Jessie Magana, auteure, a dirigé la collection « Français d’ailleurs » des éditions Autrement et Casterman, en partenariat avec le Musée de l’Histoire de l’immigration. Tous les titres ont été écrits par Valentine Goby. Elle est co-auteure de Eux, c’est nous chez Gallimard en 2015.
Magali Attiogbé est illustratrice ,née au Togo, elle vit en France.
Toutes les deux sont engagées dans l’association Encrages qui a pour but de promouvoir le livre jeunesse, la lecture, l’illustration et l’image animée, de permettre à des publics précaires de s’exprimer par des ateliers et enfin d’organiser des événements caritatifs en soutien à des personnes en précarité, migrants, exilés…
Voilà un bel album en format italien qui présente la même rue de Paris ou plutôt de sa banlieue proche à des dates de son histoire : 1890, 1900, 1915… L’arrière plan sous le rabat de droite est campagnard le périphérique apparaît au début des années 1970, puis premier immeuble, puis de grandes tours.
Le lecteur retrouvera des éléments qui ne changent pas ou peu comme la façade de l’école publique rénovée seulement à l’extrême fin du XXe siècle ou le café Marcel où l’inscription Bar-Vins disparaît entre 1955 et 1965… une intéressante lecture d’images du temps qui passe.
Pourtant le sous titre annonce une autre intention : faire découvrir au jeune lecteur, à partir de 8 ans, grâce au texte du rabat la vie humaine de la rue, ses habitants, des vagues de migrations. En 1890 Marcel l’Auvergnat côtoie Marco l’Italien, Augustin le Creusois et la Bretonne Guénaëlle mais aussi Stéfaan le Flamand migrant d’une saison. En 1900 il est question d’une famille juive russe et de la question du français enseigner à l’école. 1915 les voitures à chevaux ont définitivement disparu de la rue, la station de métro a fait son apparition comme les hommes venus des colonies à cause de la guerre : tirailleurs noirs et ouvriers chinois. 1925 la guerre est finie quand arrivent les Italiens fuyant Mussolini et Les Arméniens. Etc.. au fil des pages le thème de la migration est décliné : migration de la misère, réfugiés politiques, déclassement comme Werner l’ingénieur, allemand devenu ouvrier en 1938, l’appel à la main-d’œuvre nord-africaine aux lendemains du second conflit mondial, l’arrivée des Pieds-noirs, des Chiliens fuyant le régime de Pinochet et les immigrants d’Afrique noire comme Bako et la question des sans-papiers, les remarques racistes et l’espérance d’une même nation grâce au football en 1998 mais toujours des difficultés en 2018.
Une dernière page rappelle que un Français sur quatre a au moins un de ses grands-parents qui n’est pas né en France et qu’ « on ne quitte pas son pays par hasard ».
Un bel album pour faire réfléchir et travailler l’histoire et l’éducation civique.