premières années en Chine à la fin des années 1980. En 1987, la capitale chinoise est alors marquée par des manifestations sur la place Tian An Men. Alors vaguement envoyé par un journal régional (« les Dernières Nouvelles d’Alsace) afin d’obtenir son visa, Eric Meyer prend ses marques et s’acclimate progressivement dans cette Chine en pleine ouverture à la mondialisation.
L’écriture de ce livre a pris du temps. Comme le précise l’auteur dans une émission de sa chronique radio, trois années ont été nécessaires à sa conception puis à sa réalisation. Mais le résultat, à la fois littéraire et graphique, est bluffant.
Les dessins d’Aude Massot sont particulièrement colorés, réalistes et dynamiques. Rares sont les cases qui se ressemblent et le souci du détail est visible à chaque vignette. Les personnages sont expressifs, les références culturelles nombreuses (plats, monuments, articles du quotidien etc.) et les péripéties de l’auteur sont habilement retranscrites.
En 1987, Eric Meyer devient le « premier pigiste français accepté par le régime chinois » (page 17). Résidant chez un confrère anglais dans le quartier diplomatique de Qijiayuan à Pékin, il rencontre alors les expatriés présents sur place, travaillant notamment dans les ambassades ou pour la presse internationale. Australiens, anglais mais aussi belges, les expatriés occidentaux en Chine ne sont si nombreux à la fin des années 1980.
Source : Extrait tiré de la bande dessinée « Robinson à Pékin » publiée chez Urban Comics, Juin 2021, page 10
L’un des principaux atouts de l’ouvrage réside dans la capacité de l’auteur à raconter sa vie familiale et professionnelles par de savoureuses péripéties. La recherche d’un appartement dans une résidence diplomatique, l’installation de sa famille, les négociations sur les marchés, les reportages en province (comme à Qingdao), le difficile renouvellement de la carte de presse pour un indépendant et le face-à-face avec un fonctionnaire zélé sont l’occasion de traiter l’histoire politique, économique et sociale grâce à un acteur partageant des souvenirs de terrain.
Pour les professeurs, de nombreux passages sont mobilisables afin de traiter l’histoire de la Chine par l’itinéraire d’un expatrié français. Par exemple, les ambassades du tiers-monde (Sierra Leone, Nicaragua, Burkina Faso) soutenant Pékin disposent de logements diplomatiques plus nombreux que celles de pays neutres. Ce qui permet à l’auteur de s’installer quelque-temps dans un appartement en totale décrépitude … loué par l’ambassade du Sierra Leone !
La coexistence de deux monnaies (la Foreign Exchange Currency et le renminbi), le rôle du marché noir, les postures idéologiques en Chine continentale et à Hong Kong, le rôle des services de renseignement chinois (chauffeur, guide, femme de ménage), l’organisation dans les « danwei » (unités de travail de la Révolution), la faible qualité des objets « Made in China » (casseroles) ou les déplacements à Hong Kong pour s’approvisionner sur le marché libre sont autant de thèmes facilement compréhensibles par les élèves pour comprendre la Chine du tournant des années 1990. Les pages dédiées aux manifestations de 1989 sont également précieuses (et très claires) pour comprendre les motivations des étudiants. L’auteur décrit d’abord le contexte, en explique les causes puis le déroulement des évènements jusqu’à la répression.
Source : Vignette extraite de la bande dessinée « Robinson à Pékin » publiée chez Urban Comics, Juin 2021, page 31. Publié par l’agent littéraire Nicolas Grivel sur son compte Facebook professionnel.
Facile à lire grâce à une narration précise et captivante, les professeurs-documentalistes pourront le proposer pour garnir les étagères du CDI à la fois en collège et en lycée.
« Robinson à Pékin » est à coup sûr l’une des très belles surprises de cette année 2021 pour aborder la Chine. Un éclairage remarquable sur les mutations économiques et sociales, le tout de façon simple, coloré et souvent drôle.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes